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Comment le monde a basculé

publié le 29/06/2025 par Jean-Paul Mari

Trump, Poutine et Netanyahou ont dynamité l’ordre ancien pour instaurer un nouveau désordre mondial. Restent la puissance au-delà du droit, la force de l’impunité, la fin de la morale universelle, l’arrogance du fort contre le faible

Photo :des affiches représentant Donald Trump, Elon Musk, Benyamin Netanyahou et J. D. Vance vêtus d’uniformes nazis, à Londres, le 17 mars 2025. (Vuk Valcic/Zuma/SIPA)

Le monde a changé. Pas en soi. Pas parce qu’il se réchauffe. Le monde a changé parce que les lois qui le régissaient n’ont plus cours. La concertation entre les nations pour ne plus connaître les horreurs de la guerre mondiale, la volonté proclamée de réduire les armes de destruction massive, le cadre pour éviter la prolifération nucléaire, le rempart des lois, des conventions internationales, la morale universelle… tout cela, c’était avant.

D’abord, il y a eu Poutine, mélange de caïd des rues de Saint-Pétersbourg et de cerveau « Made in KGB ». Et la chute du tabou de la guerre préventive quand il a envahi l’Ukraine, au prétexte d’une menace fantasmatique du retour des néo-nazis, pour justifier sa volonté de reconquête. Mais c’était Poutine. Un fils de l’URSS déchue et humiliée, les relents recuits de la Grande Russie, une ombre au tableau d’un monde où l’Occident faisait contrepoids.

Puis il y a eu Trump. Donald. Un prénom de Mickey mais l’âme du Docteur Folamour. Son ego sans limites lui fait croire qu’il est le maître du monde, un monde dont les règles établies ne le sont plus pour lui. Son credo : la force est au-dessus du droit. Du droit de la guerre, du droit humanitaire, du droit moral, du droit tout court.

Trump récuse d’abord le droit américain, en nommant à la Cour dite Suprême des juges à sa botte, qui lui assurent la suprématie sur le droit. Il attaque et s’affranchit de tout ce qui a été signé et qui pourrait l’entraver : retrait américain de l’OMS, du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, arrêt des programmes humanitaires, mépris affiché des accords sur l’environnement, etc. Et si la CPI inquiète des amis à lui, il lui coupe les fonds et poursuit ses magistrats. En prison les donneurs de leçons de justice !

Cette logique de la force suprême – venue d’un président qui promettait la paix mondiale dans l’après-midi – ne pouvait mener qu’à la guerre : « L’Amérique ne demande pas la permission pour se défendre ». Entraîné par Israël dans une guerre contre l’Iran, Trump n’a pas su résister à son impératif d’apparaître toujours au premier plan. Alors va pour la guerre préventive, comme Poutine, au moment même où il prétendait négocier directement avec Téhéran. Et Narcisse d’exulter. Dans la cour d’école des grands, c’est lui qui a la plus grosse bombe, il a réussi « l’opération la plus géniale de toute l’histoire de l’humanité », D-Day inclus, et il humilie le président de l’Iran : « Vous vous êtes pris une raclée ! » La force justifie l’arrogance.

Quant à l’Europe, inutile de s’encombrer d’une bande de minables qui prétend parler sans en avoir les moyens. Alors, il plaque le G7 sans discuter de l’Ukraine, et débarque au sommet de l’OTAN pour imposer ses conditions. Voici, du coup, les autres obligés de pratiquer la seule chose qui, croit-on, peut influer sur Narcisse : la flatterie. Le Secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, envoie un SMS dithyrambique au « Mr President, dear Donald » qu’il félicite pour ses « actions décisives en Iran », jugées « véritablement extraordinaires, quelque chose que personne n’avait osé faire depuis des décennies ». Un argument politique de haute volée qui régit désormais un monde dominé par Trump. Un SMS que Trump s’empresse de publier pour montrer l’OTAN servile qui lui embrasse les pieds. L’arrogance de la force.

Les tyrans du monde entier peuvent prendre exemple. Le meilleur élève s’appelle Benjamin Netanyahou. Lui aussi rêve depuis toujours de défier le monde qui l’empêche d’atteindre son but : écraser et vider Gaza, occuper la Cisjordanie, attaquer l’Iran. Et dominer le Moyen-Orient. Lui aussi méprise les lois, l’Europe et l’ONU. Et la CPI qui ose l’inculper. Et l’opposition intérieure qu’il entend bien museler. Et tous ses critiques étrangers en général – la justice – qui ne peuvent être qu’antisémites et soutiens des « terroristes ». Poursuivi en Israël même, il devrait être derrière les barreaux mais domine le pays, et son ami Trump a exigé qu’il soit gracié… même sans être encore condamné.

Trump et Netanyahou sont de la même école de la rue. La puissance au-delà du droit, la force de l’impunité, la fin de la morale universelle, l’arrogance du fort contre le faible, la servilité du faible devant le fort. L’ordre ancien n’existe plus. Il s’agit moins d’imposer un nouvel ordre mondial que de jouir d’un nouveau désordre mondial.


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