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Déstabilisation : comment un livre de fake news veut salir Brigitte Macron

publié le 08/03/2025 par Pierre Feydel

Un livre, rédigé par des complotistes et accueilli avec complaisance par Amazon, connait un gros succès. La thèse, la femme-transgenre du président, apparait comme une opération de déstabilisation

En tête des ventes

« Devenir Brigitte » est l’un des livres les mieux vendus par Amazon aujourd’hui en France. Écrit par un journaliste d’investigation, Xavier Poussard, semble-t-il peu soucieux de la véracité de ses sources, grand dénonciateur de turpitudes du pouvoir pas toujours prouvées, l’ouvrage se prétend une enquête sur Brigitte Macron. En réalité, il délaye l’information selon laquelle l’épouse du président de la République serait une femme transgenre. La fake news – fausse information – a déjà fait des ravages sur YouTube, diffusée en plusieurs épisodes de plus en plus délirants. Pour résumer, Brigitte Macron, née Trogneux, serait en réalité son frère Jean-Michel. Elle n’aurait, bien sûr, jamais eu d’enfants, participerait à des activités pédophiles, pratiquerait l’inceste avec son fils devenu son mari, etc.

Une fable condamnée en justice, mais toujours des millions de vues

Cette fable ignominieuse a déjà valu, à cause d’une interview sur YouTube, une sévère peine pour diffamation à deux Françaises complotistes. Puis, elle a circulé sous forme de vidéos sur les réseaux sociaux, agrémentée de considérations les plus folles. Ces vidéos, en plusieurs épisodes, ont fait des millions de vues. Elles sont cette fois l’œuvre de Candace Owens, complotiste américaine très proche de Trump, pour qui les dinosaures n’ont jamais existé et le réchauffement climatique est une fable. Elle coche toutes les cases, y compris les plus délirantes, de l’extrême droite américaine. Elle a préfacé le livre de Xavier Poussard, auquel elle a visiblement fourni l’ensemble de la matière.

Candace Owens- Jason Davis/Getty Images

A quoi joue Amazon ?

La vraie question est : à quoi joue Amazon ? Le géant du e-commerce se vante du succès de l’ouvrage, classé parmi les meilleures ventes depuis sa publication le 21 février, tout en se refusant à donner le moindre chiffre. Il se justifie en assurant que : « en tant que libraire, nous donnons accès à un ensemble varié de points de vue ». Sauf qu’il s’agit de bien autre chose qu’un point de vue. Or, les règles de l’entreprise sur le contenu des livres pouvant être mis en vente interdisent « les propos haineux qui encouragent la maltraitance ou l’exploitation sexuelle des enfants, qui contiennent de la pornographie, qui font l’apologie du viol ou de la pédophilie, qui prônent le terrorisme ou tout autre contenu que nous jugeons inapproprié ou insultant ».

Une fake news reprise par les médias officies turcs et russes

Donc, « Devenir Brigitte » n’est pas, pour Amazon, un contenu « inapproprié ou insultant » à l’égard de Brigitte Macron. Les explications parfaitement hypocrites d’Amazon qui, par ailleurs, publie plusieurs livres complotistes à succès autour du Covid ou du climat ne valent pas grand-chose. Seul le profit compte. Jeff Bezos, rallié à Trump, est sans doute très opposé aux limites que l’Europe veut mettre aux contenus des réseaux sociaux. Certains imaginent même une campagne de désinformation américaine. Il est vrai que les initiatives européennes d’Emmanuel Macron dérangent le jeu américano-russe. Ce qui est en tout cas certain, c’est que la fake news sur Brigitte Macron est reprise par les médias officiels en Turquie et en Russie.

Une campagne de désinformation. Russe ? Américaine ? Ou les deux …

Rumeurs, tweets, révélations « explosives », contre-vérités, démentis, indignation, condamnations…Tout est bon pour alimenter une fake news qui fait profit de tout. Plus de 400 000 tweets ont fait de la publicité à cette histoire. Ces messages sont postés en France, aux États-Unis, en Russie et au Canada. Ils proviennent de faux comptes. Thomas Huchon, journaliste spécialisé dans la dénonciation des fake news, interrogé par France Inter, explique : « Sur les 100 comptes les plus partagés de cette histoire, on trouve des comptes qui n’existaient pas avant, qui ont été créés pour cette opération, qui publient des messages 500 à 600 fois. »

Ce qui est forcément l’œuvre d’une machine et non d’un individu. À l’évidence, il s’agit bien d’une opération de déstabilisation à l’encontre de la France. Américaine, russe, ou les deux ?

Lire aussi : « Candace Owens, une complotiste au service de Trump« 


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