Jean-Paul Mari présente :
Le site d'un amoureuxdu grand-reportage

Syrie: le retour du spectre de la guerre civile?

publié le 10/03/2025 par Pierre Haski

la guérilla des anciens partisans d’Assad a donné lieu à des représailles sanglantes, 1300 morts pour la plupart civils, commises par des groupes islamistes

Après l’attaque de soldats par des partisans de l’ancien régime Assad, une orgie de violence a fait plus de 1 300 morts dans la région Alaouite, le bastion des Assad. Le président de la transition appelle à l’unité, mais il doit rassurer les minorités et mettre au pas ses partisans plus radicaux.

Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad, il y a trois mois, les Syriens retenaient leur souffle en espérant être sortis du cycle de la violence qui a détruit leur pays. Hélas, ces trois derniers jours, plus de 1 300 personnes, dont trois quarts de civils, ont été massacrées dans les plus graves événements depuis la chute de la dictature.

Tout dans cette tragédie était prévisible : des soldats de l’ancien régime ayant refusé de se rendre se sont livrés depuis jeudi soir à des opérations de guérilla coordonnées dans le pays Alaouite, la minorité dont était issu le clan Assad. En représailles, une vague de violence aveugle a visé aussi bien les partisans armés d’Assad, que les civils alaouites victimes de vengeances de masse pour les morts des derniers jours, mais aussi pour les décennies de dictature.

Tout le monde redoutait ce scénario depuis trois mois

Selon l’Organisation syrienne des droits humains (OSDH), qui fait référence, des massacres ont été commis de part et d’autre, hommes, femmes, enfants, vieillards, des familles entières comptent au nombre des victimes. Parmi les auteurs des exactions, des djihadistes y compris étrangers, toujours en possession de leurs armes.

Est-ce la fin de la transition pacifique ? C’est la plus grande crainte aujourd’hui. Le pouvoir de transition dirigé par Ahmad al-Chareh, tente difficilement de rassurer la mosaïque de minorités du pays – Alaouites, Chrétiens, Kurdes, Druzes… – que leur sécurité est assurée. Il tente également de réunir tous les groupes armés sous une seule autorité nationale. Sur ces deux points cruciaux, la confiance est désormais à zéro.

Ahmed Al Chareh s’est employé à rassurer dans un discours à la nation

« Ce qui se passe dans le pays, a-t-il dit, ce sont des défis qui étaient prévisibles. Nous devons préserver l’unité nationale, la paix civile autant que possible, et, si Dieu le veut, nous serons capables de vivre ensemble dans ce pays », a déclaré l’ancien djihadiste devenu homme d’État. Les Syriens attendent surtout de voir comment il va discipliner certains de ses partisans radicalisés qui ne le suivent pas dans sa conversion pragmatique.

Cette crise l’affecte aussi sur le plan international, l’un des sujets majeurs de la transition. Il y a d’abord le voisin Israël qui a détruit l’armée syrienne dès la chute d’Assad, qui occupe des positions supplémentaires sur le plateau du Golan, et se pose en défenseur des minorités syriennes. Israël voit d’un mauvais œil l’avancée de l’influence turque auprès de Damas, après les positions très dures qu’Ankara a prises au sujet de Gaza.

Il y a urgence à éteindre l’incendie syrien

Et il y a la Russie, qui négocie toujours le sort de ses bases navales et aériennes en Syrie, justement dans la région où ont éclaté les troubles. Paradoxe ultime, Israël préférerait avoir la Russie plutôt que la Turquie à sa frontière. Les massacres affectent également la levée des sanctions qui pèsent toujours sur la Syrie. Un premier allègement est menacé de ne pas être suivi d’autres si le pouvoir de Damas ne parvient pas à empêcher la violence de s’étendre. La Syrie a vécu dans sa chair le déchaînement de violence qui s’est emparé de l’Irak voisin après la chute de Saddam Hussein, avec la naissance de l’État islamique. Il y a donc urgence à éteindre l’incendie syrien.

Retrouvez la chronique de Pierre Haski sur France Inter


Tous droits réservés "grands-reporters.com"