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Echanges commerciaux: le retour de la guerre froide

publié le 31/05/2025 par Jean paul de Gaudemar

Ce n’est pas la guerre mondiale, mais cela commence à y ressembler, avec la mort progressive des échanges internationaux qui ont réglé bien des conflits

Le retour triomphal des égoïsmes nationaux

Déjà, avec le premier mandat de Trump, on avait vu s’affirmer certaines tendances du commerce international, notamment à travers les rapports de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui montraient comment les flux d’échanges internationaux se concentraient entre les pays de zones politiquement proches, comme si le marché affichait brutalement des préférences idéologiques.

Outre la paralysie de la Banque mondiale, du FMI ou de l’OMC, le plus frappant reste l’impuissance de l’ONU à dénouer efficacement les principaux conflits de la planète. Au même moment où le camp occidental laisse entrevoir quelques fractures profondes, d’autres blocs se forment pour en contester la domination. Le plus important aujourd’hui est probablement celui des BRICS, conduit par la Chine, avec l’ambition de regrouper tous les pays non alignés, parfois assimilé à un grand Sud virtuel. Le multilatéralisme heureux de l’après-Seconde Guerre mondiale semble donc avoir vécu.

Le modèle Trump : deals et rapports de force

Le deuxième mandat de Trump accentue fortement cette tendance. La doctrine Trump place les États-Unis au centre du monde et ne conçoit les relations que sous la forme d’un « deal » et d’un rapport de force. Ces brutales augmentations de droits de douane ne sont qu’un outil pour forcer les autres pays à venir directement négocier avec les États-Unis. Plus besoin de ces intermédiaires — les institutions internationales — qu’implique tout multilatéralisme.

Tous les pays sont forcés de revenir à la table : les plus faibles comme des vassaux suppliants, les autres, plus rétifs, en plein rapport de force. Même la Chine est venue à la table, après une escalade réciproque frisant le conflit ouvert.
Dans ce paysage désespérant, le retour des égoïsmes nationaux ne profitera qu’aux plus forts.

L’Afrique en première ligne

Le continent africain ne peut faire exception, tant les coups ont été rudes : instauration de droits de douane d’un minimum de 10 % pour tous, beaucoup plus élevés pour nombre de pays, parfois même extravagants ; très probable fin de l’accord de libre-échange avec les États-Unis (AGOA) ; fin des aides apportées par l’USAID ; fin de la contribution apportée au Fonds d’aide au développement (FAD) de la Banque africaine de développement (BAD)… Toutes ces aides au développement africain — des centaines de millions de dollars perdus — obligent les pays à repenser leurs stratégies. Surtout si l’on ajoute à cela le nouveau retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le changement climatique, prévu lors de la dernière COP en 2024.

« Cesser de tendre la sébile » ?

Mais entre les nombreux conflits existants, les échéances politiques permanentes, le poids des dettes accumulées, les fragilités de la plupart des économies nationales ou encore l’inefficacité de l’Union africaine, le défi paraît bien lourd à relever. Une tribune récente d’Aurélie M’Bida, dans Jeune Afrique (5 mai 2025) suggérait aux États africains de cesser de « tendre la sébile » aux pays donateurs. De fait, le scénario le plus probable est celui d’un recours accru aux puissances alternatives, dont celles que représentent les BRICS, Chine et Russie en tête, déjà bien en place en Afrique.

Il en résultera un accroissement des tensions, pouvant livrer plus que jamais l’Afrique à la nouvelle guerre mondiale. Encore froide, pour l’instant.


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