Ukraine : les enfants, premières victimes invisibles de la guerre
Alerte. Mort, blessures, déplacements forcés, propagande scolaire : l’ONU dresse un tableau accablant de la « situation dévastatrice » des enfants ukrainiens

Depuis le 24 février 2022, la guerre menée par la Fédération de Russie en Ukraine a imposé aux plus jeunes une réalité d’une violence inouïe. Dans un rapport publié ce vendredi à Genève, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) alerte sur l’ampleur des violations commises à l’encontre des enfants, évoquant des souffrances « inimaginables », aux conséquences à la fois physiques, psychologiques et sociales.
Près de 2.500 enfants tués ou blessés : un bilan « certainement sous-estimé »
Le rapport couvre la période allant de février 2022 à décembre 2024. Durant ces deux années de conflit intensif, 669 enfants ont été tués et plus de 1.800 blessés, principalement dans des zones peuplées ciblées par des armes explosives à large rayon d’impact.
- 521 enfants tués et 1.529 blessés dans les zones contrôlées par Kiev.
- 148 enfants tués et 304 blessés dans les territoires occupés par les forces russes.
Le HCDH précise que ces chiffres sont très probablement en deçà de la réalité, du fait de l’impossibilité d’accéder à certaines zones, notamment celles sous contrôle russe.
« Leurs droits ont été bafoués dans tous les aspects de la vie, laissant de profondes cicatrices, tant physiques que psychosociales », déclare Volker Türk, Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU.
Violences, enlèvements, endoctrinement : les enfants des zones occupées sous pression
Les zones occupées par la Russie – notamment depuis l’annexion illégale de quatre régions fin 2022 – concentrent une grande part des violations recensées. Le rapport documente de nombreuses violences contre les civils, y compris contre des mineurs.
Parmi les faits les plus graves :
- Au moins 200 enfants, souvent placés en institutions, ont été déplacés de force vers des territoires occupés ou vers la Russie durant la première année du conflit.
- Ces actes pourraient constituer des crimes de guerre, souligne l’ONU, même si l’absence d’accès aux zones concernées empêche une évaluation exhaustive.
Dans ces territoires, les autorités russes ont imposé la citoyenneté russe, le programme scolaire russe, et restreint l’enseignement en ukrainien. Les écoles y diffusent une formation militaro-patriotique, exposant les enfants à une propagande de guerre et à une idéologie hostile à l’État ukrainien.
Un champ de mines éducatif : écoles détruites, cours en ligne entravés
Les conséquences du conflit sur l’éducation sont tout aussi dramatiques. Au moins 1.614 attaques ont visé des établissements scolaires à travers le pays, causant leur destruction ou de graves dégâts. Face à ces menaces, les autorités ukrainiennes ont instauré l’obligation d’abris anti-bombes dans les établissements et le recours massif à l’enseignement à distance. Mais les alertes aériennes incessantes et les coupures d’électricité fréquentes – consécutives aux frappes russes sur les infrastructures énergétiques – bloquent régulièrement l’accès à l’enseignement, tant en présentiel qu’en ligne.
Aujourd’hui, plus d’un tiers des enfants ukrainiens sont contraints de suivre leur scolarité entièrement ou partiellement à distance, dans des conditions souvent précaires. Le rapport insiste sur une baisse généralisée du niveau d’éducation, qui compromet l’avenir professionnel et personnel des enfants. Une génération entière se retrouve fragilisée, non seulement par les traumatismes, mais aussi par la perte d’opportunités éducatives durables.
Une génération sacrifiée, sous les bombes et la propagande
« Il est clair que les enfants ukrainiens ont enduré un large éventail d’expériences en temps de guerre, qui ont toutes eu de graves répercussions », insiste le Haut-Commissaire.
Certains sont réfugiés en Europe, d’autres vivent sous la menace constante des bombardements, et beaucoup subissent les lois coercitives russes dans les territoires occupés.
L’ONU appelle à un accès humanitaire sans entrave, à la protection immédiate des enfants et à la fin des attaques contre les infrastructures civiles. Le rapport constitue un acte d’accusation documenté, destiné à alimenter les efforts internationaux de justice et de protection des droits humains.
Lire le rapport complet : ONU Info – Rapport du HCDH sur les enfants en Ukraine (mars 2025)
Tous droits réservés "grands-reporters.com"