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Les trumpistes font fuiter… des plans top-secrets

publié le 25/03/2025 par Pierre Feydel

Un journaliste a reçu par erreur, avant même l’opération, les plans d’attaque des Houthis. Une bourde stupéfiante qui révèle le total amateurisme des équipes Trump.

Une fuite inédite vers la presse

Jeffrey Goldberg, rédacteur en chef du magazine The Atlantic, a dû être surpris de recevoir, samedi dernier, de la part du secrétaire à la Défense, un plan d’attaque contre les Houthis par l’armée américaine. La revue est prestigieuse, mais plutôt opposée à la politique du 47ᵉ président des États-Unis. Le journaliste, inscrit sans doute par erreur depuis le 11 mars dans un groupe de discussion rassemblant des personnalités trumpistes de premier plan — surtout liées au renseignement ou à la défense — a d’abord cru à un canular. Il a constaté qu’il avait reçu ce document top-secret bien avant le déclenchement de l’offensive. Il n’a d’ailleurs toujours pas compris comment il avait été associé aux discussions de cette brochette de personnalités trumpiennes.

Un groupe de hauts responsables… peu qualifiés

Le groupe comprend non seulement Pete Hegseth, ancien journaliste de Fox News, bombardé à la tête de la Défense américaine sans qualification particulière — sinon celle de sa totale soumission à Trump —, mais aussi l’incontournable vice-président J.D. Vance. Sans compter le secrétaire d’État, Marco Rubio, le conseiller à la Sécurité nationale, Mike Waltz, le directeur de la CIA, John Ratcliffe, ou encore la directrice à la Sécurité nationale, Tulsi Gabbard — notoirement pro-Poutine, autrefois pro-Assad — chargée de superviser l’activité des 18 agences ou services qui composent la communauté américaine du renseignement.

Une réaction responsable… face à l’irresponsabilité

Jeffrey Goldberg, destinataire involontaire des conversations, se garde bien de tout diffuser pour ne pas trahir son pays. Son sens des responsabilités impressionne face à l’irresponsabilité crasse de ses correspondants. Des noms d’agents de la CIA circulent dans la boucle. Il les garde pour lui. D’autant que la messagerie Signal, utilisée par ces éminences trumpistes, n’est absolument pas sécurisée. Une irresponsabilité de plus.

On constate, au fil des échanges, la hargne — sinon la haine — de Vance à l’égard des Européens. Le vice-président considère que bombarder une route maritime qui ne sert qu’aux Européens ne profite qu’à ces derniers. Il est soutenu par Hegseth, qui s’en prend à ces « parasites » qui profitent des États-Unis.

Une opération menée à contrecœur

Certains envisagent même de faire payer aux Européens le coût de l’opération. Le feu vert est tout de même donné, comme à regret, sur le thème : « Puisque nous sommes les seuls à être capables de… ».
Quoi qu’il en soit, la révélation de ces fuites provoque immédiatement un tollé aux États-Unis. La presse s’empare du sujet, fustigeant l’amateurisme trumpiste. Les démocrates se réveillent brutalement, condamnant eux aussi l’incompétence. Le chef de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, parle d’« une des fuites de renseignements militaires les plus stupéfiantes… depuis très, très longtemps ».

Retour de bâton démocrate

Hillary Clinton, alors secrétaire d’État, autrefois violemment attaquée par les Républicains pour avoir utilisé une messagerie privée à des fins officielles, s’est exclamée :
« Dites-moi que c’est une blague. »
Jusqu’à la très conservatrice — et pas du tout démocrate — National Review, qui se demande qui va être viré.

Parmi les Républicains, certains s’inquiètent sérieusement. Un maelström de commentaires critiques, ironiques, scandalisés ou apitoyés déferle sur l’administration républicaine. On réclame des têtes : d’abord celle de Mike Waltz, qui, dans un moment d’aberration, aurait inscrit Jeffrey Goldberg dans la boucle ; celle aussi de Pete Hegseth, décidément trop stupide.

Trump minimise, le système vacille

Silence gêné, enquête étouffée

Trump minimise une affaire selon lui sans conséquence. Le secrétaire à la Défense insulte, lui, le rédacteur en chef de The Atlantic.
Si une enquête est diligentée, ce serait au FBI de la prendre en charge. Or cette grande institution américaine est aujourd’hui dirigée par Kash Patel, nommé par Trump : défenseur des émeutiers du Capitole, complotiste notoire, chargé de purger le Bureau des anti-Trump. L’enquête risque d’être mollement menée.

Trump, récidiviste du secret militaire

Mais il y a plus grave. Donald Trump a toujours méprisé ses services de renseignement. Il a publiquement donné raison à Poutine contre ceux qui avaient prouvé l’intervention des Russes dans les élections présidentielles de son premier mandat. Pire : à peine élu en 2017, il a révélé le nom d’un agent israélien à deux hauts responsables russes.

Plus tard, il a publié sur Twitter la photo d’un satellite espion américain d’un site de tirs de missiles en Iran. Aujourd’hui, la complicité russo-américaine affole le renseignement occidental. Le partage d’informations avec Washington risque d’entrer dans une ère glaciaire. Comment échanger avec un ex-allié susceptible de transmettre vos informations aux Russes ? La défiance s’installe.

Crise de confiance mondiale

Non seulement entre Américains et Européens. Ça tangue aussi entre Anglo-Saxons. Le système des « Five Eyes » — qui regroupe États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Nouvelle-Zélande et Australie — aussi tourné vers la surveillance de la Chine, pourrait être menacé. D’ailleurs, Trump, toujours vindicatif, veut en exclure les Canadiens, trop rétifs à ses droits de douane et à ses velléités d’annexion.

Le président américain risque de disloquer le monde occidental du renseignement, au détriment de son propre pays. Déjà, les professionnels américains s’en inquiètent. Le laisseront-ils faire ?


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