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Tripoli : Trop de joie peut tuer.

publié le 11/09/2011 | par Jean-Paul Mari

Une terrasse intérieure dans un grand hôtel du centre de Tripoli. A la table voisine, à quatre solides Libyens dissertent autour d’un café. Tuniques traditionnelles, lunettes de soleil, bagues au doigt et téléphone portable à portée.
Soudain, une détonation sèche et un grand bruit de verre brisé. Une balle est tombée, quasiment à la verticale, sur la table entre les hommes, à une dizaine de centimètres du bras du plus grand. La table en verre a explosé, les quatre hommes, sidérés, n’ont pas bougé, l’un d’eux examine son bras à peine écorché, ils ont échappé à la mort.

En un instant, la terrasse se vide et les consommateurs cherchent un abri plus sûr à l’intérieur de la cafétéria. Les quatre hommes, eux, sont toujours là. Comme le serveur vient ramasser les débris de la table vitrée, ils consentent à changer de place pour s’installer à la table d’à côté. Et reprennent leur conversation.

La balle de Kalachnikov a été tirée en l’air quelque part dans le quartier, en signe de joie et de célébration de la libération de la ville. Le problème, avec la loi de la pesanteur, est que toute balle tirée en l’air finit par retomber. Et que les Libyens, libérés, passent une partie de la journée et toute la nuit à rafaler le ciel, à la Kalachnikov, à la mitrailleuse lourde de 12,7 mm, voire au petit canon de 14,5 mm fait pour truffer l’ennemi de petits obus gros comme le poing. Les combattants de la dernière heure, jeunes hommes qui n’ont connu que le feu de leur premier rasoir, ne perdent pas une occasion de montrer ainsi leur fougue et leur bravoure.

Quand la fête est à son comble, ce sont des milliers de projectiles qui illuminent le ciel, entament une courbe, ascendante puis forcément descendante et erratique, au-dessus de la tête de la population civile, hommes, femmes et enfants.
A ce rythme, les tirs de célébration font, chaque semaine, une dizaine de morts et de blessés dans tout le pays.

Trop de liesse peut tuer.


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