Jean-Paul Mari présente :
Le site d'un amoureuxdu grand-reportage

Mes Edito

François: le pape et les faux-prophètes

A l’heure où des dirigeants revendiqués chrétiens ont abdiqué toute éthique et piétinent toutes les règles universelles, le pape François incarnait une morale des hommes. Qui d’autre après lui ?

Monde. Annexions sans frontières

par Jean-Paul Mari
Le temps des grands prédateurs est revenu. Les grandes puissances ne protègent plus, elles prennent...

Monde. La liberté de dire non

par Jean-Paul Mari
Deux mois ont suffi. Pour confirmer la capacité de nuisance d’un dictateur en puissance. Avons-nous encore le choix ?

Le deuxième effondrement du World Trade Center

par Jean-Paul Mari
Le président américain qui a fait carrière dans l'immobilier est avant tout un démolisseur

États-Unis: il faut oublier le soldat Ryan

par Jean-Paul Mari
Loi du plus fort, lâchage de l’Ukraine, rapprochement avec Poutine, affaiblissement de l’OTAN, attaques contre la démocratie, soutien ouvert à l’extrême droite en Europe… l'Amérique n'est plus notre alliée

Fou d’Amérique

par Jean-Paul Mari
Moins gracieux que le Fou de Bassan mais nettement plus dangereux, une nouvelle espèce est née...

2025 : une année de combat

par Jean-Paul Mari
Brr… Quelle année! Il faut avoir l’œil pointu et résolument optimiste pour se dire que, finalement, l’année 2024 qui vient de se terminer entre dans le cadre du bon an mal an, comme les autres.

Gaza. Hamas: la somme de toutes les haines

par Jean-Paul Mari
L’attaque du Hamas et son déchainement de haine et de violence a amalgamé toutes les formes du terrorisme contemporain. Il nous en a fallu du temps, au-delà de la condamnation immédiate,  pour réaliser l’envergure et l’horreur qui a frappé Israël...

Wagner : la facture de Bakhmout

par Jean-Paul Mari
La révolte du chef des mercenaires et sa marche ratée sur Moscou n’est que le résultat de la bataille de Bakhmout, une victoire à la Pyrrhus, dont le vrai vainqueur est l’Ukraine Evgueni Prigojine proclamant sa victoire à Bahkmout- Photo...

Russie-Ukraine : la vraie guerre a commencé

par Jean-Paul Mari
500 jours de conflit, triste anniversaire, le temps des bilans. En réalité, après les opérations spéciales, les offensives éclairs et les coups d’éclat, la « vraie » guerre vient à peine de commencer Rappelez-vous, c’était il y a déjà un an et...

Annecy : il faut soigner les « fous de la rue »

par Jean-Paul Mari
Certains imputent ce crime barbare à l’immigration, n’est-ce pas plutôt que l’Etat a abandonné les « fous de la rue » capables de se changer en criminel L’immigration. Voilà un bon sujet, un angle, une obsession politique ! À peine le tueur...

Urgences encombrées: mourir d’attendre, par le Professeur Adnet

par Jean-Paul Mari
Une étude française montre une augmentation de près de 50 % des décès chez les patients qui attendent toute une nuit aux urgences… Les urgences constituent le lieu de convergence de toutes les souffrances physiques et psychologiques de patients en...

FIGRA 2023 documentaires : la vie pour de vrai

par Jean-Paul Mari
Que fait-on quand on « surfe » sur les images d’internet ? Une balade sur You Tube fait défiler vidéos et films de la carpe et du lapin. Ici, des images d’actus, la politique, un fait-divers, là, une minute de film d’animation historique, un...

Erdogan, le sacre d’une Turquie en béton armé

par Jean-Paul Mari
Défiant tous les sondages, Erdogan a été réélu président de la Turquie avec 52 % des suffrages. Pour cinq ans de plus. Sa Turquie fait marche arrière vers l’obscurité. Et il est grand temps que l’Europe se décille Voilà, c’est...

Un cauchemar turc

par Jean-Paul Mari
À quoi rêve un jeune homme de la Turquie moderne, un de ces enfants du pays qui ont grandi sous le régime d’Erdogan?Tous espéraient le grand changement. Le 1er tour des élections a douché leurs espoirs. Et l’approche du second...

« Patrice Claude, mort d’un gentleman-reporter »

par Jean-Paul Mari
S’il est un homme à qui on peut sans sourire faire porter le titre de grand-reporter, c’était lui. Capable de sillonner et de creuser le terrain et d’en extraire la leçon, l’intelligence des faits, la vie. Évidemment, il était un...

Un nouveau journal ? Quelle folie ! par Laurent Joffrin

par Jean-Paul Mari
Aventure : dans ce printemps de la discorde et de l’amertume, nous créons un nouveau journal, ouvert, progressiste, polémique, et impertinent. Idée folle… Mais comment ne pas constater, comme moi, l’effrayante régression du débat public ? Pour l’avoir commenté de...

Benjamin Stora : « Je me souviens, de Gisèle Halimi et l’Algérie »

par Jean-Paul Mari
L’historien avait préconisé l’entrée au Panthéon de la célèbre avocate, morte en 2020, dans son rapport sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie », remis à l’Élysée en 2021. Alors qu’un hommage national lui...

François Schlosser, journaliste, mort d’un discret gentleman

par Jean-Paul Mari
François Schlosser, journaliste français,  humaniste, homme de gauche, syndicaliste, diplomate, longtemps chef du service étranger du Nouvel-Observateur où il a marqué une génération  de grands-reporters, réussissait à être à la fois brillant et effacé, à contre-courant d'un monde qu'il n'a...

Prix Albert Londres. Riga. Les lauréats 2022.

par Jean-Paul Mari
A Riga en Lettonie.  Margaux Benn (Ukraine )  Le Figaro -    Alexandra Jousset et Ksenia Bolchakova
 ( Wagner ) Fr5 Capa -    Victor Castanet (Les fossoyeurs)  Ed. Fayard. Le jury salue la présélection 2022 illustrant la richesse et la diversité...

Disparition de Marc Kravetz (journaliste, reporter, prix Albert Londres)

par Jean-Paul Mari
Marc Kravetz s'en est allé ce 28 octobre à l'âge de quatre vingt ans. Après une longue carrière de journaliste, de reporter, d'éditorialiste, notamment au journal Libération. Il avait reçu le prix Albert-Londres en 1980 pour ses reportages en Iran,...

Franck Dhelens. Réalisateur.­­­ Image de fin.

par Jean-Paul Mari
Un matin, j’ai appelé Franck du port de Marseille. Je venais de visiter l’Aquarius , le navire où je devais embarquer dans quatre jours et pour un mois, pour participer à une mission de sauvetage de migrants en Méditerranée. Personne...

Edito. Assassinats. « Colère et indignation » par Emmanuel Colombié (RSF)

par Jean-Paul Mari
Il aura fallu 10 jours après la disparition du journaliste britannique Dom Philipps et du Brésilien Bruno Pereira pour que le décès des deux hommes soit confirmé, suite aux aveux de l'un des suspects reconnaissant avoir enterré leurs corps. 10 jours d'imbroglio, pendant...

Édito: « La fausse guerre des civilisations », par Laurent Joffrin

par Jean-Paul Mari
La criminelle agression de Vladimir Poutine contre l’Ukraine, chacun l’aura remarqué, est aussi une guerre fratricide. Mille liens culturels rattachent Russes et Ukrainiens. Kiev fut jadis le berceau de l’ancienne Russie, les deux peuples ont la même religion et leurs...

Édito : « Michel Rocard, revenez, l’État renie sa parole en Nouvelle-Calédonie », par François Roux, avocat.

par Jean-Paul Mari
Le référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie doit se tenir le 12 décembre, en dépit d’un contexte sanitaire très difficile. Maintenir cette date revient à trahir les engagements des accords de Matignon, signés en 1988, par Michel Rocard, estime l’avocat François...

Édito : Figra, « Cap sur le printemps 2022 », par Georges Marque-Bouaret

par Jean-Paul Mari
La programmation du prochain FIGRA, qui retrouve sa grande formule de printemps et se déroulera – notez ! -  du 31 mai au 5 juin 2022, va s'enrichir d'une nouvelle catégorie internationale qui réunira entre six et huit  films inédits en...

Édito. « Vaccins : la religion de la catastrophe », par Jean-Paul Mari

par Jean-Paul Mari
Et si nous, journalistes, responsables de médias, étions – en partie – cause de la résistance à la vaccination ? La question est tout sauf un effet de style à l’heure du bilan de plusieurs mois d’information sur la crise sanitaire....

Édito : Femmes et talibans. « Pour en finir avec l’hypocrisie », par Jean-Paul Mari

par Jean-Paul Mari
Les talibans ont du mal avec le port du masque. A peine l'ont-ils adopté officiellement aux yeux du monde qu’il commence déjà à glisser, révélant – est-ce vraiment une révélation ? – leurs intentions véritables qui ne sont que l’expression de...

Édito : « Afghanistan : l’échec de trop », par Jean-Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Les taliban sont de retour. Encore ? Oui, encore. Les mêmes barbes, les mêmes turbans noirs, les mêmes visages illuminés, sinon éclairés, par la même foi, les mêmes certitudes. Qui sont-ils ? Question inutile. Nous le savons même si nous l’avons un...

Édito: « La plus grande des libertés », par Jean-Paul Mari

par Jean-Paul Mari
La plus grande des libertés est de ne pas mourir. Appeler à ne pas se faire vacciner, c’est appeler à mourir. Je ne suis pas vacciné, je suis contaminé, je suis malade, je meurs. Ou bien je fais mourir les...

Grands-Reporters : la liberté retrouvée.

par Jean-Paul Mari
GR déconfiné ? Nous ne l’avons jamais été. Sauf qu’il n’était pas aisé de voyager ces derniers mois. Alors, nous en avons profité pour réaliser les grands travaux de rénovation dont le site avait besoin depuis longtemps. C’est fait ! Découvrez...

Épidémie Coronavirus (Covid-19) : ce qu’il faut savoir

par Jean-Paul Mari
Informations générales, travail, santé, justice, déplacements et confinement, initiatives solidaires, enseignement, garde d'enfants, voyages... Service-public.fr rassemble dans ce dossier les principales informations et dispositions prises pour faire face à l'épidémie de Covid-19. Informations générales Quelles sont les sources d'information officielles...

Coronavirus : les foires aux questions (FAQ) officielles

par Jean-Paul Mari
Que faire face aux premiers symptômes du coronavirus ? Et si mon employeur me demande de me déplacer ? L'assistant maternel doit-il travailler pendant le confinement ? Face à l'épidémie, vous vous posez de nombreuses questions. De fausses informations circulent. Où trouver les...

Arrivée de migrants en Grèce: l’Europe doit « dire à la Turquie d’Erdogan que sa politique de chantage ne paye pas »

par Jean-Paul Mari
L'Union européenne doit "dire à Erdogan que sa politique de chantage ne paye pas, et qu'il n'est pas possible d'obtenir un appui politique de l'Europe en traitant des migrants en les considérants comme une simple marchandise qu'on retient dans les...

LIMBO : « Chasseurs de nuages »

par Jean-Paul Mari
 Ouverture des Ateliers LIMBO Ils sont lourds les nuages qui obscurcissent le ciel d’un migrant survivant des camps de torture du Sinaï ou de Libye. Lourds et noirs. Lourds comme le métal des chaînes qui les liaient jour et nuit,...

Drôle de métier! Sur un vélo d’enfant… face aux casses-têtes des Kanaks.

par Jean-Paul Mari
Des histoires de reporter qu’on adore se raconter entre nous mais qu’on ne publie jamais. Ratages, bourdes, coup de veine ou de malchance, situations ridicules voire grotesques, reporters désespérés, perdus, ou sauvés in-extrémis. Oups! Chef, j’ai glissé… Allez, on vous...

« Les pires ennemis de l’islam sont…les islamistes », par Jean-Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Ils sèment la mort depuis quarante ans. Ils prônent la mort, la louent, l’appellent de leurs vœux, l’incarnent, rêvent de martyr, en font un moyen et surtout le but suprême de la vie. Hommes en noir, femme en noir, combattants...

Bienvenue sur le nouveau site de grands-reporters !

par Jean-Paul Mari
Grands-reporters se transforme. Depuis sa création, notre site a reçu la visite de tous les amoureux du grand-reportage qui ont pu lire et voir librement plus de 1500 reportages – écrits, photos, dessins, vidéos – disponibles en libre accès. Notre...

SOS Migrants : voir l’émission sur France Info TV

par Jean-Paul Mari
VOIR ou REVOIR le magazine "Ouvrez le 1" diffusé mercredi 28 août sur Franceinfo consacré aux migrants.

Enquête exclusive sur les journalistes. (SCAM)

par Jean-Paul Mari
Les media et la presse en particulier vont mal. Et au bout de la chaîne, la situation des journalistes est devenue aujourd’hui inquiétante. À travers la dégradation du statut des journalistes, c’est le sort réservé à la liberté de la presse qui est en question. Garantes et garants de la liberté de s’informer, les journalistes sont à ce titre l’un des rouages du débat démocratique et républicain. Au-delà de l’état des lieux d’une corporation, cette enquête révèle une situation extrêmement préoccupante.

En Libye, un permis de tuer ?

par Jean-Paul Mari
La Libye vient d’interdire ses côtes à tout navire étranger. Une décision qui vise à criminaliser l’action des ONG, à les réduire à l’inaction, à laisser les migrants se noyer sans témoins. La décision est sans précédent. La Libye a annoncé le 10 août qu’elle interdisait tout navire étranger près de ses côtes. Elle crée - sinistre farce - une «zone de recherche et de sauvetage» où les navires ne pourront pas pénétrer sans autorisation, voire sans «demande express» des autorités libyennes, en particulier pour les bateaux des «ONG qui prétendent vouloir sauver les migrants». Le commandant de la base navale de Tripoli qui a fait cette martiale annonce s’irrite de ceux qui «manquent de respect aux garde-côtes et à la marine libyenne»… En clair, la Libye interdit aux ONG de travailler dans cette région de la Méditerranée, bien au-delà de la limite des 12 milles marins de ses eaux territoriales. Jusqu’où ? Elle ne le dit pas. Et s’octroie le droit d’aller arraisonner des bateaux étrangers dans les eaux internationales. Déni de droit. Pour mémoire, tous les observateurs savent que les garde-côtes libyens n’ont rien à voir avec leurs homologues européens, qu’ils sont souvent constitués de simples milices brutales et corrompues. Leurs «sauvetages» consistent pour l’essentiel - quand ils n’ont pas été assez soudoyés par les passeurs à terre - à aborder les radeaux pneumatiques, à rafler hommes, femmes et enfants, à les ramener vers les prisons de Tripoli où ils sont battus, violés, rançonnés et doivent payer - encore ! - pour pouvoir avoir le droit de se retrouver en enfer. Tous les rescapés l’attestent, la Libye est un cauchemar pour les migrants, surtout s’ils sont noirs et chrétiens. A un médecin humanitaire qui lui demandait pourquoi il était dans cet état et de quoi il souffrait, un naufragé a répondu : «J’ai mal à la Libye.» Humiliations, exploitation, tortures, viols : hommes et femmes, tous ont vécu la même chose. La Libye a réinventé la traite négrière. On imagine mal que les autorités d’une partie de ce pays, qui parlent si fort aujourd’hui, le font sans l’accord tacite des pays européens. Ce n’est pas une surprise. Ces dernières semaines, l’offensive contre les ONG est devenue générale. Paris, Berlin et Rome mettent désormais en cause le travail des ONG. Le chef d’accusation ? Les humanitaires seraient… complices des passeurs libyens. Au départ, il y a peu de chose dans le dossier. Une déclaration d’un procureur de Catane, l’hostilité affichée et attendue de l’agence Frontex, un flot de rumeurs et d’insinuations sur les «vraies» motivations des ONG, leurs méthodes, leurs financements, etc. Une sale campagne de discrédit reprise, amplifiée et déformée avec volupté par tous les mouvements d’extrême droite qui n’ont qu’une obsession : faire disparaître les migrants de la surface de la mer. Quand j’étais à bord de l’Aquarius de SOS Méditerranée et Médecins sans frontières, chaque sauvetage se faisait - et se fait encore - sous la direction du MRCC, le centre maritime de Rome qui désigne les embarcations à secourir et les attribue au navire le plus proche. A l’époque, le MRCC avait d’ailleurs salué l’initiative citoyenne des ONG européennes et l’amiral commandant la flotte militaire européenne de l’opération Sophia nous avait envoyé un télégramme de félicitations et une invitation à déjeuner à son bord. Quant au financement, la plupart des navires naviguent grâce aux dons privés de milliers de citoyens, recueillis en toute transparence. Alors ? Alors, il a suffi d’une seule accusation - sérieuse - contre une petite organisation allemande, Jugend Rettet, pour décréter que… toutes les ONG étaient forcément coupables. Absurde ? Non, cohérent. Parce que les choses ont changé. Il y a un an, l’Europe ne faisait rien. Les migrants se noyaient. Et les pouvoirs politiques se taisaient. Ou bégayaient des professions de foi sans suite à chaque tragédie spectaculaire. Seule l’Italie faisait son travail, employant ses garde-côtes aux secours, recueillant les naufragés, les recevant sur son sol. Elle était bien seule. Comme lors de l’opération Mare Nostrum qui a sauvé - tout de même ! - près de 150 000 migrants en mer. Aujourd’hui, l’Italie a fait savoir qu’elle en avait assez de lancer des appels à l’aide qui restent sans réponse. Elle menace de fermer ses ports engorgés. Durcit le ton. Se referme. L’Europe, elle, a choisi de ne pas faire son devoir, au mépris de toutes ses valeurs. Elle a choisi de payer la Libye, comme elle l’a fait pour la Turquie. Ce n’est pas nouveau. Silvio Berlusconi - une référence - qui se faisait fort d’arrêter le flux des migrants, n’avait pas hésité à faire le chemin de Tripoli pour s’incliner devant Kadhafi et offrir la construction d’une grande autoroute pour 5 milliards de dollars, avec un supplément de 400 millions d’euros pour la marine nationale libyenne. L’Europe, aujourd’hui, prend le même chemin. Dans ce contexte, les ONG sont devenues gênantes. Avec leur façon de créer un corridor humanitaire. Alors il faut les supprimer. Ou au moins, les neutraliser. En leur imposant entre autres un «code de conduite» avec un policier à bord, façon de transformer le secours en contrôle policier des migrants. Exactement comme le veulent aussi les mouvements d’extrême droite qui ont armé un navire, le C-Star, pour refouler les naufragés vers les «secours libyens», autre farce macabre. Gageons que, sous peu, le C-Star s’opposera au travail des navires des ONG, provoquant des incidents en mer, ce qui amènera les autorités à limiter encore plus l’activité des ONG pour des «raisons de sécurité»… Tout cela n’a qu’un but : criminaliser l’action des ONG, c’est les réduire à l’inaction, laisser les migrants se noyer sans témoins, les faire disparaître de la scène internationale. Mais surtout, loin de chez nous. Hors de notre vue. Cela ressemble à un crime contre l’humanité, non ? Avec l’indifférence comme arme de destruction. La décision des Libyens n’est qu’une étape de plus, un permis de chasse, un permis de tuer, et au mieux, pour nous Européens, un permis tacite de laisser mourir.

Criminaliser les ONG de secours en mer

par Jean-Paul Mari
Voilà, c’est fait. L’offensive contre les ONG est devenue générale. Paris, Rome et Berlin mettent désormais en cause le travail des ONG qui portent secours en mer aux migrants naufragés. En un mot, les ONG seraient …complices des passeurs libyens. Au départ, il y a peu de choses, une déclaration d’un procureur de Catane, l’hostilité affichée et attendue de Frontex, un flot de rumeurs et d’insinuations sur les « vraies » motivations des ONG, leurs financements, leurs méthodes, etc., une très sale campagne reprise, amplifiée et déformée avec volupté par tous les mouvements de droite et d’extrême droite qui n’ont qu’une obsession : faire disparaître les migrants de la surface de la mer. Pourtant, le dossier paraît vide. Quand j’étais à bord de l’Aquarius de SOS Méditerranée et MSF, le sauvetage se faisait – et se fait encore – sous la direction du MRCC, le centre maritime de Rome. C’est lui qui nous désignait les bateaux à secourir, les attribuait au navire le plus proche, décidait du transbordement sur un autre navire. À Rome, le MRCC avait d’ailleurs salué l’initiative de l’ONG. Comme l’Amiral commandant la flotte militaire européenne de SOFIA qui avait envoyé un télégramme de félicitations et invité le capitaine de l’Aquarius à …déjeuner à son bord. Quant au financement, c'est simple, l’ONG survit grâce aux dons des citoyens, recueillis en toute transparence. Pourtant; il a suffi d’une seule accusation, sérieuse, contre un seul des navires de secours d’une petite organisation allemande – Jugend Rettet – pour décréter que… toutes les ONG étaient forcément coupables. Absurde. Qu’est-ce qui a changé ? Il y a un an, l’Europe ne faisait rien. Les migrants se noyaient. Et les pouvoirs politiques se taisaient. Seule l’Italie faisait son travail, employant ses garde-côtes aux secours, recueillant les naufragés, les recevant sur son sol. Aujourd’hui, l’Italie a fait savoir qu’elle en avait assez de lancer des appels à l’aide qui restaient sans réponse. Elle menace de fermer ses ports engorgés. Elle durcit le ton. L’Europe, elle, a choisi de ne pas faire son devoir, au mépris de toutes ses valeurs. Elle a choisi de payer la Turquie pour jouer les chiens de garde. Et maintenant la Libye pour « secourir les migrants » - sinistre farce quand on sait l’horreur dans cette Libye, - revenue au bon temps de la Traite négrière -, qui rançonne, torture, viole et tue les migrants. Hommes et femmes. Oui, l’Europe a choisi. Et ce n’est pas très beau à voir pour nous Européens. Dans ce contexte, les ONG sont devenues gênantes. Avec leur façon de créer un corridor humanitaire. Alors, il faut les supprimer. Ou au moins, les neutraliser. En leur imposant un « code de conduite » avec, entre autres, la présence d'un policier à bord, façon de transformer le secours en contrôle policier des migrants. Exactement comme le veulent les mouvements d’extrême-droite qui ont armé un navire, le « C-Star », pour refouler les naufragés vers les « secours libyens », autre farce macabre. Gageons que, sous peu, le C-Star s’opposera au travail des navires des ONG, provoquant des incidents en mer, ce qui amènera les autorités à limiter encore plus l’activité des ONG pour « raisons de sécurité »... Tout cela n’a qu’un but : criminaliser l’action des ONG, c’est les réduire à l’inaction, laisser les migrants se noyer sans témoins, les faire disparaître de la scène internationale. Et la Libye ? La Syrie ? L’Afghanistan ? L’Érythrée ? Le Sud-Soudan ? Les guerres ? Les dictatures ? L’exode ? La misère ? Peu importe. Qu’ils meurent. Mais surtout loin de chez nous. Hors de notre vue. Cela ressemble à un crime contre l’humanité, non ? Avec l’indifférence comme arme de destruction. « Défendre l’Europe ! » Finalement, nos gouvernements parlent exactement comme les fascistes de Génération Identitaire et les mouvements d’extrême-droite. L’Europe des Nations - la nôtre – est en train de perdre la bataille du cœur et de l’intelligence, celle des Droits de l'Homme. Il faudra un jour expliquer cela à nos enfants. Ce sera dur.

Sale campagne contre les ONG de secours aux migrants

par Jean-Paul Mari
Quand les migrants gênent, on dit qu’ils ont la rage. Ou que ceux qui les empêchent de se noyer en mer sont des criminels complices des passeurs. Depuis quelque temps, une série d’accusations visent les ONG dont les bateaux de...

L’Édito :Josette ou l’élégance du reporter, par Jean-Paul Mari

par Jean-Paul Mari
Il y a des disparitions plus cruelles, plus injustes, plus scandaleuses que d’autres. Nous avions une grande dame et le qualificatif, désormais, n’est plus très facile à attribuer. Il est d’usage de dire que certaines personnes s’en vont en emportant une partie de notre mémoire. Ce n’est pas totalement exact. La mémoire qui nous reste est seulement plus douloureuse. Elle met le vide en abyme. La mort de Josette me donne le vertige, un peu comme on perd un point de lumière dans l’obscur, un repère moral, un membre aimant de notre famille. Et celui ou ceux qui gouvernent – mal – en haut auraient dû nous la laisser encore un peu, comme une borne lumineuse sur le chemin du ciel. Josette était un coup de foudre pour tous ceux qu’elle rencontrait, sa mort est un coup de grâce. Au Nouvel Observateur, elle est la dernière d’une série de chocs qui ébranle toute la maison. Il y a eu Serge Lafaurie, jeune vieillard magnifique dont Clint Eastwood n’était qu’un pâle sosie, un prince des mots, un seigneur engagé et discret. Et François Cavigioli, sa plume, bon dieu, sa plume ! Et la malice des tendres. Et K.S. Karol, une culture d’encyclopédie politique, un morceau d’histoire contemporaine à lui tout seul. Et son courage. Et maintenant Josette, dont l’élégance du corps et de l’esprit faisait baver d’envie les quatre étages de la rédaction. Ils étaient à la fois beaux, brillants, engagés et humbles. L’humilité. Au temps des selfies, la vertu devient rare, non? Elle, en grande dame, n’étalait rien. Il lui suffisait d’être. Albert Londres aurait fondu devant elle. Nous aussi. Josette, présidente de l’association avant que sa santé ne l’oblige à renoncer, cela suffisait à illuminer la fonction politique, et d’oser imaginer Ava Gardner à l’Élysée. Alors oui, plus que la tristesse, c’est une sainte colère qui nous saisit. La tristesse, ce sera pour plus tard, quand le temps atténuera le scandale de son départ. La tristesse, pas l’amertume. Et quand sera trop forte la nostalgie de notre grande dame, il suffira de fermer les yeux et de la revoir pour retrouver le vrai visage de la jeunesse éternelle. Avec toute notre tendresse.

Édito : « Donald et son mur », par Jean-Paul Mari

par Jean-Paul Mari
C’est un pari fou. On serait tenté de dire, le pari d’un fou. Sauf qu’il est président des États-Unis, qu’il vient d ‘être élu et semble résolument décidé– il est résolument décidé pour tout – à faire construire ce mur qui va courir le long des 3330 kilomètres de la frontière entre le Mexique et les États-Unis, du Golfe du Mexique jusqu’à la Californie sur la côte pacifique. Comme souvent, tout le monde aimerait se rassurer en pensant que Donald Trump, ce président au prénom de bande-dessinée, n’est qu’un bouffon excité qui ne durera que le temps d’un mandat de cinq ans. C’est mal connaître l’Amérique. L’idée du mur n’est pas celle d’un homme seul. Une grande partie des Américains la soutiennent depuis longtemps. Déjà, au temps de Georges W. Bush, un autre président -élu et réélu par ses concitoyens, et qui a plongé le monde dans deux guerres dévastatrices, l’Afghanistan et l’Irak - les Républicains voulaient édifier ce mur de 3330 kilomètres. Donald Trump y ajoute sa note personnelle en affirmant vouloir faire payer le coût de ce gigantesque ouvrage par les Mexicains eux-mêmes. Il y a une dizaine d’années, alarmé déjà par ce projet, j’ai voulu réaliser un reportage tout au long du tracé de ce mur à moitié construit pour en comprendre la réalité. Avec un dessinateur Yann Le Bechec, nous avons passé un mois, entre océans et montagnes, rios et déserts, à suivre ce pointillé sur la carte qui sépare deux mondes. Deux humanités. L’élection de Donald Trump, sa volonté affirmée de faire aboutir ce mur, sa brutalité et son mépris des valeurs humaines, la colère et le désespoir des autres, la stupeur ou l’indifférence des autres nations de toutes façons réduites à l’impuissance, tout nous porte à republier ce « Voyage le long du mur » plus d’actualité aujourd’hui que jamais.

Edito: « Petit journal d’une grande tragédie », par Jean-Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
La chronique des migrants. Au jour le jour, toutes les bulles d’informations qui naissent et disparaissent sur la surface de l’eau. Chaque jour apporte son lot d’informations sur la tragédie des migrants, notamment en Méditerranée. Ces infos sont reprises ou pas, et disparaissent sans laisser beaucoup de traces. On sait bien sûr que des hommes, femmes et enfants se noient en mer, disparaissent, sans laisser de traces eux-non plus. Autant de bulles qui éclatent à la surface de l’eau, dans un petit bruit d’air. "grands-reporters.com" a décidé de tenir une chronique de toutes ces informations, les petites et les grandes, les lois et leurs conséquences,les grandes statistiques et les petites histoires, les grands drames et les faibles espoirs, le grand silence et les appels à ne pas fermer les yeux. Posées l’une après l’autre, ces informations disparates deviendront une chronique, un journal, une pierre inscrite, et feront ce que, modestement, nous pouvons et devons faire : graver une histoire qu’on veut oublier.

L’Edito : « Histoire d’une révolte », par Jean Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Le dimanche 17 avril 2016, le navire Aquarius de SOS Méditerranée file à toute vitesse vers les lieux d’un naufrage. Le vent mauvais est de force 6, les vagues hautes de deux mètres. Quand il arrive sur zone, l’équipage découvre un « zodiac », en réalité un canot de plastique de dix mètres de long aussi fragile qu’un jouet de plage, surchargé d’une bonne centaine de passagers. Le radeau s’est cassé en deux, par le milieu, les survivants ont de l’eau jusqu’à la poitrine et ils ne savent pas nager. Il est en train de couler. Les migrants étaient 135 au départ, l’Aquarius en a sauvé 108. Deux hommes se sont noyés sous les yeux de l’équipage. Six corps ont été retrouvés au fond du canot. Sauvetage tragique. Si l’Aquarius était arrivé une demi-heure plus tard, il n’aurait rien trouvé, sinon une mer plate. Un trou dans l’eau. Le radeau de plastique, les 108 survivants, hommes, femmes, enfants, tout aurait été avalé par la Méditerranée. Une question tourmente : combien de radeaux, de canots en plastique ou de carcasses de chalutiers ont disparu en silence ? Combien d’absents dont on ne sait quand ils sont partis, d’où ils sont partis, combien ils étaient, qui ils étaient ? Voilà pourquoi j’ai rejoint l’association. Je venais de publier un livre, Les bateaux ivres, sur l’odyssée des migrants en Méditerranée. J’y racontais le périple, l’errance, le calvaire des migrants. On lisait, on me disait : « A h ! C’est terrible, mais que faire ? ». Puis SOS Méditerranée m’a contacté pour me parler de leur projet. Que faire ? Mais d’abord les empêcher de se noyer ! C’est ce raisonnement simple — dire non à l’inacceptable — qui a conduit un an plus tôt un capitaine de navire Allemand et une humanitaire Française à lancer un pari fou. Trouver l’argent pour armer un bateau avec équipage, sauveteurs et clinique à bord, pour patrouiller le long des côtes libyennes, ce trou noir géographique et politique, véritable mur liquide, frontière mortelle pour les migrants. Moins d’un an plus tard, grâce à la mobilisation de citoyens européens, de petits chèques et de grands coups de coeur, l’Aquarius appareillait de l’île mythique de Lampedusa. Fin février 2016, on me demandait d’être de la première rotation de trois semaines — il y en aura beaucoup d’autres — et de faire savoir1. Ce qui fut fait. Articles de journaux, radios, télés, internet, marionnettes s’il avait fallu, à bord, nous avons battu le rappel. D’autres rotations ont suivi, d’autres sauvetages, d’autres journalistes, l’aventure s’est répétée, elle continue encore. À la fin de l’été, l’Aquarius avait réalisé une trentaine de sauvetages et porté secours à plus de six mille personnes. L’hiver arrive, la mer redevient méchante et les passeurs libyens, pressés de se débarrasser de leur marchandise humaine, en entassent toujours plus sur les mêmes misérables radeaux dont le dernier, secouru in extremis, transportait… 167 migrants. Oui, des hommes, des femmes, des enfants et des bébés se noient en ce moment même, transforment cette mer de lumière et de soleil en une sombre fosse commune. Déjà plus de 3 000 morts à la fin de l’été, 5 017 noyés en 2014, 5 350 en 2015, plus de 10 000 en deux ans, sans doute près de 40 000 depuis l’an 2000. Combien de noyés encore, d’absents, de trous dans l’eau ? Cet été, il y avait certes les garde-côtes de la marine italienne et une dizaine de bateaux humanitaires, rares navires de l’espoir sur un océan de détresse. Oui, l’Aquarius continuera à patrouiller tout l’hiver, avec cette marque essentielle qui fait que l’association n’est pas une ON G comme les autres : chaque séjour en mer — 11 000 € par jour — est financé par des citoyens européens, Français, Allemands, Italiens, des gens comme vous et moi. C’est toute l’originalité et la force de l’entreprise. Dire non à l’inacceptable, dire haut et fort les valeurs de l’Homme, de l’Europe, les valeurs universelles. Et les mettre en action. En ce moment même, l’Aquarius vogue. Au premier pari, fou, mais tellement raisonnable, s’en ajoute un autre. Le printemps de grâce est passé, il faut durer. En continuant à garder cette forme de participation citoyenne. Ne pas devenir une ON G comme les autres, notabilisée, obligée de faire appel aux institutions, aux entreprises, au marché. Rester la voix des citoyens, la conscience, le messager. Une voix populaire qui s’élève, au-delà du brouhaha politique, du paternalisme bon teint du caritatif, de l’inefficacité consentie et des soupirs résignés — « A h ! Mais que faire ? ». Continuer à forger cet outil citoyen révolutionnaire qui dérange, mais transcende les discours convenus, pour les transformer en un acte simple, mais essentiel : tendre la main à celui qui se noie. JPM Extrait de la revue Astérisque de la SCAM 1 La Scam a exceptionnellement participé à cette opération humanitaire en finançant des travaux d’auteurs relatant l’odyssée de SOS Méditerranée.

Migrants : de la banalisation de l’horreur

par Jean-Paul Mari
C’est un navire de sauvetage en mer – l’Aquarius – qui fait route vers Trapani, son port d’attache en Sicile. Habituellement, sur le chemin du retour, on se sent soulagés. Une rotation de trois semaines de mer, des sauvetages réussis, des vies sauvées, un équipage fatigué, des bénévoles, des médecins et des marins pressés de souffler. Et puis soudain, un appel, un de plus, le dernier. Le bateau se déroute, bien sûr. Sans savoir ce qu’il va affronter. L’appel du centre maritime de Rome parle de deux canots pneumatiques en détresse. Saletés de radeaux flottants en plastique que les passeurs jettent sur la mer, chargés d’au moins cent personnes, souvent plus. Il faut faire vite. Les sauveteurs savent faire. La routine, hélas. Sauf que la marine militaire italienne informe qu’il y a de « nombreux cadavres à bord de l’un des canots». Un sauvetage de migrants en Méditerranée, face aux côtes libyennes, c’est une affaire toujours une affaire de vie et de mort. Là, en prime, il y a l’horreur. À travers les rapports publiés par SOS MEDITERRANNEE, MSF ou le récit de l’envoyée spéciale du journal Le Monde présente à bord, on comprend le choc que les sauveteurs ont eu en découvrant le canot en plastique en train de couler. Souvent, ces pneumatiques surchargés dérivent au gré des courants, moteur en panne, boudins percés, dégonflés. Leur fond en plastique, tapissé de mauvaises planches, se casse en deux comme une boite d’allumettes. La masse des migrants glisse inexorablement vers le centre, creuse le radeau qui s’enfonce, balayé par les vagues. Au milieu, des femmes, censées être mieux protégées. L’eau monte dans le canot, la panique fait le reste, les migrants se noient, piétinés au fond de l’embarcation. Ils sont partis de Libye vers minuit. Vers cinq heures du matin, c’est le fond du bateau, troué, qui a lâché, l’eau a grimpé et soulevé le plancher flottant. Le premier canot de sauvetage découvre des hommes et des femmes terrorisées qui se débattent dans un mélange d’eau de mer, de vomi et de carburant, cette essence puante qui les intoxique, les fait délirer, les tue. Au fond du canot, 22 corps, dont 21 femmes. Les autres ont des regards hallucinés. Ils ont passé près de six heures à côté des morts, un compagnon, une épouse, une sœur. Quand ils arrivent à bord de l’Aquarius, la plupart n’arrivent pas à marcher, d’autres tiennent des propos incohérents. Des survivants hagards, qui n’ont rien mangé ou bu depuis des jours et qu’on douche à grands jets, pour essayer de les débarrasser de cette saleté d’odeur d’essence qui empuantit le pont du navire. Une odeur de mort. Bien sûr, l’Aquarius a sauvé, ce mercredi 20 juillet, 209 personnes, dont 50 mineurs, des Africains qui fuyaient le Nigeria, la Côte d’Ivoire ou la Guinée-Conakry. Mais les rescapés et leurs sauveteurs ont fait le voyage du retour avec vingt-cinq sacs mortuaires sur lesquels on a tracé à la craie un numéro et un début d’identification. Sauveteur ou migrant, personne ne pourra oublier ça. À terre, cela semble plus facile. Vingt-deux migrants morts de plus…allons, cela ne change vraiment pas le « score » des trente, quarante mille noyés en quinze ans, 2014, non ? Il y a dix ans, l’affaire nous aurait secoués et les éditorialistes auraient interrogé les consciences et les politiques. Aujourd’hui, à l’exception du récit du Monde, cela fait une courte dépêche AFP, quelques lignes d’une brève dans les quotidiens, peut-être une phrase en fin de journal…L’horreur se banalise. Puisque le cœur nous manque, regardons les chiffres. Cette année, 80 000 hommes, femmes et enfants ont traversé la mer jusqu’en Italie (HCR). Depuis 2014, 10 000 sont morts ou sont portés disparus en tentant de gagner l’Europe par la mer, notre Méditerranée. Dix mille…Plus vingt-deux, ce mercredi d’été. Dont vingt et une femmes. Victimes des guerre du monde, de la misère de l’Afrique, des passeurs libyens, de radeaux de plastique puant le vomi et l’essence. Victimes enfin de notre goût du confort. Et de cette formidable capacité, que nous avons développé, à accepter l’inacceptable. JPM

L’Édito: « Sauvés par les Libyens?Non merci! », par Jean Paul Mari.

par Jean-Paul Mari
Alors que Sophia ( l'Europe) vient de signer un accord avec la marine libyenne...... Ce mardi 25 mai, six grands canots pneumatiques transportant 550 migrants ont été « secourus » par les garde-côtes libyens au large de Sabratha, à l’ouest de Tripoli. Ce n’est pas la première fois que les autorités libyennes parlent de sauvetage de migrants dans la limite des des eaux territoriales du pays. Deux jours plus tôt, 850 réfugiés, embarqués dans de fragiles embarcations pneumatiques ont été arrêtés au large de Zaouira. En avril, ce sont 649 hommes, femmes et enfants, à bord de sept canots, qui ont été interceptés. A chaque fois, les autorités libyennes parlent de « sauvetage ». A chaque fois, le même communiqué claironne que « les migrants secourus ont été remis aux autorités maritimes avant d’être transférés dans des centres d’accueil et d’hébergement ». La réalité est bien différente. D’abord, les Zodiacs modernes des garde-côtes libyens ne sont pas des bateaux de sauvetage. Ils sont certes puissamment motorisés, sont armés d’une mitrailleuse, mais n’ont pas le capacité d’emport qui leur permettent d’accueillir la grosse centaine de passagers que contient un grand et fragile canot pneumatique utilisé par les passeurs. Ensuite, l’intervention est moins une action de sauvetage qu’une interception, suivie de l’arrestation des migrants. Le 20 mars dernier, la brutalité de l’action a provoqué le chavirage d’un canot et la noyade de neuf des migrants à bord. Et deux jours plus tôt, un canot a pris feu pendant l’intervention et quatre naufragés sont morts carbonisés. Enfin, l’expression « autorité maritime » ne veut plus dire grand-chose dans un pays divisé entre au moins deux gouvernements, l’un, à l’est, reconnu par la communauté internationale et l’autre, à Tripoli - précisément à l’endroit où se déroulent les « sauvetages » - soutenu par une coalition de milices notamment islamistes. Thomas, un Gambien recueilli à bord de l’Aquarius de SOS MÉDITERRANÉE a témoigné des résultats de son premier « sauvetage » par les garde-côtes. En fait de « centre d’accueil et d’hébergement », il a été jeté avec les autres en prison, battu et rançonné, et n’a pu s’en sortir qu’en payant une somme équivalente à 500 euros. Avant de repayer un passeur pour une deuxième tentative, terrorisé à l’idée... de se faire « sauver » une deuxième fois par les garde-côtes. La Libye, pays sans loi et sans droit pour les migrants, qui sont pour l’essentiel des Africains noirs et parfois, condition aggravante, chrétiens, ne sauve pas les réfugiés, elle les capture à nouveau, les maltraite, les exploite. Avant de diffuser des communiqués humanitaires triomphants, histoire de montrer à la communauté internationale qu’elle n’a surtout pas besoin d’intervention extérieure dans ses eaux territoriales, comme l’Europe menace de le faire avec l’opération Sophia. Et que Tripoli sait faire le ménage tout seul pour débarrasser la mer des migrants, cette population aussi gênante que rentable.