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Tour de France: Bernard Hinault en quatre épisodes. « Le chef d’œuvre en péril » (3)

publié le 06/07/2021 | par benoit Heimermann

Par Benoît Heimermann

 

Opio est un délicieux village installé sur un promontoire rocheux entre Grasse et Cagnes-sur-Mer. Un havre de paix où l’équipe Gitane puis l’équipe Renault ont établi leurs Q.G. de reprise durant des années. Dans un hôtel sans éclats mais à proximité de dénivelés propices à une progressive remise à niveau. En ce mois de février 1982, les cartes ont été redistribuées.

Hinault est toujours là bien sur, impératif et jupitérien. Mais pour pérenniser ses ambitions, Cyrille Guimard a convoqué un groupe renouvelé. Charly Bérard, Laurent Fignon, Pascal Jules, Eric Salomon, Martial Gayant, Philippe Chevalier ont 22 ans tout au plus là où leur chef en accuse six de plus.

‘’Si tu n’es pas d’accord on règle ça demain sur le vélo’’ 

Passé au même moment du statut d’équipier à celui de responsable de l’équipe B, Bernard Quilfen est bien placé pour évaluer le fossé qui se creuse : “ C’était une bande de gamins à la fois rigolards et chambreurs, mordants et chahuteurs. ” Maurice Le Guilloux : “ Nous n’avions pas ressenti cela les années précédentes. Cette fois, les nouveaux arrivants faisaient un peu bande à part. Leurs comportements et leurs goûts tranchaient. Pas vraiment le genre à lire le ‘’Chasseur français’’ ou le ‘’Reader’s Digest’’ que le Blaireau sélectionnait en priorité. ”

Encore plus que les autres, Fignon et Jules se distinguent. Ils sont originaires de la région parisienne, possèdent la gouaille, ont poussé un tant soi peu leurs études. Mieux, ils n’hésitent pas à faire entendre leurs voix. Fignon dans son autobiographie : “ Bernard jouait les grands frères (…) il racontait ses exploits avec gourmandise.

Mais avec lui, les discutions ne s’éternisaient pas. Très vite il concluait l’affaire d’un définitif ‘’Si tu n’es pas d’accord on règle ça demain sur le vélo’’  ou d’un cruel : ‘’Eh les gars, vous pouvez le rappeler votre palmarès ?’’ ”

Une histoire de pinard !

Guimard n’est pas aveugle. Il a noté l’antinomie, mais se persuade, dans le même temps, qu’elle encourage l’émulation. Ce qui le chagrine davantage c’est une ligne de partage plus inattendue : celle qui l’oppose lui-même à son leader. Alain Vigneron, spécifique et impartial : “ Je me souviens très bien de l’ambiance lors de ces quatre semaines de préparation à Opio. Les fausses notes entre les anciens et les modernes, mais aussi les vraies frictions entre les deux patrons de l’équipe. Qui comme toujours dans ces cas là se sont radicalisées à propos d’un événement anodin.

Une histoire de pinard ! Nous étions en fin de repas et de séjour. Il y avait plusieurs centaines de bouteilles à régler. Même si nous étions nombreux, une trentaine avec les mécanos et les soigneurs, Guimard trouvait ce chiffre complètement dingue. Mais pas le Blaireau. Dans ce domaine, il avait ses habitudes. Le prétexte ne méritait sûrement pas de déclencher une guerre, mais j’ai senti qu’il allait marquer une sorte de point de non-retour. ”

En ce début de saison, Hinault éprouve, une fois de plus, bien des difficultés à retrouver son poids de forme. Alors que, dans le même temps, Fignon tricote sans complexe. Premier de la Flèche azuréenne. Premier du Grand Prix de Cannes. La presse pointe le stylo. Il n’est pas encore question de duel, mais les contours d’un personnage inédit se dessine au second plan et c’est pain béni pour les suiveurs.

Entre les journalistes et le déjà triple vainqueur du Tour les relations s’enrhument.

Libre à eux de pimenter un scénario dont le déroulé patine quelque peu. Même appelée de tous les vœux, la perfection a ceci de particulier qu’elle commande toujours sa remise en cause. En matière de sport plus que partout ailleurs. Un accommodement que Bernard Hinault est le dernier à envisager. Quitte à s’agacer davantage et à se cabrer de plus bel.

Entre les journalistes et le déjà triple vainqueur du Tour les relations s’enrhument. Jamais la profession ne l’a tenu, à proprement parler, pour un “ bon client ”. Certes ses exploits musclés ont, jusque là, alimenté l’épopée à satiété, mais, en matière de confidences, de commentaires ou de sentiments, le préposé aux grandes manoeuvres est loin d’être aussi généreux.

Quelques commentateurs, et non des moindres, lisent dans son attitude plus qu’une distance, une certaine morgue. Il faut dire que le Blaireau y met du sien, baptisant à l’occasion de “ chiens galeux ” ou de “ charognards ” ses éventuels contradicteurs. Ceux qui, en particulier, lui reprochent de négliger dans ses relations ce panache dont il fait, sur la route, si bel usage.

Pour supporter les sollicitations et les tentations, il faut davantage qu’un coup de pédale.

Arrivé à un certain degré de notoriété, écarter ses adversaires est impérieux, mais contenter ses admirateurs l’est tout autant. Pour supporter les sollicitations et les tentations, il faut davantage qu’un coup de pédale. Il faut de la patience, du flegme ou tout simplement de l’appétence pour des exercices qui, à défaut d’être obligatoires, sont indispensables.

Hinault est dépourvu de tous ces avantages. On l’aide. Lui-même cherche à se protéger. A ne pas se déconnecter de la réalité. A garder ses fameux “ pieds dans la glaise ” qui fondent ses origines et son originalité.

Pour renforcer ses défenses (vis à vis de l’extérieur ? Vis à vis de Cyrille Guimard ?), il conforte les positions de ses soutiens les plus dévoués, Bretons pour l’essentiel.

Son cousin René d’abord, un temps bombardé “ manager général ” de l’équipe (comprenez intendant) et conseiller financier à l’occasion ; le loyal Pierre Le Godec, originaire de Callac, confirmé dans son rôle de mécano attitré, mais dont les compétences déborderont bientôt dans le champ de la tactique ; l’irréprochable Joël Marteil à nouveau sollicité lui qui, à Saint Brieux, avait encouragé Bernard dès 1971 et qui, depuis, ex-boulanger, est devenu masseur.

Au milieu de cet équipage, Hinault ce sens, si ce n’est chez lui, en tout cas en terrain de connaissance.

Le sempiternel “ NOUS avons gagné ” du directeur sportif passe de moins en moins bien.

Pas très loin, on trouve également José Alvarez et son épouse Jacqueline mi-facilitateurs mi-mécènes toujours disposés à couvrir un transport, une location, mais aussi à garantir un certain équilibre psychologique autour d’un champion en perpétuel mouvement. On note aussi la présence de Richard Marillier, colonel à la retraite, directeur adjoint du Tour, sélectionneur de l’équipe de France qui s’est pris d’affection pour le Blaireau dont il apprécie les coups de corne que lui-même pratique sans modération. Et toujours, bien sûr, discrète et omniprésente, Martine, l’épouse invariable, “ socle indispensable ” selon la définition de Cyrille Guimard en personne.

Cyrille Guimard parlons-en. Il a entériné ces différentes proximités, mais mesuré aussi qu’elles bousculaient d’autant les relations quasi filiales qu’il entretenait, jusque là, avec son champion. Après six années de réflexion, les deux partis sont tenus de revisiter leurs habitudes. Deci delà, les équipiers notent la multiplication de désaccords réciproques et la presse plusieurs avis contradictoires.

Le sempiternel “ NOUS avons gagné ” du directeur sportif passe de moins en moins bien. D’autant que Hinault revendique, dans le même temps, de s’investir davantage dans la conduite des affaires sportives. Accessoirement, Fignon, 1er du Critérium International, 2è du Tour du Vaucluse et surtout 14è du Giro (gagné pour la deuxième fois par Hinault) se pousse chaque jour un peu plus du col. En interne, la saison 1982 s’envenime pour de bon.

La veille du prologue, Bernard passait son temps à la piscine…Cyrille n’en peut plus, il explose.

Les jours qui précèdent le départ du Tour cette année là sont symptomatiques d’une situation qui ne peut plus durer. Joël Marteil : “ Nous partions de Bâle et étions installés dans un très bel hôtel. La veille du prologue, Bernard passait son temps à la piscine. Le soir, le repas se prolonge avec, toujours, le fameux coup de rouge à la clef. Cyrille n’en peut plus, il explose.

Et Bernard qui renchérit ! Jusqu’au matin, personne n’a été rassuré : le Blaireau envisageait sérieusement de faire sa valise ! ” Quelques heures plus tard, le même remporte le contre la montre. Trois semaines encore et il ajoute un quatrième Tour à son tableau de chasse.

Affaire classée ? Tout au contraire. Passées les courses et les victoires d’usage, le mal ne fait qu’empirer. Il est de moins en moins question de plans sur la comète et de stratégies à long terme. Sous le nom de code “ 53 ”, comme le 53 des Champs Elysées où elle a pignon sur rue, la Régie envisage un tonitruant record de l’heure que sa poule aux œufs d’or serait bien venue de battre séance tenante.

Un vélo révolutionnaire et un déplacement à Mexico sont envisagés juste avant que d’être abandonnés. L’ambiance se prête décidément plus à l’emphase.

“ Un soir, Bernard est vraiment parti en vrille. Il a repeint Guimard des pieds à la tête. ”

En décembre, au Club Méditerranée du cap Skirring où la marque a rassemblé ses coureurs et ses cadres, le conflit éclate pour de bon. Alain Vigneron, aux premières loges : “ Un soir, Bernard est vraiment parti en vrille. Il a repeint Guimard des pieds à la tête. De manière excessive et injuste, mais il fallait que ça sorte ! ” Au détours de sa charge, le Blaireau évoque des erreurs de management et des détournements d’argent. Forcément, l’exercice 1983 s’annonce délicat. Ce sera la dernier, celui de la rupture et du chacun pour soi.

Le nœud ultime de la discorde se noue au moment de la Vuelta programmée du 19 avril au 8 mai. Guimard aligne une équipe de rêve : Hinault, Fignon, Lemond, Vigneron, Gayant, Gaigne, Le Guilloux, Poisson, Didier. Les conditions atmosphériques sont tangentes, l’opposition espagnole féroce et le n°1 mondial n’est pas au mieux. A trois jours de l’arrivée, Hinault n’est que troisième au général et c’est Fignon qui attaque, colmate et sert son leader comme aucun équipier n’avait été mesure de le faire jusque là. Le Guilloux : “ Le Blaireau y a laissé des poils.

Moralement parce qu’il a sans doute compris que sur ce Tour, Fignon était au moins aussi fort que lui et physiquement parce qu’il a d’évidence trop sollicité un genou qui, à compter de cette expérience, ne le laissera plus jamais tranquille. ”

 ” Pour Hinault, les semaines qui suivent sont un calvaire. Et, pour Guimard, un cas de conscience. »

Début de polémique. Dans quelle mesure Guimard était-il conscient de la gravité du mal ? Et Hinault obligé de lui prouver sa détermination ? Médecin de l’équipe, Armand Megret évoque un possible “ défaut de matériel ” et/ou des “ conditions biomécaniques coupables. ” Pour Hinault, les semaines qui suivent sont un calvaire. Et, pour Guimard, un cas de conscience. Avec le recul, le maître tacticien refuse de trancher.

D’autres (sous couvert d’anonymat) le font à sa place : “ Dès avant de la Vuelta, Cyrille avait fait son choix. Il savait que Fignon serait son nouveau leader et que Hinault, à cause de son genou, allait devoir tourner la page. ” En coulisses, la Régie ne fait rien pour arranger les choses : elle mise résolument sur l’avenir au détriment du passé, sur “ l’intello du peloton ” plutôt que sur le Breton têtu.

Hinault-tête-de-pioche en rajoute. Certes, il renonce au Tour (gagné par Fignon !), mais plutôt que de se reposer part s’entraîner dans les Alpes avant de s’aligner au départ de plusieurs courses inutiles. Au Pub Renault, sur les Champs, la réception réservée à Fignon au soir de sa Grande Boucle victorieuse tourne à l’aigre.

“ Tu vois cette bouteille. Il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour que je la casse et que je m’entaille le genoux pour voir ce qu’il y a vraiment dedans ! ”

Hinault n’applaudit pas, mais maugrée. A l’oreille de Jean-Marie Leblanc, il glisse hystérique : “ Tu vois cette bouteille. Il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour que je la casse et que je m’entaille le genoux pour voir ce qu’il y a vraiment dedans ! ”

Fin août, Megret parvient à le convaincre de se faire opérer. Hinault choisit Lanion et le professeur Le Foll. Le tendon qui n’est pas atteint est débarrassé de sa gaine et “ peigné au bistouri ” comme il était d’usage de faire à l’époque. Les corticoïdes ont-ils aggravé le mal ? Megret réfute : “ Ils ont agit comme de simples anti-douleurs et n’ont modifié en rien l’apport de puissance. La seule chose dont je sois certain c’est qu’avec les connaissances d’aujourd’hui cet épisode douloureux serait passé quasi inaperçu. ”

Le genou d’Hinault, comme le nez de Cléopâtre, devient, un enjeu de discorde.

En vertu de quoi, le genou d’Hinault, comme le nez de Cléopâtre, devient, en l’espace de quelques semaines, un enjeu de discorde de la plus haute importance. Marteil encore : “ Dans son état, Hinault ne pouvait plus compter ni sur Renault, ni sur Guimard. ” Il hésite plusieurs jours avant d’envoyer sa lettre de démission.

Alain Vigneron – le seul avec Bérard et Le Guilloux à l’accompagner dans sa démarche –, se souvient l’avoir postée : “ Nous étions dans le flou. Deux ou trois équipes italiennes se sont manifestées, mais sans insister. Guy Merlin, sponsor du Tour, a convoqué Bernard, mais il voulait imposer Luis Ocana comme directeur sportif ! C’est en septembre que Richard Marillier nous a aiguillé sur Bernard Tapie… ”

” Le “ Chef d’œuvre en péril ”, cruellement croqué par Déro dans les colonnes de “ L’Equipe ”, a trouvé son sauveur.

Comment rêver meilleur interlocuteur que le spécialiste autoproclamé des entreprises en difficulté ? Alain Vigneron, encore lui, est du premier rendez-vous, avenue de Friedland : “ Sincèrement, Tapie n’y connaissait rien. Mais il était convaincant. De toute évidence, il a flairé la bonne opération.

” Le “ Chef d’œuvre en péril ”, cruellement croqué par Déro dans les colonnes de “ L’Equipe ”, a trouvé son sauveur. Et un regain d’espoir par la même occasion. Marteil : “ Nous repartions vraiment de zéro. La période des transferts était bien entamée. Il n’y avait plus grand monde sur le marché. ”

Jean de Gribaldy, vieil habitué des pelotons qui connaît bien Vigneron suggère Paul Köchli au rang de directeur sportif. Marillier abonde. Pour l’heure le petit coureur suisse mué en Géotrouvetout de la bicyclette ne peut se targuer d’aucun résultat. Il est aux yeux de beaucoup “ un technocrate, un raseur ” (Jean-Marie Leblanc), mais aussi “ un informaticien autodidacte désireux de faire autrement ” (Maurice Le Guilloux). Tapie acquiesce, mais ne rêve pas.

En priorité, il offre à l’autre “ Nanard ” un poste de technicien susceptible de développer les pédales Look dont il vient d’acquérir la franchise. Le Tour ? Il ose à peine l’envisager.

Témoin ce fameux Tour de 1984 vécu, au plus fort de son dénouement, comme une humiliation.

On connaît la suite. L’absolue fable sportive qui, en l’espace de quelques mois, va transformer un athlète blessé en Phénix ressuscité. Comment imaginer plus beau retournement de situation ? Depuis ses débuts, Bernard Hinault a offert mille raisons de s’enthousiasmer à ses supporters. Mais au moment de résumer sa carrière, son retour en grâce sous le maillot d’arlequin de la Vie Claire tient lieu, pour eux, de sommet incomparable où il n’est plus seulement question de prédisposition, mais bien plus sûrement de courage.

Témoin ce fameux Tour de 1984 vécu, au plus fort de son dénouement, comme une humiliation. Lors de la 17ème étape Grenoble-l’Alpe d’Huez en particulier. Dès le col du Coq (le bien nommé), Hinault se dresse sur ses ergots et place une première attaque suivie de trois autres dans la côte de Laffrey. A chaque fois, Laurent Fignon comble son déficit. Dès les premiers lacets de l’Alpe, Hinault insiste.

‘’Guimard n’est plus là ! Guimard n’est plus là ! Je n’y arriverai pas !’’

Fignon, toujours dans ses “ mémoires ” : “ Je me sentais tellement bien. Son attitude était aberrante (…) Pour lui c’était perdu d’avance. ” Sur le plateau de Jacques Chancel, le nouveau hussard du cyclisme français insiste : “ Franchement, Bernard m’a fait marrer. ” Guimard n’est pas plus tendre : “ Hinault s’est suicidé ”. Même Tapie s’en mêle : “ Je veux Fignon ! ”

Trois jours plus tard, à Cran Montana, après une nouvelle et douloureuse journée, Vigneron partage la chambre de son patron : “ Il était vidé, lessivé et marmonnait sans cesse : ‘’Guimard n’est plus là ! Guimard n’est plus là ! Je n’y arriverai pas !’’ ” L’ancien équipier refuse de s’appesantir. Ni sur ce constat désabusé. Ni sur le coup de fil passé à Bernard Tapie afin qu’il suggère à Hinault de lever le pied au moins pendant les six mois à suivre.

Des pudeurs et des réserves qu’avec le recul, l’intéressé ne veut pas entendre parler : “ J’étais sans doute un peu abattu. Mais je n’ai pas renoncé pour autant. Quand le doute s’installe, on devient un mouton tout juste bon à être bouffer. Une situation qui ne m’a jamais intéressée. ”

Effet psychologique ? Placebo ? Simple retour de flamme ?

Question opiniâtreté, Paul Köchli s’y entend aussi. Fort de ses courbes et ses statistiques, il suggère une nouvelle recette à son champion diminué. Et pourquoi pas le “ régime scandinave dissocié ” alors très en vogue chez les coureurs et skieurs de fond ? Premier terrain d’expérimentation envisagé : le prochain Grand Prix des Nations. Pour faire simple : Köchli commande à Hinault qu’il bannisse toute absorption de sucre pendant cinq jours avant de se réapprovisionner massivement vingt-quatre heures seulement avant la course.

Un violent coup de balancier énergétique qui, selon ses extrapolations, doit remettre d’aplomb le supposé mort vivant. Stratégie osée, mais stratégie payante ! Après cinq mois de faillites et d’échecs accumulés, Hinault domine les Nations et ridiculise Francesco Moser. Mieux, durant les quinze jours à suivre, il récidive au terme du Tour de Lombardie et du Trophée Baracchi. Effet psychologique ? Placebo ? Simple retour de flamme ?

En juin 2013, les deux frères ennemis se sont retrouvés à l’Alpe d’Huez.

L’opinion ne se pose aucune de ces questions. Elle goûte ce que tous les amateurs de sport et de miracle attendent : l’inconcevable ! Le come-back du héros. La renaissance de l’idole. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que le public ne va pas être déçu. En prime de la folle cavalcade d’une carrière glorieuse à l’extrême, Bernard Hinault va abandonner dans son sillage deux Tours de France supplémentaires.

Un premier (celui de 1985) gagné dans la peine et dans le sang et un second (celui de 1986) concédé dans la frustration et le ressentiment. Un épique chassé-croisé orchestré au sein même de son équipe à l’avantage et au dépend (les versions divergent) d’un Greg Lemond qui, aujourd’hui encore, n’a toujours pas admis tous les rebondissements de la fable.

En juin 2013, à l’initiative de “ L’Equipe ”, les deux frères ennemis se sont retrouvés à l’Alpe d’Huez. Les propos de leur fameuse arrivée bras dessus-bras dessous, gage d’une supposée entente parfaite, sont mesurés. Le temps a fait son œuvre. Du moins en façade. Car sur le fond, chacun reste campé sur ses positions.

Et leurs entourages et partisans plus encore. Deux points de vue qu’ils convient d’étudier dans le détail parce qu’ils expliquent aussi, et en profondeur, le pourquoi d’une personnalité beaucoup moins monolithique que l’on ne veut bien le dire.

 

 


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