Trump-Poutine : la trêve des dupes
A l’issue de plus de deux heures d’entretien avec Trump, Poutine n’a accepté qu’une trêve… partielle sur les installations énergétiques. Et il pose ses conditions pour la suite

Pour Zelensky, les Russes « ne sont pas prêts à mettre fin à cette guerre« .
L’Ukraine est-elle plus proche d’une paix « juste et durable », selon la formule consacrée, après l’entretien téléphonique de deux heures et demie entre Donald Trump et Vladimir Poutine ? Il faudrait être audacieux pour le penser, tant les inconnues sont nombreuses.
On ne peut en fait que partager la prudence de Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, réduit comme tout le monde à observer l’événement de l’extérieur. Il a espéré hier soir parler rapidement à Donald Trump, pour savoir, a-t-il dit, « ce que les Russes ont offert aux Américains, et ce que les Américains ont offert aux Russes ». Et il a estimé que les Russes « ne sont pas prêts à mettre fin à cette guerre ».
Sur la base des informations communiquées par Washington, on doit d’abord noter que le président russe n’a pas accepté la même chose que le président ukrainien lors de ses entretiens avec les Américains à Djeddah. Zelensky avait accepté un cessez-le-feu inconditionnel de 30 jours ; Poutine se contente de ne plus cibler les installations énergétiques. Toutes les autres cibles restent possibles, à commencer par les villes ukrainiennes.
Poutine pose ses conditions, et n’accepte pas le schéma proposé par la partie américaine
Les Américains ont indiqué que les discussions pour élargir la trêve et envisager la paix commenceraient dimanche en Arabie Saoudite. C’est dire que rien n’est véritablement acquis à partir de cet entretien téléphonique d’hier, à l’exception de cette trêve très limitée.
La seule véritable question à laquelle il est impossible de répondre, c’est le comportement de Donald Trump dans cet entretien téléphonique. Le président américain veut à tout prix un accord pour accrocher un succès diplomatique à son bilan, au moment où le « front » économique aux États-Unis suscite la plus grande inquiétude. Jusqu’où est-il prêt à céder aux exigences russes ? C’est ce qui conditionne la suite du processus.
Le sujet le plus sensible, c’est de savoir si l’Ukraine, à l’issue de ce processus de négociation, aura les moyens de se défendre. Or Poutine exige, sans qu’on sache si Trump a cédé, que les Occidentaux cessent de livrer des armes à l’armée ukrainienne une fois la trêve conclue. Si c’est le cas, l’Ukraine sera à la merci de Vladimir Poutine si, sous un prétexte quelconque, il décide de reprendre sa guerre. De même, Trump pousse-t-il Poutine à accepter la présence de soldats européens sur le sol ukrainien pour garantir la paix ? Un véto russe serait de mauvais augure.
A ce stade, tout le monde fait comme si…
Comme si on avait progressé hier sur la voie de la paix. C’est peut-être le cas, mais personne n’en a l’assurance à ce stade. Surtout quand Sergei Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, accompagne la trêve partielle sur les infrastructures énergétiques d’un mensonge, en disant que la Russie n’avait jamais visé des installations civiles.
Si Donald Trump était un honnête intermédiaire, il pourrait inspirer la confiance. Tout montre depuis deux mois qu’il veut à tout prix se rapprocher de Vladimir Poutine, alors qu’il n’a que mépris pour Volodymyr Zelensky : l’enjeu économique russe compte plus pour lui que celui de la paix pour les Ukrainiens. Méfiance donc, car le diable est dans les détails des accords de paix, ici plus encore qu’ailleurs.
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