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7/ Alpine, Texas : le désert est blanc.

publié le 01/04/2017 | par Jean-Paul Mari

Bienvenue en Bavière.
Au fin fond du Texas, le nez sur la frontière, soudain, plus un Mexicain en vue. Une région « blanche », un patronne d’hôtel aux cheveux argentés, les yeux bleus et la peau rose. « Alpine » porte bien son nom. Au saloon, on sert saucisses Bradwurst, grands bocks de bière maison et la « spécialité Eldeweiss ». Un coup d’œil sur le patio coquille d’œuf façon latino et les deux chanteurs de country, – guitare irlandaise, contrebasse à une corde – raconte l’histoire de la colonisation allemande de ces hautes montagnes, où les exilés semblent s’être perdus.

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Entre un homme en étrange habit, maigre, l’œil noir et képi bleu sur la tête. Suivi d’un colosse blond et rose, sombrero de paille, barbe et cheveux de Robinson, en short et grosses bottes de montagnard. A la table d’à-côté, queue de cheval blanche et lunettes rondes, un vieux trappeur à la retraite dîne seul…Étranges clients. Ici, on vit trop loin des autorités et tout près de la montagne, entourés de coyotes, de pumas, de vautours et d’aigles des cimes, dans un désert brûlé à 50 degrés par l’été.
Highway 118. Canyons, défilés, doigts rocheux. Les cactus géants sont violets et l’herbe des grandes prairies jaune paille. Au loin, des pitons émergent de la brume de chaleur. Les plateaux fissurés laissent échapper d’énormes blocs qui pavent le désert de chaussées de géants.

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La route est droite sur 50 km, l’horizon plat, piqueté de fleurs d’épines des agaves. Le désert est mauve à l’aube, blanc le jour, ocre rouge avec le soir. A midi, tout prend feu. C’est fort et doux à la fois. Dans cet espace sans limites et sans freins, les hommes d’ici passent d’un sentiment de puissance à l’écrasement. Ils sont seuls et maîtres. Seuls et perdus.
Un zeppelin dans le désert. De loin, on croit à une vison. Il est là, posé sur le sable. Un énorme aérostat blanc d’une trentaine de mètres. Lâché au bout de son câble, haut dans le ciel, il domine le pays et son radar détecte tout ce qui vole au-dessous de 5000 pieds.

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Encore une idée des techniciens de la D.EA, unité anti-drogue, et des douanes, pour essayer de repérer les petits avions bourrés de marijuana qui arrivent du Mexique et de Colombie. Il y en a trente-cinq autres tout au long de la frontière, pour compléter un dispositif de radars au sol, d’hélicoptères et d’avions de surveillance. Le seul problème est que les « Aérostat Radar Balloon » sont souvent cloués au sol. A cause de pannes mécaniques. Ou des tempêtes. Comme celle qui est en train de nous venir droit dessus.

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Tornade sur Van Horn.
Soudain, le ciel devient tout noir. Oublié la canicule et les couleurs du désert. Il fait très froid. Des rafales de vent font voler de gros rouleaux d’herbes sèches. Des tourbillons géants emportent tout vers le ciel : on joue « Twister » au Texas. Puis vient le tambour de la pluie, des éclairs verticaux de plusieurs km et une averse de grêlons gros comme des billes d’écoliers…l’hiver. La route est blanche, couverte de givre et le chemin inondé par cet orage des grandes plaines. C’est rapide et brutal. Ne reste que des toits troués, une vingtaine de blessés, des automobilistes en détresse et les sirènes des voitures de police qui font la tournée des dégâts.
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Dessin de Yann Le Bechec
Photos de Jean-Paul Mari et Yann Le Bechec.

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