Candace Owens, une complotiste au service de Trump
Jeune, noire, conservatrice et sans scrupules, elle a produit une vidéo délirante qui calomnie Brigitte Macron

Elle court, elle court, la rumeur
C’est une vidéo qui traîne sur les réseaux sociaux. Elle est diffusée depuis le 31 janvier et se veut infamante. Une de plus, qui n’aurait que peu d’intérêt si sa cible n’était pas Brigitte Macron. Elle prétend révéler, « fake news » pas très nouvelle, que la femme du président de la République française serait une créature transgenre. Le bruit, malsain, court depuis longtemps. L’Élysée la traite par le plus complet mépris, même si le président de la République a, un temps, publiquement fait état de son indignation. Le 4 février, la vidéo qui la propage avait été vue trois millions de fois sur YouTube. Pendant 40 minutes, le document raconte que Brigitte Macron est née Jean-Michel Trogneux — le nom de son frère. Elle aurait changé de sexe, n’aurait jamais eu d’enfants, etc. Le discours se généralise ensuite sur la pédophilie des dirigeants et leurs réseaux. Une théorie complotiste américaine véhiculée par la mouvance d’extrême-droite QAnon.
Trois millions de fois de vue pour sa vidéo intitulée « Becoming Brigitte »
Déjà, une prétendue journaliste indépendante et une soi-disant médium françaises ont été condamnées pour diffamation. Au cours d’une interview de quatre heures sur YouTube, il y a trois ans, Amandine Roy et Natacha Rey s’étaient scandalisées de l’improbable changement de genre de Brigitte Macron. Elles ont été condamnées pour diffamation en juin dernier à 500 euros d’amende avec sursis, 8 000 euros de dommages et intérêts à l’épouse du président de la République, et 5 000 à son frère. Mais cette fois, l’autrice de la vidéo intitulée « Becoming Brigitte » (Devenir Brigitte) semble hors de portée de la justice française. Elle est citoyenne des États-Unis. Sa position dans la galaxie trumpiste, aujourd’hui au pouvoir, rend la publication de sa vidéo d’autant plus menaçante.
Créatrice de sites, « youtubeuse », productrice d’émissions…
Candace Owens est une Afro-Américaine née dans le Connecticut il y a 35 ans. Au lycée, elle reçoit des appels racistes blessants et menaçants lancés par le fils du gouverneur démocrate de l’État. Ses parents attaquent le conseil scolaire de la ville, qui n’a pas protégé leur fille. Elle reçoit 37 000 dollars d’indemnités. Beaucoup plus tard, voulant créer un site qui dévoile l’identité des harceleurs, elle provoquera une polémique à propos de l’anonymat sur Internet. Entre-temps, après avoir étudié le journalisme sans finir son cursus et cherché sa voie, elle s’affirme comme une commentatrice politique, créatrice de sites, « youtubeuse », productrice d’émissions, etc. Mais surtout, bien qu’elle soit une femme noire, victime de racisme dans sa jeunesse, elle a rallié le trumpisme avec enthousiasme. Il est vrai que, du coup, sa présence démentirait les accusations faites au trumpisme de machisme et de sexisme.
Black Lives Matter.. « bambins pleurnichards, faisant semblant d’être opprimés pour attirer l’attention »
Candace Owens coche toutes les cases de l’extrême-droite américaine. En 2019, elle déclare que le suprémacisme blanc n’est pas un danger pour les minorités. Elle préfère dénoncer l’avortement, l’immigration clandestine, les attaques contre la masculinité. La même année à Paris, elle est invitée à la « Convention des droites » organisée par des proches de Marion Maréchal. Elle veut faire passer les démocrates pour des communistes, comme Trump. Mais elle s’est distinguée dans sa critique du mouvement Black Lives Matter en 2020, particulièrement virulent après la mort de George Floyd, un Noir décédé à la suite de son interpellation par des policiers de Minneapolis. La polémiste accuse ceux qui se mobilisent contre les violences policières « de bambins pleurnichards, faisant semblant d’être opprimés pour attirer l’attention ».
L’avortement serait « un outil d’extermination des bébés noirs »
Selon elle, les Afro-Américains ont « une mentalité de victimes ». Elle qualifie d’ailleurs le Ku Klux Klan d’organisation terroriste démocrate. Bien sûr, dans ses nombreuses interventions publiques, on a droit à toutes les outrances : l’avortement serait « un outil d’extermination des bébés noirs ». Le mouvement Me Too est, pour elle, fondé sur l’idée que « les femmes sont stupides, faibles et sans importance ». Et si elle soutient le mariage homosexuel, elle souhaite que les transgenres qui veulent se faire opérer soient chassés de l’armée. Elle prédit que l’Europe sera un continent à majorité musulmane avant 2050 et, dans la guerre en Ukraine, a pris fait et cause pour la Russie. Bien entendu, le réchauffement climatique n’existe pas, et les dinosaures n’ont jamais existé non plus, pour celle qui répand la plupart des thèses complotistes. Ce florilège adhère parfaitement à la plupart des discours de Donald Trump ou de son entourage. La vidéo sur Brigitte Macron incite même certains à penser qu’elle aurait pour mission d’introduire en Europe les débats délétères qui animent la vie publique de l’autre côté de l’Atlantique. Nos démocraties n’ont vraiment pas besoin de ça…
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