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Maria Lvova-Belova, la voleuse d’enfants ukrainiens

publié le 12/12/2024 par Pierre Feydel

La commissaire russe aux Droits des enfants a une mission : déporter les mineurs des territoires ukrainiens occupés pour en faire de bons petits Russes

Visage digne d’une madone de la Renaissance italienne, Maria Lvova-Belova semble un ange de douceur. La commissaire russe aux Droits des enfants s’affiche comme un modèle de mère. Mariée à un ex-informaticien devenu prêtre de l’Église orthodoxe, elle a donné naissance à cinq enfants et en a adopté cinq de plus. Elle revendique également la tutelle de treize enfants handicapés. Un exemple, donc, dans un pays où le taux de fécondité des femmes est en chute libre. Voilà pour l’apparence soigneusement mise en avant par la propagande de Moscou.

Un masque d’amour maternel

Mais cette belle image d’une femme débordante d’amour maternel n’est qu’un masque qui dissimule une âme bien plus sombre. Elle est accusée de crimes de guerre, d’avoir supervisé, sinon organisé, la déportation de milliers d’enfants des territoires ukrainiens vers la Russie.

Cette proche de Vladimir Poutine fait l’objet d’un mandat de la Cour pénale internationale depuis le 17 mars 2023. Son maître, le président de la Fédération de Russie, est poursuivi par la CPI pour le même motif. Une sorte de complicité qui explique l’extrême rapidité de l’ascension de Maria Lvova-Belova. La voilà, à 39 ans, membre du cabinet de l’homme du Kremlin, ne rendant semble-t-il de comptes qu’à lui.

Une ascension spectaculaire

 Pas si mal pour une modeste professeure de guitare, originaire de Penza, une ville de 500 000 habitants au centre de la Russie. Elle y fonde, en 2008, une association caritative pour venir en aide aux familles nombreuses et aux orphelins. Six ans plus tard, elle crée un centre d’adaptation sociale pour handicapés.

En 2019, cette « humanitaire » adhère au parti au pouvoir, « Russie unie ». Profondément religieuse, défendant les valeurs traditionnelles de la famille telles que les prône le pouvoir russe, grand dénonciateur de l’Occident dépravé et perverti, elle est parfaitement à l’aise dans les allées du pouvoir poutinien. En 2020, la voilà sénatrice. Un an plus tard, elle prend ses fonctions actuelles et soigne sa communication. Maria Alekseïevna se montre en compagnie d’enfants à l’hôpital, en pique-nique, dans un atelier de graffitis urbains, ou encore dans un aéroport accueillant des « orphelins d’Ukraine ». Sur sa chaîne Telegram, au milieu des peluches et des ballons, elle déverse des tonnes de bons sentiments.

Derrière la « Madone », la prédatrice au service de Poutine

Mais derrière ses discours lénifiants, mièvres, dégoulinants de fausse bienveillance, se cache une « prédatrice d’enfants », comme la qualifient les autorités de Kiev. Car la commissaire aux Droits des enfants n’est pas vraiment là pour venir en aide aux chères têtes blondes russes. Sa mission principale : transférer les enfants des territoires conquis par l’armée de Moscou — orphelins, mineurs séparés ou non de leurs parents — pour en faire des citoyens russes, la tête bien lavée de leurs souvenirs ukrainiens. Elle s’y emploie avec un zèle remarquable. Des chercheurs de l’université américaine de Yale ont identifié 43 centres de « rééducation » d’enfants en Russie. Leur rapport dénombre 6 000 mineurs de 4 à 17 ans dans ces endroits.

En faire de vrais petits Russes

Kiev affirme que plus de 16 200 enfants ont été déportés en Russie. Moscou va beaucoup plus loin, déclarant que 733 000 enfants ukrainiens sont arrivés sur le sol de la Fédération de Russie depuis le début de « l’opération militaire spéciale ». Ces jeunes « victimes de guerre » sont confiés à des familles russes, adoptés ou plutôt enlevés, scolarisés — en réalité endoctrinés —, « nationalisés » pour bénéficier des droits sociaux, autrement dit assimilés de force. Parfois dotés d’une identité russe, leurs noms sont changés. Ils deviennent ainsi introuvables pour les familles ukrainiennes qui les cherchent. S’ils ne plaisent pas à leurs parents d’adoption, ils croupissent dans des orphelinats. Et lorsque les autorités ukrainiennes réclament leur retour — 52 ont réussi à rentrer chez eux —, Maria Lvova-Belova répond qu’« ils aiment la Russie à présent et n’ont pas envie de retourner chez leurs parents ».

Une forme de génocide

Elle-même a adopté un adolescent de Marioupol, ville ukrainienne des bords de la mer d’Azov, rasée, dont les habitants sont morts par milliers sous les obus russes au début du conflit. Le droit international condamne vigoureusement la déportation et le transfert de populations, assimilés au crime de génocide. Les mandats de la CPI sont donc parfaitement justifiés. Mais la commissaire russe aux Droits des enfants ignore ce droit-là.


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