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Algérie: le rêve brisé (3)

publié le 22/04/2025 par issam nazari

Marginalisation de la francophonie, contournement du droit international, centralisation militaire : le pays s’éloigne de ses fondements républicains et du projet émancipateur post-indépendance

Une mutation socioculturelle irréversible

L’Algérie, fondée sur un idéal nationaliste pluri-identitaire en 1962, glisse aujourd’hui vers un modèle rigide arabo-musulman. La domination du référentiel islamo-conservateur se traduit par une arabisation de l’enseignement, des médias, et de la vie publique.

Même la Kabylie, longtemps bastion de la résistance berbériste, voit ses élites s’aligner sur ce paradigme dominant. La langue amazighe, certes constitutionnalisée, est de facto folklorisée, annexée dans un récit national subordonné à l’islam sunnite.


Une école en déclin
Depuis 2002, le taux de scolarisation en langue française recule : 68 % en 2010, 52 % en 2020. Le niveau en sciences et en langues chute, aggravant l’exode massif des diplômés. Plus de 20 000 jeunes algériens ont obtenu un visa étudiant pour la France en 2023


Régression et répression, constat d’un recul généralisé

Le mandat d’Abdelmadjid Tebboune, entamé en 2019, consacre une recentralisation autoritaire. Le cadre juridique est redessiné sans consultation, écartant les contre-pouvoirs et verrouillant les libertés fondamentales. Les tribunaux militaires élargissent leur champ d’intervention. La société civile, déjà affaiblie, est désormais criminalisée : syndicats, ONG et journalistes subissent arrestations arbitraires, surveillances et interdictions. Selon Amnesty International, plus de 300 détenus d’opinion sont actuellement incarcérés. L’Algérie figure au 136e rang sur 180 au classement 2024 de la liberté de la presse (RSF), reculant de 23 places en deux ans.

Une diplomatie à rebours du droit international

La tradition diplomatique algérienne — non-alignée, respectueuse des équilibres régionaux — cède la place à une posture idéologique et offensive. Le conflit avec le Maroc autour du Sahara occidental cristallise cette rupture : Alger soutient ouvertement le Polisario tout en menant une guerre médiatique active. Face à la France, la rhétorique est systématiquement revancharde, sur fond de mémoriel et de calculs électoraux intérieurs. Le droit international, longtemps mobilisé par l’Algérie dans sa lutte anticoloniale, est aujourd’hui instrumentalisé ou ignoré. Refus d’extrader ses ressortissants, manipulation des mandats d’Interpol, expulsions illégales : le pays défie ouvertement ses engagements.


APS, une agence d’État devenue chambre d’écho
L’Agence de presse officielle (APS) ne se limite plus à l’information institutionnelle. Elle publie désormais tribunes, diatribes et communiqués à tonalité belliqueuse, émanant directement des cercles de pouvoir. Une dérive qui rompt avec la tradition diplomatique de neutralité observée durant la guerre froide.


Un vide générationnel

La fin d’un cycle L’Algérie tourne le dos à son projet républicain initial. Le nationalisme modernisateur qui portait une ambition d’émancipation collective cède à une gouvernance patrimoniale, autoritaire, refermée sur elle-même.
La « nouvelle Algérie » vantée par le pouvoir s’apparente moins à un renouveau qu’à une régression, méthodique et assuméeAprès plusieurs échecs de révision des textes juridiques, Tebboune rappelle fin 2024 l’ancien ministre Ould Kablia, 91 ans, formé en droit en France et acteur des accords d’Évian. Une image révélatrice d’un pays sans relève.

FIN


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