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Corruption : Trump, Marjorie et les siens

publié le 16/04/2025 par Pierre Feydel

Marjorie Taylor Greene, star extrémiste du Congrès, est accusée de délit d’initié. Elle aurait profité du revirement de Trump sur les droits de douane. Elle ne serait pas la seule

Prise la main dans le sac !

Marjorie Taylor Greene, représentante de la Géorgie, de l’espèce ultra-trumpiste, aurait commis un délit d’initié caractérisé. Les 8 et 9 avril derniers, elle aurait acheté pour 21 000 à 315 000 dollars d’actions de sociétés frappées par l’augmentation des droits de douane décidée par Donald Trump. Leur cours avait considérablement dévissé, essentiellement parce que ces entreprises faisaient fabriquer tout ou partie de leurs produits dans bon nombre de pays asiatiques victimes de la hausse des « tariffs ». Parmi celles-ci, des géants de la tech, mais pas seulement. Les élus du Congrès ont le droit de spéculer en Bourse, à condition de rendre public leurs opérations dans les 30 jours qui suivent. Ce que l’élue républicaine a fait, révélant les noms des groupes dont elle avait fait acheter les titres : Amazon, Apple, Devon Energy, FedEx, Home Depot, Merck & Co, Nike, etc.

Des bons du Trésor aux actions high-tech

Qui plus est, Marjorie Taylor Greene avait vendu entre 50 000 et 100 000 dollars de bons du Trésor américain, selon le New York Times, au moment où les rendements obligataires augmentaient. Or, c’est cette hausse des taux d’intérêt, due à ces ventes massives de détenteurs de la dette américaine, qui a sans doute contraint le président des États-Unis à un spectaculaire revirement. L’élue nationaliste a donc joué contre son pays et la politique de son président vénéré… Le 9 avril, sur sa plateforme Truth Social, Donald Trump annonce, pour 90 jours, une suspension des hausses de droits de douane, à l’exception de la Chine. Du coup, Wall Street s’envole. Or, Marjorie Taylor Greene a investi, entre autres, dans Palantir Technologies Inc., spécialisée dans le développement et la commercialisation de plateformes logicielles. L’action a bondi de 19 %. Elle a aussi acquis des titres de Advanced Micro Devices, fabricant de microprocesseurs. Le titre prend cette fois 21 %.

Une série d’opérations opportunistes

Ce ne sont que quelques exemples des gains rapidement engrangés par l’élue républicaine, qui a en tout opéré 21 transactions dans une fourchette entre 1 001 et 15 000 dollars chacune, toutes plus profitables les unes que les autres. D’autres élus républicains sont soupçonnés, dans d’autres occasions. Tel Rob Bresnahan, représentant de la Pennsylvanie, qui a très opportunément vendu pour 50 000 dollars d’actions du géant chinois du e-commerce Alibaba, le 4 mars, jour où Donald Trump a doublé les droits de douane sur les importations chinoises.

Silence républicain, colère démocrate

Devant ces signes divers de malversations dans le camp trumpiste, les Démocrates ont sauté sur l’occasion. Marjorie Taylor Greene a bien essayé de se défendre en expliquant que c’était son conseiller financier qui s’était occupé de ces opérations. Ce qui n’a convaincu personne, parce qu’elle s’est elle-même vantée de sa proximité avec le président Trump et qu’elle a parfaitement pu être informée de son revirement.

Hakeem Jeffries, leader des représentants démocrates, l’a accusée de « corruption flagrante ». Il a demandé l’ouverture d’une enquête parlementaire. D’autres élus réclament une relance du projet de loi visant à interdire toute activité boursière aux membres du Congrès en exercice. Jusqu’ici, comme par hasard, les Républicains ont bloqué le texte.

Un gendarme boursier peu pressé

Les Démocrates avaient demandé, après le 9 avril, une enquête de la Securities and Exchange Commission (SEC), qui a paru possible dans un premier temps. Mais c’était oublier que le président du gendarme boursier, Paul S. Atkins, venait d’être nommé par Trump et qu’il semble peu soucieux de se lancer dans ces investigations. Pourtant, les sénateurs démocrates Adam Schiff (Californie) et Ruben Gallego (Arizona) lui ont écrit pour réclamer son intervention. Ils notent dans leur courrier : « Il est inacceptable que, pendant que les familles américaines s’inquiètent pour leur sécurité financière dans une crise provoquée par le président, certains aient pu profiter activement de la volatilité des marchés. »

Une candidature plombée

Il n’est pas sûr que l’appât du gain de Marjorie Taylor Greene ait rendu service à son camp. Cette affaire, déjà une polémique nationale, pourrait devenir un scandale. Elle n’améliore pas ses chances pour les postes de sénatrice ou de gouverneure qu’elle brigue. Cette extrémiste a d’ailleurs un lourd passé de violences verbales et de menaces physiques diverses ( voir portrait ) . Elle est, au Congrès, considérée comme une complotiste raciste. Elle s’est encore récemment distinguée par son intolérance lorsqu’elle a fait expulser manu militari, lors d’une réunion publique, des manifestants venus contester ses propos. Les images de ses opposants immobilisés à coups de taser, maintenus au sol par des policiers, ont fait le tour de l’Amérique, renforçant l’idée d’un trumpisme ne tolérant pas la moindre opposition. Une vision antidémocratique du débat public qui s’ajoute à l’incompétence… et désormais à la corruption


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