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Syrie-Israël : les Druzes dans la tourmente

publié le 05/05/2025 par Marc Lefevre

Les affrontements qui ont fait 70 morts dans les zones Druzes près de Damas provoquent la colère de la minorité en Syrie et en Israël. Et les menaces de Netanyahou

Une ouverture mise à mal

La coalition d’islamistes sunnites arrivée au pouvoir en Syrie le 8 décembre affichait jusqu’à présent sa volonté de ramener le pays à la stabilité. Son chef, Ahmed Al Chaara, cherchait à faire oublier la proximité de sa faction islamiste d’origine avec Al-Qaïda, en multipliant les appels à l’apaisement entre les différentes communautés ethniques et religieuses ravagées par la guerre civile depuis 2011.

Quelques semaines après la prise de pouvoir du nouveau régime, un accord de non-agression avec les Kurdes du nord du pays était annoncé et accueilli favorablement.

Le Syrie sous le feu des critiques

Prenant en compte un rapport de force défavorable sur le terrain, Ahmed Al Chaara réagissait avec retenue aux violations de la ligne de cessez-le-feu de 1967 et à l’élargissement par Tsahal de son périmètre de sécurité sur le mont Hermon et dans la zone de Qouneitra.

Désireux de faire lever les sanctions économiques infligées au régime Assad, Al Chaara recevait il y a deux semaines une délégation parlementaire américaine et s’efforçait de donner des signes de bonne volonté. Il affirmait que la Syrie souhaitait intégrer « dans de bonnes conditions » les accords d’Abraham négociés par la précédente administration Trump pour une fin des conflits au Moyen-Orient. Il confirmait dans de nombreuses interviews son intérêt pour la paix avec les pays voisins de la Syrie, allant jusqu’à laisser entendre une absence d’animosité envers Israël, malgré les multiples frappes aériennes menées par Tsahal depuis son arrivée au pouvoir.

Le vernis craque

Mais ce vernis de respectabilité commence à sérieusement craquer. Au début de mars, plus de 1 000 morts civils et militaires ont été dénombrés en trois jours dans les zones alaouites des bords de la Méditerranée, lors d’attaques des forces armées du nouveau pouvoir contre les anciens soutiens du régime Assad.C’est maintenant la minorité druze qui se trouve confrontée à une violence croissante, avec plus de 70 morts dans des affrontements qui ont débuté dans le quartier de Jaramana, au sud-est de Damas, pour s’étendre rapidement à la ville voisine de Sahnaya et à la région sud de Soueïda, où vit la majorité des Druzes de Syrie.

La colère des Druzes de Syrie

Bien que le gouvernement syrien affirme que les groupes armés qui attaquent les zones druzes sont « non affiliés », les dirigeants locaux et les habitants affirment le contraire. Le cheikh Hikmat al-Hijri, chef spirituel de la communauté druze de Syrie, a publié jeudi une condamnation rare et énergique du régime, qualifiant les attaques d’« injustifiées » et « destinées à terroriser ». Les troubles ont également déclenché des protestations parmi les communautés druzes en dehors de la Syrie.

Minorité religieuse ancienne, mal connue et enracinée dans la partie ésotérique de l’islam, les Druzes ont toujours veillé à leur protection en combinant loyauté politique envers les pouvoirs en place et autodéfense armée si nécessaire.

Les Druzes d’Israël aussi

En Israël, les Druzes sont soumis à la conscription, fournissent un contingent conséquent de cadres et d’officiers à l’armée, et sont plutôt considérés comme des soutiens au gouvernement Netanyahou. La chute du régime Assad avait été l’occasion pour les communautés druzes du Golan, séparées par la ligne de cessez-le-feu, de se retrouver et de se rapprocher. Les troubles en Syrie ont déclenché la colère des Druzes d’Israël, qui sont allés jusqu’à manifester en bloquant des carrefours routiers dans le nord du pays.

La riposte militaire de Tsahal

La montée des tensions entre les milices sunnites et les minorités alaouites et druzes, ainsi que la fragilité du statu quo avec les Kurdes, viennent renforcer la méfiance initiale d’Israël vis-à-vis du nouveau régime syrien. En guise de riposte aux attaques contre les Druzes de Syrie, Israël a bombardé la proximité du palais présidentiel syrien. Et pour que le message d’avertissement soit encore plus clair, une vingtaine de sites militaires et d’entrepôts, près de Damas et dans les régions de Hama et de Lattaquié, ont également été attaqués dans la nuit de vendredi à samedi.

Le face à face entre la Turquie et Israël

Alors que la Turquie appuie la mise en place d’une république islamiste sunnite qui soumettrait les minorités, et d’abord les Kurdes, Israël au contraire ne veut pas voir s’établir un futur État islamiste à ses frontières, et préférerait pousser à la mise en place d’une organisation confédérale où les minorités auraient des territoires autonomes pour assurer leur protection et garantir leurs spécificités.

Donald Trump avait appelé Erdogan et Netanyahou à coordonner leurs initiatives pour stabiliser la Syrie. Il lui reste à constater, au contraire, que la Syrie devient aujourd’hui un nouveau lieu d’affrontement entre la Turquie et Israël. Alors que Netanyahou et Trump ne sont déjà pas sur la même longueur d’onde sur l’Iran, la Syrie risque d’être une nouvelle pomme de discorde entre ces deux « amis ».


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