Tour de France: Bernard Hinault en quatre épisodes. « Toujours sur la défensive » (4)
Par Benoît Heimermann
Hinault-Lemond, Lemond-Hinault : deux étés de rang, ceux de 1985 et 1986, la France cycliste s’est adonnée à un curieux grand écart. Entre conformisme et progrès, paroles données et mensonges avérés, coups d’esbroufe et basses besognes, elle fut tenue de prendre parti et de choisir son camp.
Près de 30 ans après les faits, la version du héros prioritaire – Bernard Hinault – l’emporte haut la main. Il n’empêche, le trouble demeure que l’on se doit d’évoquer dans le détail ne serait-ce que pour mieux comprendre le poids d’une hégémonie et le prix de son éventuelle contestation.
Acte 1. Tour de France 1985. Bernard Tapie débarque une seconde fois sur la Grande Boucle à la tête d’une équipe de “ La Vie claire ”
Acte 1. Tour de France 1985. Bernard Tapie débarque une seconde fois sur la Grande Boucle à la tête d’une équipe de “ La Vie claire ” renforcée. Avec Bernard Hinault au rang de leader et l’Américain Greg Lemond – un million de dollars sur trois ans, soit un salaire deux fois supérieur à celui du Blaireau ! – au titre de lieutenant prioritaire.
Dès le contre la montre de Strasbourg (8ème étape), la hiérarchie est respectée : 2’34’’ séparent le maître de son obligé. Idem jusqu’à Saint Etienne (14ème étape) où, premier rebondissement, Hinault chute lourdement. Traumatismes, nez en sang, points de suture : pour le rescapé les Pyrénées à venir s’annoncent délicates.
En direction de Luz-Ardiden (17ème étape), Lemond, facile, accompagne Pedro Delgado et Stephen Roche. Mal en point, son patron est porté disparu avec près de 5’ de retard ! Rebondissement n°2 : l’encadrement de “ La Vie Claire ” minimise l’écart et intime au jeune Lemond qu’il réfrène ses envies. L’intéressé obtempère sur le moment, mais vitupère à posteriori : “ Hinault a profité de ma naïveté (…) à l’arrivée j’ai pleuré de rage. ” La loi du milieu et du genre a prévalu : pas touche au leader et tant pis si, cette année là, c’est son adjoint qui, sans doute, méritait la victoire.
Acte 2. Tour de France 1986. Les mêmes sont au départ,au sein de la même formation.
Acte 2. Tour de France 1986. Les mêmes sont au départ, toujours enrôlés au sein de la même formation. Dès le contre la montre de Nantes (9ème étape), les rôles sont inversés : cette fois c’est Lemond qui gagne et c’est Hinault qui accuse 22’’ de retard. Entre Bayonne et Pau (12ème étape), Jean-François Bernard, joker enrôlé sous la même bannière (plutôt pro Hinault et anti Lemond pour ce que l’on sait) allume le feu. Suivi par Pedro Delgado et… Bernard Hinault.
Le scénario s’emballe : à l’arrivée, Lemond qui accuse un débours de 4’37’’ fait grise mine alors que le “ vieux ” est hilare : “ Maintenant, on est sûr de gagner le Tour ! ” Sauf que les équipiers s’interrogent sur l’identité du lauréat final. Le soir, les deux supposés co-leaders font tables à part : les Français avec Hinault, les étrangers avec l’ “ Américain ” !
N’obéissant qu’à son envie de “ cogner une fois de plus ”…
Le lendemain, en direction de Superbagnères (13ème étape), Hinault remet ça ! “ La rage sur le visage ”, précise Dominique Arnaud qui l’accompagne un court moment entre deux cols. N’obéissant qu’à son envie de “ cogner une fois de plus ”, mais aussi au gré d’une “ erreur stratégique de débutant ” (Guimard). Victime d’un coup de pompe ou d’une fringale, le boutefeu est rattrapé et déposé, Pire, il accuse 5’25’’ de retard au final ! Fin du malentendu ?
Sur la route comme sur les plateaux télé le duel rebondit de plus bel. Avec en toile de fond un public chauffé à blanc qui conspue Lemond et fait de Hinault – malgré son déficit – un vainqueur obligatoire. La soi-disant paix des braves sur les pentes de l’Alpe d’Huez, la conférence de presse bêtement agressive de Hinault le lendemain, la pédale cassée de Lemond pendant le contre la montre de Saint Etienne : jusqu’à Paris, les rancœurs – pour ne pas parler de transferts paranoïaques – s’amoncèlent.
Au final Lemond gagne, mais Hinault ne fait pas grand chose pour apaiser les esprits. Trois décennies plus tard, la passion générée par ce pacte tronqué n’est toujours pas retombée. Qui oppose deux camps, deux conceptions du chevaleresque et des convenances cyclistes.
“ Hinault est battu par Hinault pas par Lemond »
Ah cette fameuse parole donnée ! Alain Vigneron : “ Mais pourquoi Bernard s’est-il senti obligé de déclarer publiquement au terme du Tour 85 que l’année suivante, il renverrait l’ascenseur à son équipier ? Lemond était à son service. Il a fait son boulot. Rien que de plus normal. L’année suivante, Hinault s’est piégé tout seul. Par orgueil et excès de zèle. ” Jean-François Bernard sur la même longueur d’onde : “ Le Tour 86 était pour Hinault. Problème : il a voulu en rajouter. ”
Idem pour Paul Köchli : “ Bien sur qu’Hinault aurait pu gagner en 86. Lemond est un formidable coureur, mais par rapport à lui c’est un coureur de salle d’attente ! ” Jean-René Bernaudeau : “ Hinault est battu par Hinault pas par Lemond ; il a le maillot, il a une belle avance, et il repart ! En bout de course, Lemond récupère un mort… ”
Évidemment le principal acteur du contentieux ne veut pas entendre parler de ces accusations en cascade. Et préfère entériner, encore et encore, la légende de la parole donnée. Sauf qu’avec le recul, on éprouve, comme Lemond, quelque peine à y croit vraiment : “ C’est certain, on a abusé de moi, mais je ne suis pas fâché. Au final, j’ai le sentiment d’avoir gagné trois Tours et un… quatrième dans ma tête ! Face aux Français j’aurai toujours du mal à faire admettre mon point de vue. Hinault est une idole chez vous. C’est forcément sa version qui prime et qui primera toujours. ”
Il avait dit : j’arrête à 32 ans, il s’y est tenu.
Bernard Hinault – le déroulé de ses précédents faits d’arme l’a démontré à mainte reprises – n’est pas à proprement parlé un homme de nuances. Cyrille Guimard : “ Un principe le commande : il ne revient jamais sur ce qu’il a dit. Il ne fait jamais marche arrière. Il va de l’avant, un point c’est tout. ” Joël Marteil qui a partagé tant d’heures en sa compagnie : “ C’est son mode de fonctionnement : j’ai dit quelque chose, je ne reviens pas dessus.
Avec Lemond, il s’est piégé tout seul. Pareil pour sa retraite. Il avait dit : j’arrête à 32 ans, il s’y est tenu. Même si je l’ai entendu plus tard dire à plusieurs reprises : si j’avais repoussé l’échéance qui sait ? ”
Soixante quatre jours, pas un de plus, séparent l’étape des Champs Elysées du Tour 86 que Hinault termine, somme toute, en deuxième position et le fameux cyclo-cross du Quessoy où il met un terme définitif à son sacerdoce. C’est deux ans plus tôt qu’Eddy Merckx et trois que Jacques Anquetil.
“ Terminer en beauté : il n’avait que ce mot là à la bouche »
Mais cela conclue surtout une carrière plus brève que celles de ces prédécesseurs. Merckx et Anquetil ont passé treize et seize saisons chez pros, deux et cinq de plus que Bernard Hinault. Maurice Le Guilloux : “ Terminer en beauté : il n’avait que ce mot là à la bouche, mais, avec le potentiel qu’il avait, il aurait pu faire sans problème une année ou deux supplémentaires. ”
Hinault s’est fixé une autre priorité. En 1983, trois ans avant de tirer l’échelle, il a acquis la ferme de Lanjuinais sur la commune de Calorguen, à une dizaine de kilomètres au sud de Dinan. Deux magnifiques corps de bâtiment dont le plus ancien date de 1808. Le contraire d’une tocade. Plutôt son château en Espagne. Quarante huit hectares de terres agricoles, de fourrage, de blé, de maïs, d’orge pour accueillir et nourrir jusqu’à 150 bêtes, laitières pour la plupart.
Une manière de retour aux sources et à la réalité. C’est son cousin René, devenu agronome, qui, comme pour le vélo quinze ans plus tôt, l’a mis sur la voie. Martine n’est pas contre, même si elle s’effraie un peu à l’idée du travail que ce nouvel engagement suppose.
“ Bien avant d’avoir sa ferme, il fourrait sans cesse son nez dans des prospectus de machines agricoles. ”
Des aides sont recrutés, René engagé. A distance, le fermier en chef s’investit du mieux qu’il peut. Avec une réelle passion. Bernaudeau, issu du même milieu : “ Bien avant d’avoir sa ferme, il fourrait sans cesse son nez dans des prospectus de machines agricoles. ” Mais compte tenu de ses engagements sur le front des compétitions, il est contraint de déléguer. “ Trop sans doute, selon Joël Marteil ”. Les quotas laitiers décrétés par Bruxelles dès 1984 qui l’obligent à passer de 400 000 à 83 000 litres à l’année fragilisent l’exploitation.
Hinault se bat mais peine à motiver ses troupes comme il sait si bien le faire sur les routes du Tour. Contraint, il renonce à la traite et opte pour la viande. Le cheptel fond mais gagne en qualité. “ Du jour au lendemain, il s’est investi dans la génétique, les semences et tout le reste. ” (Leblanc)
Plus qu’une parenthèse – Hinault ne revendra son exploitation qu’en 2007 – la vocation agricole du quintuple vainqueur du Tour est une preuve supplémentaire de son attachement à sa région et à ses origines. Les voyages et les rencontres lui agréent et la vie de saltimbanque que la fonction itinérante des cyclistes et des suiveurs suppose tout autant. Mais il apprécie plus encore le retour à la case départ, là où tout a commencé, là où prospèrent ses repères et ses fidélités.
Il y avait la ferme. Il y a aussi le vélo.
Au moment de la reconversion, Bernard Hinault ne s’est pas posé beaucoup de questions. C’est cap à l’ouest qu’il a fixé ses objectifs. Là où Martine, conseillère municipale, adjointe aux finances, puis maire de Calorguen, est aussi à son aise. Michel Hinault, son frère, dirige lui-même la commune d’Yffiniac. Comme eux, peut être, aurait-il volontiers exercé quelques responsabilités locales, mais, souligne-t-il, fidèle à ses convictions, “ trop souvent absent, je n’aurais pas pu faire correctement mon boulot. ”
Il y avait la ferme. Il y a aussi le vélo. Pas celui que l’on enfourche et que lui-même a, dans un premier temps, remisé dans l’armoire aux souvenirs. Mais l’autre, au sens générique du terme, le monde qu’il recouvre, la communauté qu’il agite et avec qui, contrairement à ce qu’il aurait pu pensé, il n’est pas parvenu à couper les ponts.
Arrivé aux commandes en 1988, Leblanc, le promeut “ ambassadeur ”.
Ce supplément de programme l’a pris presque par surprise. Dix jours après le plus que fameux cyclo-cross de Quessoy. Au bout du fil : Richard Marillier, une fois encore dans le rôle de l’intercesseur, auprès de Jacques Goddet et de Félix Lévitan cette fois, les directeurs du Tour qui, d’une même voix, proposent au Blaireau de travailler pour leur organisation. Jean-Marie Leblanc, lui-même futur responsable de la Grande Boucle : “ Félix était tout sauf sot.
Certes, il n’avait pas apprécié le Hinault meneur de la révolte des coureurs en 1978 à Valence d’Agen. Mais depuis, pas mal d’eau avait coulé sous les ponts. Il s’était rapproché du porte étendard du cyclisme français. Et avait compris que c’était un meneur qu’il valait mieux avoir avec soi que contre soi. Son calcul était peut être cynique, mais il tombait sous le sens. ”
Dans un premier temps, Hinault est utilisé à contre emploi : chargé de réguler les mouvements de la course avec un gyrophare et un porte voix pour auxiliaires essentiels. Le super-flic du Tour a le tempérament de la fonction, mais sa réputation ne gagne rien à la voir se prolonger. Arrivé aux commandes en 1988, Leblanc, le promeut “ ambassadeur ”.
A lui la dignité d’accompagner les VIP de passage ou de récompenser les lauréats du jour. Les intéressés se réjouissent, mais beaucoup moins la plupart de ses ex équipiers ou adversaires. Joop Zoetelmelk : “ Vu ce qu’il a montré sur la route, je ne pensais pas qu’il accepterait une situation aussi accessoire. ” Marc Madiot est “ étonné ”, Alain Vigneron carrément “ mal à l’aise. ”
“ Hinault c’est un monument. C’est le dernier Français vainqueur du Tour. »
Au fil des saisons, le champ d’activité du préposé au podium s’étend et déborde le cadre du simple Tour de France. Hinault est de toutes les manifestations, célébrations ou courses organisées par Amaury Sport Organisation (ASO). A raison de près de 60 000 kilomètres en voiture par an et d’une bonne douzaine de voyages en avion supplémentaires. Il est même de Paris Roubaix où, au terme de l’exercice et sans apparente incompatibilité, il remet au vainqueur, en guise de trophée, un de ces pavés que coureur il qualifia lui-même de “ saloperie ” !
Hinault s’adapte. Ses patrons aussi. Leblanc encore : “ Bernard n’est pas toujours facile à gérer. Il tutoie tout le monde, du maire au Président, du commerçant local à la star de cinéma. ” A lui le discours officiel mais aussi les saillies, les pointes et, parfois, les débordements. Marc Madiot : “ Hinault c’est un monument. C’est le dernier Français vainqueur du Tour. Il est comme Gérard Depardieu : il peut tout dire et tout se permettre ! Personne ne lui en voudra vraiment… ”
Le dopage : impossible d’échapper au débat, même si Bernard Hinault freine des quatre fers…
Ses diatribes à l’encontre de ses jeunes compatriotes ne sont pas forcément du goût de la majorité. A l’en croire ses héritiers “ n’ont pas la niaque, ils ne se battent pas assez, ils sont dépourvus d’initiatives et ne s’entraînent pas suffisamment ” – un comble venant d’un champion qui, précisément, abhorrait de se préparer au-delà d’un certain seuil !
Ses lointains successeurs laissent dirent quand ils ne répliquent pas sur le même ton que lui, remettant en cause l’étroitesse du peloton d’alors pas vraiment international, le manque d’allant d’un Moser truqueur, d’un Thurau vénal, d’un Agostinho autiste ou, plus grave, le secours de médications proscrites que les autorités du temps jadis passaient souvent aux oubliettes.
Le dopage : impossible d’échapper au débat, même si Bernard Hinault freine des quatre fers dès que l’on pénètre ce terrain encore plus boueux que les terres agricoles qu’il vénère. Constat liminaire : à la différence de ses principaux adversaires (Thévenet, Zoetelmelk, Van Impe, Pollentier, Maertens, Knetemann, Raas, Fignon, etc.), le maître des années 70-80 est le seul a avoir échappé à toutes sanctions ou mises en cause. Une affaire de chance ou de hasard ? Non sans appréhension on ose poser la question. A quoi l’exception répond dans un demi sourire : “ Ni l’un ni l’autre. C’est tout simplement la preuve que je n’ai jamais rien pris ! ”
Pourquoi Jacques Anquetil ? Pourquoi Eddy Merckx ? Et pourquoi pas lui ?
Toute l’admiration que l’on ait pour le phénomène dont les qualités physiques ont été mainte fois soulignées au cours des dernières semaines, il est impossible de le croire à 100 %. Pourquoi Jacques Anquetil ? Pourquoi Eddy Merckx ? Et pourquoi pas lui ? A chacun son explication, son soupir ou son haussement d’épaule. Guimard malin : “ Si il y a une chose que, dans ce domaine, Bernard n’a jamais pris : ce sont des risques. Sens de l’organisation ou vertu incontestable ?
Ce n’est pas à moi de trancher. ” Zoetelmelk fataliste : “ Tant pis pour moi et tant mieux pour lui. ” Megret sélectif : “ Pour les critériums peut être. ” Madiot perspicace : “ Il a respecté les règles de l’époque qui n’ont rien à voir avec celles d’aujourd’hui. ”
Parler dopage avec Hinault est un combat. Le soutien apporté à Gilbert Chaumaz en 79 ? “ Il a fait une connerie, ce n’était pas la peine de le traiter plus bas que terre. ” L’affaire de Callac en 82 ? “ Nous avons été plusieurs à nous rebeller : nous contrôler à la fin d’une course de village : c’est dément ! ” L’affaire Festina 98 ? “ Ils me faisaient tous chier, j’avais envie de me barrer ! ”
Cette dernière extrémité, Hinault l’a mise à exécution à deux reprises rien qu’en 2013. Les deux fois en direct, sur les plateaux de BFM et Europe 1. Jusqu’à embarrasser (le mot est faible) son voisin et patron Christian Prudhomme : “ Mais je ne regrette rien. J’en ai marre de cet acharnement. C’est pareil dans les autres sports et l’on ne s’en prend qu’au cyclisme. Les médias ne font pas leur boulot. ”
« Traiter de ‘’conards’’ les sénateurs… »
C’est la ligne de défense du Blaireau. Courte. Et pas forcément productive. Pourquoi dénoncer la paille puisque par ailleurs persiste la poutre ? A moins que cela ne soit l’inverse… Il sont nombreux à décrire Hinault comme un champion passéiste, se reposant sur ses acquis et sa réputation. Toujours sur la défensive. Rarement dans la proposition. Un continuateur plus qu’un novateur. “
A l’inverse d’un Platini, ose un ancien équipier, il n’a plus envie de se mettre en danger. Il préfère partager un petit salé lentilles avec un élu local plutôt que de se colleter aux instances fédérales. Traiter de ‘’conards’’ les sénateurs (à l’origine de l’interdiction d’antenne temporaire de Laurent Jalabert, face à eux, plus mutique qu’il n’est tolérable) ne fait guère avancer les choses. C’est même un peu limite. C’est rendre bêtement les coups que l’on vous assène au lieu d’ouvrir un tant soi peu la réflexion et le débat. ”
Plus largement, certains soutiens, mêmes parmi les plus inconditionnels, tergiversent à propos de l’évolution de celui qu’ils admirent. Qui, un temps, espéra récupérer les affaires de José Alvarez ou diriger un équipe chinoise et qui, au bout du bout, se satisfait de son boulot institutionnalisé de VRP au service de la Grande Boucle.
Au milieu de la nuit, il pourchassait les sangliers ou traquait les étoiles
Un temps, Bernard Hinault fréquenta Jacques Anquetil son voisin Normand qu’il admirait sans réserve au point d’accepter sans réserve la charge de parrain de son fils Christopher. Chez lui, il appréciait ses états de services mais aussi ses allures de Condottiere qui recevait le ban et l’arrière ban du milieu dans son manoir jusqu’au milieu de la nuit où, indifféremment, il pourchassait les sangliers ou traquait les étoiles. Comme un seigneur avéré, statut que beaucoup, précisément, refuse d’accorder à son successeur.
Combien d’ex-partenaires auraient aimés partager davantage. Bernaudeau : “ A la différence de Merckx qui, un temps, a recasé une bonne partie de ses équipiers dans son usine de cycle, Bernard c’est un peu chacun pour soi. ” Marteil : “ J’aurais tellement aimé lui prodiguer d’autres idées, d’autres conseils.
” Depuis quelques années celui qui avait juré que l’on ne l’y reprendrait plus, c’est remis au vélo »
” Ici et là, il est même question de négligence ou d’indifférence. “ Attention, précise Alain Vigneron, notre carrière durant nous n’avons pas eu à nous plaindre et pouvons même dire que nous avons bien gagné notre vie grâce à lui. Mais après, les choses se sont évaporées, le dialogue s’est interrompu. ”
Bernard Hinault n’est pas de nature à regretter quoi que ce soi. “ Je ne fuis personne, répète-t-il. Mon boulot pour ASO c’est partager du matin au soir. La passion que j’ai pour mon sport et le bonheur que j’ai eu à faire de la compétition. Et si, aujourd’hui, je peux continuer à donner envie de se battre, à ne pas rester les deux pieds dans le même sabot, je suis le plus heureux des hommes.
” Depuis quelques années celui qui avait juré que l’on ne l’y reprendrait plus, c’est remis au vélo. Pas pour rire évidemment. Peut être pour se maintenir en forme, rester fier de son corps, mais surtout parce que avoue-t-il “ Je ne sais pas pour les autres, mais moi j’ai toujours été heureux à vélo. ” Et nous avec lui.
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