Afrique : les illusions perdues
Crises militaires, chaos géopolitique, faible sursaut démocratique : retour sur une année africaine sous tension, entre illusions perdues et espoirs fragiles

Photo : Des soldats tchadiens se rassemblent le 1er février 2015 près de la ville nigériane de Gamboru, juste à côté de la frontière avec le Cameroun, après l’avoir reprise à Boko Haram. AFP PHOTO / MARLE
Sahel : l’échec des juntes militaires
Septembre 2024, la chronique 81 démarre avec le massacre de Barsalogho au Burkina Faso. Fin juin 2025, elle clôt l’année avec l’hypothèse d’une éventuelle ouverture de négociations entre juntes et djihadistes. Que penser d’une telle évolution ?
D’abord constater que la prise de pouvoir par les juntes militaires des trois pays n’a rien résolu. Face à la poussée djihadiste, les juntes ont commis les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs. Pire encore : leur réponse n’a reposé que sur un rapport de forces militaires, qu’elles sont sans doute en train de perdre.
D’éventuelles négociations, probablement facilitées par les Russes — qui pourtant combattent à leurs côtés — pourraient déboucher sur une issue. Mais à quel prix ? Non seulement pour une démocratie déjà bien éloignée du Sahel, mais surtout pour les populations. Car ce sont des millions d’enfants déjà privés depuis longtemps de leur école, de soins et d’autres droits fondamentaux.
Le Kivu, éternel champ de ruines
La guerre a occupé une large part des quarante dernières chroniques. Le Sahel reste au cœur du chaos, mais d’autres fronts se sont imposés, notamment au Soudan. Là, le conflit exprime au moins trois dynamiques. D’abord, une lutte classique entre deux clans, chacun revendiquant le territoire national. Ensuite, des tensions liées aux clivages internes, qui reflètent des fractures profondes. Enfin, une compétition entre puissances étrangères, à travers des formes variées d’influence et d’ingérence.
On retrouve cette même complexité plus à l’est, en République démocratique du Congo, dans la région du Kivu. Un territoire toujours meurtri, sur fond de violences endémiques et de souvenirs encore vivaces du génocide tutsi.
Une nouvelle guerre froide
L’ensemble dessine un continent fragmenté. Éloigné des grands théâtres de guerre — comme l’Ukraine ou le Proche-Orient —, il reste pourtant le miroir discret d’un nouvel affrontement mondial. Moins médiatisé, certes, mais nourri des mêmes ressorts. Une guerre « froide » nouvelle manière, déjà bien installée.
Le Sénégal, fragile bastion démocratique
À l’extrémité ouest du continent, le Sénégal permet de ne pas désespérer totalement de la démocratie en Afrique. Certes, il y eut quelques hésitations, mais finalement, le processus constitutionnel a tenu bon. Il a résisté à la tentation d’une confiscation du pouvoir par un président sortant autoritaire.
Mais les orientations qui s’y dessinent se heurtent déjà à un rejet fort, en particulier parmi la jeunesse urbaine. Un rejet qui vise non seulement le pouvoir en place, mais aussi une vision de l’avenir largement perçue comme imposée par un Occident indifférent.
L’Afrique sous pression dans un monde éclaté
Au-delà de ces conflits, l’actualité mondiale a aussi nourri plusieurs chroniques. D’abord par ses conséquences directes sur l’Afrique : pressions économiques, déséquilibres géopolitiques, tensions autour des matières premières et des routes commerciales. Ensuite, par la répercussion des dynamiques politiques venues du Nord, notamment la crise des démocraties occidentales.
Cette année fut aussi marquée par les élections dans plusieurs grandes puissances. Des scrutins suivis avec attention à travers l’Afrique, tant leurs résultats influencent la configuration des aides, des partenariats et parfois des régimes eux-mêmes. L’ordre libéral né dans les années 1990 continue de se disloquer lentement, et le continent africain n’échappe pas à ses secousses.
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