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SANS BLESSURES APPARENTES

Livres publié le 03/10/2008 | par Jean-Paul Mari

Bagdad, 8 avril 2003.
Ce matin, l’aube est noire. Un brouillard sale monte des fosses de pétrole en feu. Elles brûlent jour et nuit au cœur de Bagdad, vomissant des nuages fuligineux de scories chaudes qui masquent la ville à l’œil des avions américains. La poussière ocre d’une récente tempête de sable crisse dans les draps sous mes doigts. Ma peau pue le naphte brûlé, le tabac froid, la sueur rancie et la fièvre de plusieurs semaines de guerre, j’en ai l’âme encrassée.
J’écris depuis des heures en regardant ce monde qui n’en finit pas de noircir. Mon épaule droite me fait mal. Hier, dans la rue, le souffle de l’explosion d’un missile Tomahawk, tombé à quatre cents mètres, m’a plaqué contre un mur. Cette nuit, une nouvelle déflagration m’a jeté au bas du lit. J’ai enfilé un gilet pare-éclats, à même le corps, comme un peignoir.
Dehors, sur le balcon de ma chambre N°1632, au seizième étage de l’hôtel Palestine, j’ai aperçu mon sexe nu, piteux et j’ai mis un slip. Le Tigre coulait, fleuve puissant, hérissé par une brise qui lui donnait la chair de poule. Un fantôme de brume ouatait le halo des lampadaires sur les berges. Le ciel de Bagdad brillait, illuminé d’en bas par l’incendie.
Au loin, des grognements sourds ont annoncé comme un orage qui s’approchait par le sud, né au ras des dunes, quelque part dans le désert du Koweït.
Cette nuit, dans ses flancs, il y avait cinq millions d’habitants qui n’arrivaient pas à trouver le sommeil, saisis par le pressentiment de la catastrophe. Bagdad, ultime forteresse de Mésopotamie, attendait l’assaut final.


 

 

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Le theme du livre

Depuis trente ans, Jean-Paul Mari a couvert toutes les guerres du globe. Il a parcouru les champs de bataille, de l’Irak au Rwanda, du Moyen-Orient à la Bosnie, au Sierra Leone, en Somalie, au Sri Lanka. Il a rencontré des héros et des assassins, il a vu des massacres, des villages brûlés, des enfants égorgés dans leur école, des civils découpés devant leur maison. Les plus grandes peurs comme les courages les plus admirables ont passé sous ses yeux. Il raconte.

Que peut-on faire de la douleur de la guerre ? Cette question obsédante, il l’a posée à des médecins qui tentent de rendre à la vie ceux qui ont vu la mort et s’en sont sortis « sans blessures apparentes». Ceux-là ont vécu un moment d’effroi indicible, une rencontre avec la mort sous des formes diverses : une odeur, un regard, un cri, une vision insoutenable. Après quoi ils se sentent morts bien qu’ils soient vivants. Ils ne font plus partie de ce monde, ils peuvent devenir fous. Des milliers d’anonymes, mais aussi des écrivains, des peintres, des cinéastes ont subi et décrit cette expérience ultime.

Le premier mérite de Jean-Paul Mari est d’avoir affronté l’épouvante pour en témoigner. Le second, probablement plus grand encore, est d’avoir enquêté, réfléchi, analysé. Il n’a pas voulu que restent enfouis l’horreur et les traumatismes. Il a choisi d’écrire pour sortir de ces ténèbres-là et affirmer que la vie peut être la plus forte….  »

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«  » Je suis grand-reporter. Trente ans que je couvre les guerres du monde. Au début, je ne savais pas ce qui m’attendait. Massacres, charniers, tortures et viols, j’ai plongé dans la nuit. Très vite, j’ai remarqué ces hommes que la guerre a rendus fous, héros terrorisé par ses cauchemars, ancien commando soudain muet ou vétéran qui se tire une balle dans la bouche. Ce mal, étrange, est aussi répandu que tabou.

Rwanda, Bosnie, Irak, Algérie, Vietnam, Liban… partout, des hommes reviennent brisés. Depuis ce jour où ils ont rencontré leur mort, dans la bouche d’un fusil, le regard d’un ennemi ou les yeux d’un ami. « Pas plus que le soleil, la mort ne peut se regarder en face » disaient les Anciens. À Bagdad, mon hôtel a reçu un obus. J’ai vu un confrère couché sur la moquette. À la place du ventre, il y avait une tache blanche et nacrée. Ce jour-là, j’ai commencé mon enquête. Elle m’a mené dans plusieurs pays. J’ai interrogé les combattants et les psychiatres, fouillé les livres, la peinture et les films, l’ethnologie et la mythologie.

Une chose est sûre : si on n’affronte pas la douleur de la guerre, elle nous tue. Il faut fouiller en nous-mêmes et se reconstruire pour trouver la guérison. Oui, on peut mourir, survivre et revivre. Et ce mal ne nous parle que de vie et d’humanité. Ceci est ma plus grande enquête. «  »

VOIR LE FILM

Le premier documentaire réalisé sur le PTSD (Traumatismes psychiques de la guerre »)
Le film :  » SANS BLESSURES APPARENTES »
Enfin disponible. Voir le documentaire en intégralité tel que diffusé par Infrarouge..

 

DANS LA PRESSE:

Lire la critique dans le Nouvel-Observateur

Lire la critique dans Marianne, en cliquant sur l’icône ci-dessous: Marianne.pdf

– Lire l’article dans le Quotidien « La libre Belgique »
->http://www.lalibre.be/actu/monde/article/459738/il-faut-soigner-les-cancers-de-l-ame.html]

Ecouter un entretien avec Jean-Paul Mari dans l’émission « Médialogues » en cliquant sur l’icone ci-dessous:20081013-reporter-de-guerre.mp3

L’auteur au Salon du livre du Prix Bayeux

Forum OBS.COM réalisé le 17 octobre 2008 avec les internautes du Nouvel-Observateur

Thème du forum :
Les traumatismes psychiques de la guerre.
Avec Jean-Paul Mari, grand reporter au Nouvel Observateur, auteur de « Sans blessures apparentes. Enquête chez les damnés de la guerre » (éd. Robert Laffont, octobre 2008)

Question de : Elsa

Bonjour Jean-Paul Mari. Le Centre Primo Levi s´occupe des victimes de tortures, prend en charge les blessures physiques et psychiques des torturés. Amnesty International soutient la démarche du Centre Primo Levi. Existe-t-il des associations qui aident les militaires blessés psychiquement par les guerres ?

Réponse : Il existe des associations qui aident les militaires, bien sûr, mais beaucoup moins sur le problème précis des blessures psychiques. A noter « Traumapsy » très active sur le sujet. L´essentiel du travail thérapeutique et des publications sur le thème sont l´œuvre des psychiatres militaires français. Mais le constat est que ce Mal est largement sous-traité, sous-estimé, méconnu pour ne pas dire tabou.

Question de : David Chiron Nice
Sur quels conflits se base votre expérience ?

Réponse : Les conflits que j´ai connus depuis 1980: Liban, Israel-Palestine, Algérie, Guerre Iran-Irak, 1ere guerre du Golfe, guerre d´Irak, Rwanda, Bosnie, Kosovo, Afghanistan, Erythrée, Sri-Lanka, Tchad, Sierra Leone, Liberia, Zaire-Congo, Nouvelle-Calédonie pour l´essentiel.

Question de : Internaute
Pensez-vous que les victimes ne se comptent qu´en nombre de morts et de blessés? Ou encore comment estimer les impacts laissés par la guerre sur les survivants?

Réponse : On ne devrait pas dire après une bataille ou un conflit : X morts, X blessés, X disparus mais X morts, X blessés, X blessés psychiques, X disparus. La difficulté est, effectivement, d´estimer l´impact sur les survivants. D´autant que certains symptômes n´apparaissent parfois qu´après un délai; quelques semaines, quelques mois, parfois plus. Sachez que: 1 soldat américain sur 3 envoyé en Irak souffre de PTSD, trouble psychique grave. Pour mémoire, un million et demi de soldats US sont déjà passés en Irak. En 1939, il y avait encore, dans les hôpitaux psychiatriques britanniques, 200 000, deux cent mille soldats, de la première guerre mondiale. Après le Vietnam, où le bilan des morts est de 55 000, une estimation, basse, donne 20 000 vétérans qui se sont suicidés à leur retour. On pourrait multiplier ce genre de chiffres. Un constat: les traumatismes psychiques accompagnent toujours et de façon impressionnante les guerres et les conflits.

Question de : Internaute
Appelé pour la guerre d´Algérie (1961/1962), j´ai subi pendant 1 an et demi des traumatismes extrêmement violents : tortures – exécutions – etc.. je suis pensionné à 90 % dont (c´est risible !!!) 20 % antérieur à mon service militaire malgré le certificat médical de mon médecin qui m´a suivi depuis ma petite enfance !. L´application du décret du 10/01/1992 qui détermine la classification des troubles psychiques de guerre ne m´a même été appliqué. Médaille militaire – croix de la Valeur militaire – citation etc mais toujours avec mes « moutons noirs et mes nuits blanches »… Jacques DIEU : 04 70 46 18 50 4, Tournemotte 03000 NEUVY

Réponse : >Vous avez raison de souligner que la reconnaissance de la blessure psychique par l´armée ne remonte qu´ à 1992. La génération des appelés d´Algérie, la vôtre, est le symbole le plus éclatant de la négation des traumas psychiques. Des dizaines de milliers de soldats, revenus horrifiés, sidérés, profondément blessés, traumatisés, se sont vu intimer l´ordre de se taire : En substance: « vous avez fait une guerre sale pour défendre des colons racistes et vous avez perdu la guerre (que la France leur avait demandé de faire!) Donc, Taisez-vous. Toute une génération en a souffert, la société française en a souffert, et on voit aujourd´hui d´anciens soldats se décider enfin à en parler, écrire des mémoires, parce qu´ils étouffent et ne veulent pas mourir en gardant cette douleur et cette horreur en eux. Le trauma psy, très fréquent, est tabou!

Question de : Internaute
Dans quels pays en état de guerre, êtes-vous partis ?

Réponse : Voir la réponse plus haut.

Question de : Internaute
Que pensez-vous des gaz dont ont été victimes les soldats américains durant la première guerre d´Irak alors que leurs maux sont ignorés par le gouvernement US ?

Réponse : Les Américains lors de la première guerre d´Irak n´ont pas été victimes de gaz. Leur mal , dont les causes ne sont pas encore totalement élucidées et qui prêtent à polémique, relèveraient plutôt d´un cocktail dévastateur de vaccinations, des déchets radioactifs laissés par certains obus et, ?, de traumas psy. Mais, encore une fois, je n´ai pas lu d´enquête exhaustive sur le sujet.

Question de : Internaute

Comment devient-on grand reporter ?

Réponse : Grande question. Pour être simple: en le voulant, tout le temps, passionnément, obstinément.

Question de : Internaute
Vietnam, Irak… les soldats de retour chez eux sont souvent vus comme des parias et des poids morts de la société américaine. Pourquoi un tel mépris pour ceux qui se sont battus (parfois malgré eux) pour leur pays ?

Réponse : Parias et poids morts…Vous avez raison. Poids morts, parce qu´ils se sentent eux-mêmes morts « là-bas » et n´arrivent plus à vivre. C´est ce que je décris longuement dans mon livre « Sans Blessures Apparentes ». – Parias: parce qu´ils ne se sentent plus en phase avec leur société, où tout est fait pour oublier la guerre. Alors oui, un vétéran gêne. Surtout s´il a combattu pour une guerre perdue, contestée. Ce qui aggrave terriblement la souffrance du soldat blessé qui, déjà, se sent coupable d´avoir survécu alors que ses amis sont morts.

Question de : Internaute
Bonjour, vous parlez des traumatismes des soldats et des victimes, mais et celles des journalistes?

Réponse : Nouveau principe d´Archimède: tout homme plongé trop longtemps dans la guerre en ressort brisé. Les reporters n´échappent pas à la règle. Là aussi, pardon, je raconte plusieurs exemples dans mon livre. Nous connaissons tous des reporters qui se sont suicidés, pendus ou une balle dans la bouche, après leur retour de Bosnie, de Tchétchénie, du Rwanda ou d´Afghanistan. D´autres ont fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique ou ont arrêté leur carrière brutalement. je ne parle même pas de l´alcool, de la drogue ou des divorces à répétitions qui marquent la difficulté ou l´impossibilité de vivre. Là aussi, personne n´en parle. Preuve de faiblesse, désordre gênant, sujet Tabou. Alors qu´il serait urgent que les reporters de guerre aillent, une fois l´an, consulter un psy simplement pour vérifier qu´ils peuvent dire que « tout va bien  » sans éclater en sanglots.

Question de : Internaute
Vous, vous faites des cauchemars?

Réponse : Bien sûr. Je ne suis pas une machine. Mais attention, le cauchemar qui marque le trauma psy grave « Névrose post-traumatique » est un cauchemar obsessionnel, toujours la même image (le canon ennemi pointé sur vous), la même odeur (un charnier au Rwanda), la même sensation (enseveli sous les décombres), un cri (d´un enfant qui hurle, d´un ami mourant qui appelle au secours) bref, ´un homme qui se réveille chaque nuit, en hurlant, paniqué, en transes, terrorisé. Au point qu´il ne veut plus s´endormir, avale du café, des amphétamines, pour retarder le moment où il va revoir cette Chose horrible. Le trauma psy vrai est une rencontre avec sa propre mort: « J´ai vu la mort, je me suis vu mort…je suis mort » Comment vivre quand on est mort et toujours vivant? Alors, l´enfer commence.

Question de : Internaute
Bonjour, que pensez-vous de la présence en Afghanistan de l´armée française ?

Réponse : Je pense que nous allons voir revenir, – en dehors des morts et des blessés physiques -,un nombre de traumatisés psychiques graves qui va augmenter au rythme de la durée de notre présence « là-bas » et de l´importance de nos troupes. Si vous avez regardé les yeux d´un survivant de la dernière embuscade de Surabi en Afghanistan cet été, vous pouvez être sûr que cela a déjà commencé.

Question de : Internaute
Bonjour, avez-vous rencontré d´anciens soldats, qui après avoir vu les horreurs et la barbarie de la guerre, parviennent à retrouver une vie tout ce qu´il y a de plus banal sans être marqués par leur vécu ?

Réponse : Banale? Non. Mais j´ai rencontré des soldats traités et guéris qui ont retrouvé une existence normale et le goût de vivre. Alors oui, on peut guérir de ce cancer de l´âme. A condition d´être traité. Et c´est un scandale que , par indifférence ou volonté de censure, on ne parle pas plus de ce Mal. Je raconte dans mon livre l´histoire d´un britannique que j´ai rencontré , un ancien des forces spéciales anglaises, qui a été plusieurs fois gravement blessé psychiquement. C´était un homme mort. Au point que quand l´angoisse était à son paroxysme, il partait en foret, creusait un trou dans la terre, dans laquelle il se couchait et se recouvrait de feuilles et de poussière, une « tombe  » dans laquelle le « mort » qu´il était se sentait enfin en accord avec lui -même. Aujourd´hui, il vit, dort, travaille et aime.

Question de : Internaute
Quel a été votre souvenir de couverture de guerre le plus marquant ?

Réponse : Je n´en ai pas un. Mais plusieurs. Souvent et beaucoup. Pardonnez-moi, c´est trop long à dire.

Question de : Internaute
N´est-ce pas traumatisant d´avoir à regarder les atrocités de la guerre ?
Raphaëlle de Nice.

Réponse : Bien sûr. Mais on peut enjamber des cadavres et ne pas être gravement traumatisé. Ce dont je parle est une rencontre directe avec sa mort, un moment fulgurant, une image qui vous transperce , va se loger au fond de votre cerveau, s´y colle comme un aimant, un moment de vide absolu, un bug dans votre ordinateur personnel. Quoique vous fassiez, la nuit, le jour, en conduisant ou en aimant, cette image peut ressurgir et vous réduire à l´état de pantin désarticulé. Nous parlons de l´Horreur. D´une rencontre avec la mort, de quelque chose d´in-di-ci-ble.. Les anciens disaient: « Pas plus que le soleil, la mort ne peut se regarder en face. »

Question de : Internaute
Bonjour M. Mari. Avez-vous déjà eu des pressions politiques de la part de dirigeant ou de membres de gouvernement étranger ? Merci

Réponse : Oui, sans doute. Mais ce n´est pas le sujet qui nous intéresse aujourd´hui.

Question de : Internaute
Selon vous, les douleurs causées par les guerres sont-elles nécessaires à la remise en question de l´Homme ?

Réponse : Nécessaires? Je ne sais pas. Je sais seulement qu´elles sont insupportables.

Question de : Internaute
Après la guerre d´Algérie les soldats n´ont aucun soutien le manque affectif et la violence qu´ils avaient traversé a eu de sérieuses conséquences leur entourage a subi….jusqu´au viol. Pourquoi des cellules de soutien ne se mettent-elles pas en place? Pour exister à nouveau jusqu´ou l´autre peut-il agir?

Réponse : Ces cellules de soutien auraient pu éviter à toute une génération de sombre dans la dépression, la violence, l´amertume, la haine de soi et des autres. Vous savez, je suis persuadé que le Front National a puisé à pleines mains dans ces anciens soldats, abandonnés, souffrants, emportés par leur rancoeur. On en retrouve pas mal dans le noyau des cadres de ce parti. Et vous avez raison de souligner que ces anciens d´Algérie ont souvent été emportés par la violence, soit en se tirant une balle dans la bouche, soit en maltraitant leurs proches jusqu´au crime.

Question de : Internaute
Pensez-vous que les religions soient toujours les bases des guerres ?

Réponse : Allah n´est pas obligé!

Question de : Internaute
Votre livre est-il un témoignage ou une approche sociologique des douleurs causées par la guerre ?

Réponse : C´est un témoignage, un essai d´approche sociologique (je ne suis pas sociologue) et une enquête. Pourquoi la guerre nous rend fou? Que faire de la douleur de la guerre quand on revient? Pourquoi des hommes, forts, bons, expérimentés, se retrouvent réduits à l´état de survivants hallucinés? Qu´est-ce que c´est une rencontre directe avec SA mort? Quel la clé de ce mystère? J´ai observé sur le terrain, retrouvé et interviewés des soldats, des reporters, des humanitaires, fouillé ma mémoire, la littérature, la peinture, le cinéma, l´ethnologie et la mythologie, interrogé longuement les psychiatres. Pour tenter de répondre à ces questions. Cette enquête m´a pris une bonne dizaine d´années même si elle avait commencé bien avant, quand j´ai rencontré pour la première fois l´inexplicable.

Question de : Internaute
Les traumatismes de guerre sont-ils plus importants dans certaines régions ? Dans certains pays ? Dans certaines civilisations ?

Réponse : Bonne question. Pour le savoir, j´ai étudié les Jivaros réducteurs de tête d´Amazonie, ceux qui disent: « J´ai bien vécu, j´ai bien tué…j´ai eu une bonne vie. » Tuer chez eux est une valeur positive qui permet de rééquilibrer le capital spirituel d´une tribu. Ils ne devraient donc pas en souffrir… Et pourtant, ils connaissent les mêmes affres, – horribles!- que nous. Sauf que tout cela est ritualisé, pris en charge par les esprits, la tribu. Ce que nous ne faisons pas.

Question de : Internaute
Bonjour. Je suis étudiante et je me demandais si votre livre explorait, ou faisait un parallèle, avec les traumatismes de la guerre d´Algérie ?

Réponse : La guerre d´Algérie est une mine de traumatismes. Mais j´ai préféré travailler seulement sur les guerres que j´ai connues.

Question de : Internaute
Que peut-on faire de la douleur de la guerre ?

Réponse : Une première réponse: Si on ne fait rien, elle vous tue.

Question de : Internaute
Bonjour Jean-Paul Mari. N´est-ce pas trop difficile de prendre du recul sur les guerres que vous avez vécu ?
Merci, Myriam.

Réponse : Oui, c´est difficile. Cela m´a pris du temps et des efforts. Et je me suis appuyé aussi bien sûr sur beaucoup d´autres qui ont travaillé sur ces guerres.

Question de : Internaute
« 1 soldat américain sur 3 envoyé en Irak souffre de PTSD, trouble psychique grave » D´ou proviennent ces chiffres, existe-t-il des etudes sur la question et enfin l´armee US prend-elle des mesures ?

Réponse : Ces chiffres ont été reconnus par …l´armée américaine elle-même. La guerre en Irak et l´afflux de traumatisés, après ceux du Vietnam, ont sensibilisé la société américaine où les études sont beaucoup plus nombreuses et en avance sur les nôtres. L´armée, elle-même, est débordée par le nombres de PTSD. Du coup, elle vient de décider de distribuer généreusement des boites de Prozac à tous les soldats qui le demandent!

Question de : Internaute
Allez-vous être amené à repartir et si oui, dans quel pays?

Réponse : Repartir? C´est mon métier. Et je l´aime. Où? Je reviens tout juste du Golfe d´Aden où j´ai travaillé sur les Pirates de Somalie.

Question de : Internaute
Comment un grand reporter parvient-il à témoigner de scènes de guerre? Comment retranscrire l´horreur de ce dont vous êtes témoin?

Réponse : C´est la question qui m´obsède depuis très longtemps. Je crois qu´il faut de la compassion, de la distance et pas mal d´humilité. Comment raconter sans être autre chose qu´un petit comptable de la mort? Comment éviter le pathos et le cynisme? Comment raconter la nuit à ceux qui ne vivent que le jour? Comment ne pas mourir au fond de soi? Je ne sais pas.Moi,je fais ce que je peux. Et ce n´est pas grand chose.

Question de : Internaute
Mc Cain ou Obama ? Royal, Delanoë, Fabius ou Hamon ?

Réponse : Pour vous dire vrai…à cet instant précis, je m´en fous un peu.

Question de : Internaute
Comprenez-vous les réactions des victimes des Brigades rouges suite à l´annonce du président Nicolas Sarkozy de ne pas extrader Marina Petrella ?

Réponse : Oui, évidemment. Un homme ou une femme mort c´est aussi: -un veuf, une veuve, qui a perdu son amour et va devoir pleurer devant une photo à chaque Saint Valentin. – des orphelins, à qui on a coupé le ciel en deux. Avant et Après. Ils grandiront, écriront, vont se soigne ou sombrer…mais ils ne pourront pas faire comme si rien ne s´était passé. – des amis, des proches, blessés, scandalisés par un assassinat, qui apprendront à pardonner ou demanderont toujours la tête du coupable. Un homme assassiné,c´est une vie volée, un scandale. Mais un meurtrier ou une meurtrière est aussi parfois un être de chair qui peut s´être trompé, évoluer, souffrir, se hair pour son geste. J´ai rencontré beaucoup d´assassins: certains étaient des ordures, d´autres s´étaient eux-mêmes déjà largement punis.

Question de : Internaute
Comment vivez-vous avec toutes les images atroces que vous avez dû voir ? N´est-ce pas trop pesant ?

Réponse : C´est parfois « pesant ». Mais j´ai réfléchi et je continue à travailler et à réfléchir sur ce que je vois. Et puis j´ai l´écriture. C´est riche, intense, parfois douloureux. Mais rassurez-vous, on peut être heureux de vivre. Et même retrouver une certaine « légèreté ».

Question de : Internaute
Associez-vous des faits d´actualités aux guerres que vous avez vécues ?

Réponse : Tout le temps. C´est mon métier.

Question de : Internaute
Je suis née en 1938 et ai vécu l´exode puis l´occupation allemande. Je n´étais qu´un enfant mais je ne m´en remettrai jamais. Cela fait partie intégrante de ma personnalité.

Réponse : Bien sûr. Et personne ne vous demande de faire table rase d´une partie de votre vie, même douloureuse. Le travail consiste plutôt à reconsidérer ce que vous avez vécu, à comprendre où et pourquoi cela vous a fait si mal, en quoi ce trauma invalide votre vie et ce que vous pouvez faire de ces souvenirs, pour les remettre à leur juste place, au cœur d´une vie que vous menez aujourd´hui. Sans assassiner l´enfant qui est en vous. Ce n´est pas une trahison mais une façon de retrouver votre liberté d´adulte.

Question de : Internaute
Bonjour, Mes parents ont vécu la guerre, durement. Ils n´ont pas aidé psychologiquement ni pendant ni après. Ils ont vécu, consommé, profité des progrès de la science et des techniques, sans se retourner. Jusqu´à un âge avancé. Et là, que de tristesses et d´obsessions sur cette période. Est-ce différent aujourd´hui, grâce à une éventuelle prise en charge psychologique, grâce à l´information, la reconnaissance des victimes et ce genre de gestes ?

Réponse : « que de tristesses et d´obsessions sur cette période »…qu´ils auraient pu éviter à leurs enfants! Parce que, hélas!, les traumatismes se transmettent d´une génération à l´autre. Oui, une prise en charge psychologique permet de nettoyer les écuries d´Augias. C´est ce qu´il nous manque aujourd´hui encore. Et c´est pour cela que je pense qu´il faut absolument reconnaitre le trauma, l´étudier et développer les structures de détection et d´acceuil pour ceux qui sont exposés à ces traumas. Et c´est urgent! C´est un problème, un scandale, de Santé Publique. Parce que les traumas sont aussi fréquents que tabous!

Question de : Internaute
J´ai toujours trouvé quelque peu facile de photographier des cadavres ensanglantés dans une rue d´un quelconque capitale d´une république bananière. Les traumatismes psychiques de la guerre militaire sont plus faciles à mettre au jour que les traumatismes de l´actuelle guerre économique mondiale … cependant on parle pas assez d´un type comme Brice Fleutiaux, on parle toujours des otages qui ont « réussi »..

Réponse : Ce n´est pas toujours aussi facile de photographier des cadavres où que ce soit. Et les traumas psy de la guerre, – L´Horreur- ne sont pas du même ordre que les dégâts de la crise économique Quand je parlais tout à l´heure ou dans mon livre d´un reporter photographe nommé « Brice » qui s´est suicidé après avoir été libéré d´une longue prise d´otage, nous parlons du même homme. Et je ne l´ai pas oublié. Quant aux otages qui ont « réussi »…si vous les connaissiez un peu, vous sauriez que, de longues années après, ils en sont toujours à essayer de réussir à oublier qu´ils ont été des otages.


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