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Tour de France: Bernard Hinault en quatre épisodes. Le discours de la méthode (2)

publié le 05/07/2021 | par Jean-Paul Mari

Par Benoît Heimermann

Pour étalonner leurs patients les plus doués, les mécaniciens du corps disposent d’une infaillible unité de mesure : le VO²max, formule cabalistique capable de définir, en fonction du poids du sujet, le nombre de litres d’oxygène qu’il transfert à la minute. Une manière de nombre d’or que les sportifs de haut niveau revendiquent non sans fierté. Sebastian Coe, célèbre coureur de demi-fond britannique affichait, par exemple, un score de 77, contre 90 à Bjorn Daehli, multi-champion olympique de ski de fond et 91 à Haile Gebreselassie, infatigable marathonien éthiopien.

Au sommet de sa carrière, Bernard Hinault campait, lui, sur un Everest qui oscillait entre 92 et 94 ! Non content de posséder un tempérament à réaction, le quintuple vainqueur du Tour disposait d’un moteur à explosion.

“ On ne le soulignera jamais assez : dans son berceau, le Blaireau a récupéré des qualités physiques morphologiques, physiologiques, biologiques, biomécaniques hors normes. ” Lancé sur le sujet, Cyrille Guimard, directeur sportif du phénomène dès le début 76, au lieu et place de l’antédiluvien Jean Stablinski, est intarissable.

Quelques mois plus tôt, il a couru aux côtés du jeune Bernard à l’occasion du Circuit de la Sarthe. Et passé son temps à l’observer, à le jauger, à lui glisser quelques recommandations. Sept ans séparent les deux exceptions. Une éternité au regard du clin d’œil qui introduira leur coalition à suivre.

Les genoux en capilotade, Guimard a anticipé sa reconversion plus tôt qu’il n’était prévu. Fréquenté l’Ecole fédérale de Macolin en Suisse et pris des cours par correspondance avec les meilleurs spécialistes du cru. Plus qu’un autre, il potasse et va de l’avant. Le contexte ne dit pourtant rien qui vaille : l’industrie du deux roues se porte mal et les cycles Gitanes menacent de déposer leur bilan.

Directement tributaire de l’avenir de la marque, José Alvarez, à la tête de sa propre structure de vente, cherche à
repousser l’échéance. En appuyant, par exemple, la candidature de Cyrille Guimard, nantais donc voisin du siège social de Machecoul et en ventant les mérites du jeune Hinault dont celui-ci s’est attaché les sympathies.

 

“ Il a pris tout le monde de vitesse. Au bout du compte, il avait dix ans d’avance sur la majorité. ”

Désormais rien ne sera plus comme avant. Ni pour le Blaireau, débutant mal dégrossi, ni pour son équipe à l’état d’ébauche, ni même pour le cyclisme dans son ensemble. Le préposé au chambardement ? Guimard bien sûr, curieux comme personne, avant-gardisme en diable. Certains sports ont entamé leur mue, mais, au sein de la communauté cycliste, l’immobilisme est toujours de saison.

“ Cyrille a dépoussiéré des modes de fonctionnement qui avaient cours depuis la guerre. L’idée était dans l’air, mais il a donné l’impulsion. ” (Marc Madiot) ; “ Il a pris tout le monde de vitesse. Au bout du compte, il avait dix ans d’avance sur la majorité. ” (Bernard Quilfen) ; “ Sa vision a vraiment bouleversé le milieu. ” (Armand Megret).

Le cercle des partisans est unanime : en torpillant le diktat des managers, en favorisant une meilleure répartition des recettes, en sollicitant surtout de conserve chercheurs, professeurs ou techniciens, Guimard a fait passer le cyclisme du stade de l’artisanat à celui de l’industrie. Désormais, il sera question de primes partagées et d’objectifs ciblés, de charges de travail et de mesures de plis, de nourriture diététique et aptitudes foncières.

En l’espace de quelques mois, Guimard fait du CHU de Nantes, de la soufflerie de Saint Cyr ou de la piste de Monthléry des annexes chargées d’optimiser le champion de demain. Mieux préparé, mieux informé, mieux adapté. L’ergonome Armel André pousse au dessin de cadres profilés et de selle en forme de gouttes d’eau. Suggère des maillots une pièce et des boyaux en fil de coton. Il teste même un appui lombaire avant que les règlements ne le freinent.

Jean Ginet, professeur de physiologie, n’est pas en reste. A 83 ans, il se souvient d’une seine émulation entre les divers secteurs de compétence et de réels moyens mis à disposition : “ Nous avons importé un très gros tapis roulant des États Unis et récupéré une balance de haute précision. Les calculs sur les transferts gazeux étaient très rigoureux et nous pratiquions même des biopsies musculaires, sortes de “ carottages ” qui nous apprenaient beaucoup sur les capacité de récupération des coureurs. ”

 

Son cœur aussi n’était pas banal.

Bernard Hinault se distinguait-il du lot ? Ginet encore : “ Sans doute sa faculté à éliminer la chaleur était-elle supérieure à la moyenne. Son épiderme était particulier : il transpirait peu. Qui plus est, il fabriquait naturellement une grande quantité d’EPO (hormone glycoprotéique) au point que son taux d’hématocrite naturel (proportion de globules rouges dans le sang) était bien supérieur au pourcentage aujourd’hui toléré (50 %). Son cœur aussi n’était pas banal. Capable de descendre au repos à 34 pulsations/minute, puis de grimper à 198 au moment d’un sprint, puis de replonger à 60, six minutes plus tard ! ”

Paul Köchli, lui aussi habitué de Macolin et qui, lui aussi, étudiera le pedigree Blaireau jusque dans ses plus infinis détails, parle à son sujet d’une “ incroyable liberté d’expression motrice ” et surtout d’une “ faculté d’adaptation spontanée exceptionnelle. ” Des vertus qu’Armand Megret, médecin traumatologue de l’équipe a lui aussi pointé du doigt : “ Un jour, j’ai vu Bernard porter deux baskets de tailles différentes sans qu’il ne s’en soit aperçu ! Là où un champion perd son influx à la moindre contrariété, lui-même ne se laissait jamais distraire. Il allait à l’essentiel et paraît au plus pressé. ”

‘’500 bornes pour s’entendre dire que l’on est en bonne santé, tu avoueras que c’est un peu du foutage de gueule !’’

C’est peu dire que Guimard pousse à la roue. A la tête de son commando de spécialistes, le Méphisto du 53X12, jamais au repos, toujours en alerte, innove tout autant qu’il s’auto-persuade. Maurice Le Guilloux : “ Ses convictions ont d’évidence participé de nos progrès qui, dans la foulée, ont encouragé nos succès qui eux-mêmes ont accéléré sa réputation. Au terme du processus, tout le monde c’est mis à craindre notre équipe forcément supérieure puisque toujours aux avant-postes. Bernard, en constant progrès, était un parfait agent de promotion du ‘’système’’ Guimard. Même si je me suis toujours demandé quel était son réel degré d’adhésion. ”

“ Plein et entier ” plaide l’essentiel de ses émules, même si certains confirment que même au sommet de son engagement, le Breton n’a jamais renoncé à l’ensemble de ses habitudes. Marc Madiot : “ Bernard était à un carrefour. L’alimentation régulée : O.K. ; l’entraînement spécifique : O.K. Mais souvent, il n’en faisait qu’à sa tête. ” Armand Megret : “ Un soir, je l’ai ramené chez lui après un nouvel examen au CHU.

Il l’avait un peu mauvaise : ‘’500 bornes pour s’entendre dire que l’on est en bonne santé, tu avoueras que c’est un peu du foutage de gueule !’’ ” Alain Vigneron : “ Hinault partisan d’une préparation millimétrée ? Il ne faut rien exagérer. Je l’ai vu avec une chaussure, une cale et un marteau : c’est au pif qu’il réglait tout ça… Et le jour où les mécanos ont fait passer nos câbles de frein dans les tubes de nos guidons, il n’était pas convaincu du tout : il trouvait ça nul ! ” Lui-même tranche : “ Grâce à ces nouvelles méthodes, j’ai appris à mieux me connaître et à mieux connaître mon potentiel. Mais bon, une fois que l’on t’a montré les bases, tu peux te débrouiller tout seul. ”

Foi de Blaireau !

Foi de Blaireau ! Même si il convient de souligner qu’à cette époque – celle de la plongée dans le grand bain professionnel –, le jeune leader n’a guère le droit à la parole. Entre 76 et 78, Cyrille Guimard est bel et bien le seul maître à bord adossé à un arsenal technique et scientifique innovant, mais aussi grâce à un ascendant psychologique incontestable. René Bernaudeau : “ Il n’était pas seulement légitime, il savait y faire ! Pour convaincre quelqu’un, appliqué une tactique, développer un schéma, il était tout de même très balèze. ”

Le directeur sportif up to date a, en particulier, compris comment fonctionne son élément le plus prometteur : “ Le Blaireau était quelqu’un qui, certes, disposait d’atouts formidables, mais qui, en plus, marchait à la fierté. ” Jamais plus à l’aise que la tête précipitée dans la gueule du lion !

 

Deux évènements :une rebuffade et une chute

Plus disposé que les pieds calés au bord du précipice ! Aux yeux de son mentor initial, deux épisodes fondateurs marquent la naissance du “ Campionishinault ” (Antoine Blondin) : une rebuffade et une chute enregistrées l’une et l’autre au printemps 1977 à quelques semaines d’intervalle seulement.

Le 3 avril, Bernard est à Saint Niklaas pour prendre part au traditionnel Tour des Flandres. La météo est effroyable. Ciel d’enterrement et pluie d’enfer. Le Breton en a vu d’autres sauf que, poule mouillée inattendue, il s’éclipse au volant de l’une des voitures de l’équipe sans même prendre le soin ni de signaler son forfait ni de changer de tenue. Guimard est dans tous ses états. Qui, dès le lendemain, se fend d’une lettre recommandée en bonne et du forme.

Bernard Quilfen : “ Sincèrement, Hinault n’en menait pas large. ” Huit jours plus tard, le déserteur d’un jour est au départ de Gand Wevelgen, autre classique flahute d’importance. Pas pour participer, mais pour se racheter. A quinze kilomètres de l’arrivée, l’affaire est entendue : treize ans après Jacques Anquetil, son successeur potentiel bombe le torse. Mieux, cinq jours plus tard, il alourdit la démonstration et remporte, toujours sous la pluie mais cette fois au sprint, le prestigieux Liège Bastogne Liège !

On l’imagine abîmé et brisé…

La chute survient le 4 juin lors de la 6ème étape du Dauphiné. Un classique d’entre les classiques. Déjà leader de la course, Hinault attaque dans le col de Porte. Dès le quatrième virage de la descente, il perd le contrôle de sa machine et disparaît des écrans radar. On l’imagine abîmé et brisé, le voilà qui, en contre bas, tend la main et repart à demi conscient. Au pied de la Bastille, la pente suivante, il renonce.

Mais Guimard est là qui insiste et le persuade. Non content de sauver son maillot, Hinault remporte sa première grande course à étapes. Lucien van Impe, l’une de ses victimes de jour là : “ Il n’y a pas grand chose à ajouter à cette succession d’événements. C’était très impressionnant. En l’espace de quelques heures, Bernard a lancé sa carrière toute entière. ”

Né du vide, sorti du néant

Né du vide, sorti du néant, égratigné mais ressuscité, Hinault fait mieux que prendre des gages sur l’avenir, il imprime la rétine de millions de téléspectateurs qui, dès l’ouverture des journaux de 20 heures, le soir même, prennent fait et cause pour ce jeune Français pressé de redynamiser un cyclisme annexé par les puissances étrangères. Le challenge est prometteur. Eddy Merckx a quasi raccroché. Bernard Thévenet levé le pieds.

Quant à Joop Zoetelmelk et Lucien van Impe ils sont certes valeureux mais, d’évidence, moins mordants que leur cadet. En cette fin des années 70, l’oiseau rare répond à tous les critères espérés : il sprinte, grimpe et roule contre la montre avec un égal bonheur.

Bonaparte-Guimard planifie déjà ses campagnes à venir. Hier timorés, les dirigeants de Renault (arrivés à la rescousse de Gitane en 1978) lui octroient une ligne de crédit confortable. Le recrutement qui s’en suit est en rapport. Bernaudeau, Becaas, Bertin, Didier rejoignent Bossis, Berland, Chalmel, Villemiane sous le maillot de la Régie dont le dessin rappelle si fort celui des abeilles toute entières dévouées aux travaux d’intérêt supérieur.

Un moment chez Gan, Le Guilloux revient lui-même à la ruche sans ciller : “ En dehors des Raleigh de Peter Post, nous disposions de la meilleur équipe du monde. Sauf que chez nous le schéma était plus simple. Il y avait un taulier, un leader et nous. ”

“ Personne n’était chaud pour partager sa chambre »

Un nous exclusif. Un nous admiratif. Avec ce qu’il faut de rites initiatiques et de renvois d’ascenseur. De frustrations rentrées et d’amitiés exigés. Avec aussi un système de rétribution équitable et une intendance irréprochable. Madiot : “ Il fallait savoir décrypter. Si Bernard était dur, c’est qu’il réagissait en fonction de ce qu’il avait connu. ” Bernaudeau : “ S’il était casse-pieds, c’est qu’il voulait constamment nous démontrer qu’il était le plus malin.

” Le Guilloux : “ Personne n’était chaud pour partager sa chambre. Il faut dire qu’il ne tenait pas en place et n’arrêtait pas de regarder la télé, même s’il ne comprenait pas la langue. ” Quilfen : “ Je l’ai vu une ou deux fois taper du poing sur la table, mais en fait, il avait horreur des conflits. ” Vigneron : “ Il ne donnait ce qu’il devait, mais, d’un autre côté, personne n’osait rien lui demander non plus. ”

A l’aube de son premier Tour de France, Hinault piaffe quand Guimard contraint sa longe derechef. Il a retardé d’un an l’échéance alors que les sondages réclamaient ce rendez-vous au sommet dès 1977. Douze mois plus tard, il est sur de son coup et de son équipe. Lors du récent championnat de France, les Renault ont trusté 7 des 9 premières places.

Un hold-up aux allures d’avertissement. Dès le premier contre la montre à Sainte Foix la Grande, le promis distance Zoetelmelk est de 59’’ et Kuiper de 2’59’’. La suite du programme, malgré quelques péripéties imprévues (la grève de Valence d’Agen, la défaillance du Puy de Dôme, l’exclusion pour dopage de Pollentier), est écrite et ne gagne guère à être, une fois encore, répétée.

“ Guimard-Hinault ? C’était deux silex. Avec eux, les étincelles étaient souvent au rendez-vous. ”

Sans doute est-il plus intéressant d’insister sur les incroyables à tu et à toi du tandem Guimard-Hinault qui, pour les quatre saisons à venir, vont alimenter la fable. Du jamais vu dans les pelotons. Loin des subtiles filouteries de la paire Anquetil-Géminiani ou des conventions désuètes du duo Magne-Poulidor. Guimard est un montreur d’ours. Roué et inspiré. Et l’ours en question un animal sauvage toujours prêt à griffer et à surenchérir. “

A l’inverse de Merckx, Bernard ne pouvait être dans la constance, insiste le dompteur d’alors. Il avait besoin de lâcher prise de temps en temps ce qui lui permettait de se sur-motiver l’instant d’après. D’où ses coups d’éclat souvent renversants et, parfois, ses coups de pompe tout aussi mémorables. Incontestablement, j’ai joué de cette ambivalence. J’ai adoré titiller, exciter, chatouiller ce boxeur d’autant plus impressionnant qu’il avançait souvent en baissant la garde… ”

Marc Madiot : “ Guimard-Hinault ? C’était deux silex. Avec eux, les étincelles étaient souvent au rendez-vous. ” Parfois les coups de boutoirs de Bernard dépassaient même leurs ‘’je te tiens, tu me tiens par la barbichette’’ habituels. Ils étaient gratuits, inopinés, superbes. Son Liège-Bastogne-Liège 1980 par exemple.

Son Austerlitz à lui. Des conditions atmosphériques dantesques. “ De la neige fondue sur le sol et du dithyrambe dans l’air ” (Chany). Deux doigts quasi gelés. 110 abandons après deux heures de course seulement. 84 kilomètres d’échappée solitaire. Le deuxième pointé à 9’24’’, le 21ème et dernier à 27’.

« Il me dit ‘’va voir un peu…’’ Je force la cadence, il suit, il gicle, il gagne. »

Et des équipiers qui, planqués derrière la fenêtre de leur hôtel, assistent au passage sur la ligne de leur patron…Maurice Le Guilloux : “ Il aurait pu nous mettre minables. Il a agit seul sans l’aide de personne, mais je suis sur qu’au fond de lui, il n’était pas mécontent d’avoir montré à Guimard qu’il pouvait être autonome. ” Dans le genre, l’Amstel Gold Race 1981 est pas mal non plus.

Alain Vigneron : “ Bernard ne voulait pas disputer cette course. On part en Hollande en avion à quatre avec juste nos cadres. La veille au soir, on bouffe, on trinque. La météo est plus qu’humide mais à cinq bornes de l’arrivée, il me dit ‘’va voir un peu…’’ Je force la cadence, il suit, il gicle, il gagne. Guimard est au parking. Il n’a rien vu et c’est moi qui le préviens du coup fourré ! ”

Et que dire de son Paris Roubaix disputé la même année ? Un concentré de Blaireau. Le prurit de ses œuvres en se qu’il résume à la perfection le théorème qui le fonde : la loi du contre-pied.

Résumé en cinq points : 1. Hinault l’affirme haut et clair : je n’aime pas cette course moyennageuse ; 2. Celle-ci accorde, selon lui, trop d’importance au hasard ; 3. Le Landerneau la tient portant en grande estime ; 4. Depuis la nuit des temps, les plus grands champions s’y distinguent ; 5. Quelques perfides laissent entendre qu’il ne sera jamais digne de leur compagnonnage s’il néglige lui-même de s’y illustrer.

Résultat des courses ? Une nouvelle victoire de Hinault cela va de soi. Non sans avoir tiré la chance par la queue et celle d’un chien qui faillit l’éliminer à proximité du but. Non sans avoir contredit l’évidence : battre au sprint Demeyer et De Vlaeminck deux Belges pronostiqués plus véloces !

Du Clausevitz revisité par Rambo.

Rapporter semblable feux d’artifice en un temps où une demi-douzaine d’attaques (au mieux !) suffisent à alimenter le suspense d’un Tour de France tout entier, paraît, à tout le moins, anachronique. Preuve que le Hinault d’alors doit être tenu pour un phénomène. Capable d’instiller, de saper, de détoner. Guimard encore : “ Je crois qu’à un moment donné nous avons trouvé un parfait équilibre. D’autant que toute l’équipe était au diapason. ”

Jean-René Bernaudeau, hier soutien inféodé aujourd’hui directeur sportif, en appelle au Giro 80 pour enfoncer le clou : “ Depuis Anquetil, les Français n’y mettaient plus les pieds. Trop peur de prendre des claques. Avec Guimard aux manettes, Hinault aux commandes, nous au service de l’un et de l’autre, on a explosé l’affaire.

Un truc grandiose, net et sans bavures. ” Bernaudeau a raison : sans doute le plus beau grand Tour du Blaireau. Du Clausevitz revisité par Rambo. Guimard qui, en prélude, désamorce certaines hostilités avec l’organisation et rallie une partie des tifosi en recommandant à Hinault qu’il se recueille sur la tombe de Coppi. Sans compter la grande affaire des sprints Panda !

Les autres se moquent. Et le cinquième jour,  paf, on remet ça avec le Blaireau dans la roue.

Bernaudeau toujours : “ Pendant quatre jours, Guimard nous demande de faire tous les sprints intermédiaires. Les Italiens ne comprennent pas. Pierre-Raymond Villemiane avait tellement d’avance qu’il ne pouvait plus être rejoint. Les autres se moquent. Et le cinquième jour, entre Foggia et Roccaraso, paf, on remet ça avec le Blaireau dans la roue. Moser, Contini, Saroni ont piqué du nez, ne restait que Paniza. ” Son compte sera bon dans le Stelvio, six jours plus tard, au terme, là encore, d’une course stratégique aux petits oignons ! ”

Arrivé à ce point d’entente et de succès mêlés, le binôme Hinault-Guimard (Guimard-Hinault ?) atteint la plénitude de son efficacité et de son rendement. Pas certain qu’il ne retrouve jamais pareil avantage.

 

Bernard Hinault : série en quatre épisodes parue dans L’Equipe Magazine juin 2014


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