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Algérie : le français, une langue en sursis (1)

publié le 07/04/2025 par issam nazari

Langue du colonisateur pour les uns, outil d’ascension sociale pour les autres, le français recule en Algérie, pris en étau entre l’arabisation d’État et l’offensive islamiste pro-anglaise

La brouille politique entre Paris et Alger semble se dissiper. Mais le pays continue à vouloir s’éloigner de toute culture française. L’Algérie vient d’accéder à cette vieille revendication islamiste de défrancisation, en décidant le remplacement total du français par la langue anglaise dans l’enseignement universitaire… dès la rentrée prochaine. Pourtant, il reste essentiel dans l’économie, l’administration et les filières scientifiques.

Voici, vu d’Alger, le premier d’une série de trois articles qui analyse la relation de l’Algérie avec notre langue.

Le recul du français en Algérie

La langue française a considérablement reculé en Algérie à la faveur de la politique de généralisation de l’arabisation. Cependant, elle demeure ancrée dans la bourgeoisie citadine comme l’affirmation d’une certaine classe culturelle. Cela fait toujours bon genre de parler français ! Elle est même la langue quotidienne de nombreuses familles islamistes, et dès lors, langue maternelle de leur progéniture.
Dans les écoles privées des quartiers riches, le programme de l’ancienne métropole y était enseigné jusqu’à son interdiction en 2023, car il permettait de passer son bac français, qui ouvre la porte des grandes écoles à l’étranger. Une preuve de réussite sociale des parents et la garantie d’un avenir radieux à leurs enfants.


Chronologie de l’arabisation (1962–2023)

• 1962 : l’arabe devient langue officielle, le français est toléré.
• 1965–1979 : Boumediene lance la première vague d’arabisation, notamment scolaire.
• 1980 : printemps berbère en Kabylie, répression.
• 1998 : Zeroual impose l’arabisation de l’administration.
• 2001 : reconnaissance du tamazight dans la Constitution.
• 2023 : interdiction du programme français dans les écoles privées.


Une langue encore indispensable

Malgré l’acharnement pour le remplacer par l’arabe, le français demeure la langue principale des échanges de l’administration. Dans les entreprises, sa maîtrise est indispensable pour occuper des postes de responsabilité et réussir sa carrière.
Bien que dans les universités, hormis les langues étrangères, le cursus en sciences humaines soit assuré depuis très longtemps exclusivement en arabe. À contrario, les filières scientifiques et techniques assurent encore un enseignement essentiellement en français. Car même si certains téméraires de l’arabité l’ont tenté, la majorité des enseignants y ont fait bloc, se justifiant de l’insuffisance avérée de la langue arabe dans ces domaines.

L’anglais, nouvelle arme idéologique

Qu’à cela ne tienne ! Après ce long échec, les décideurs politiques ont trouvé dans l’anglais la monnaie d’échange qui permettrait de se débarrasser définitivement de la « langue du colonisateur » !
Cet objectif est depuis longtemps une des revendications principales des islamistes, qui défendent que l’anglais est la langue d’échange international dans tous les domaines. En réalité, derrière cette promotion se cache un dessein d’hégémonie de l’islamisme international dont le centre est au Moyen-Orient, où l’anglais est dominant et le français perçu comme le véhicule de la laïcité, ennemi dogmatique par excellence.
Pour accélérer la conversion, les chancelleries anglaises et américaines sont appelées à la soutenir, le français est supprimé des enseignes des établissements publics au profit de l’anglais, et des formations accélérées dans cette langue sont imposées aux enseignants…

A suivre…


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