Édito: Les deux séparatismes, par Laurent Joffrin.
« Proclamer que tous les musulmans sont attaqués quand on critique l’islam radical, c’est justement pratiquer l’amalgame que la gauche dénonce quand la droite et l’extrême-droite s’y adonnent. On croit combattre l’adversaire ; on le sert. «
Il est une mauvaise manière de critiquer le discours d’Emmanuel Macron sur le séparatisme islamiste : l’accuser de « stigmatiser » les musulmans, comme on le fait dans une partie de la gauche, notamment dans la gauche radicale.
Outre que ce reproche est factuellement faux – le président a bien établi une distinction nette entre les courants islamistes et la masse des musulmans – il est du devoir de tous les républicains de dénoncer les entreprises de l’islam politique et radical – Frères musulmans et salafistes – contre les valeurs de liberté, d’égalité ou de laïcité qui unissent les Français.
Proclamer que tous les musulmans sont attaqués quand on critique l’islam radical, c’est justement pratiquer l’amalgame que la gauche dénonce quand la droite et l’extrême-droite s’y adonnent. On croit combattre l’adversaire ; on le sert.
Mieux contrôler les associations infiltrées ou créées par les islamistes, arracher les jeunes enfants à un enseignement obscurantiste dispensé par des écoles plus ou moins clandestines, étendre le principe de neutralité aux entreprises remplissant des missions de service public : ces mesures auraient dû figurer depuis longtemps dans les programmes de la gauche.
Et même d’autres, destinées à aider les professeurs en butte à la contestation des programmes émanant de milieux intégristes ou à assurer le respect des règlements d’hygiène et la mixité hommes-femmes dans les piscines publiques.
Non, la vraie critique porte sur la faiblesse de l’autre volet du discours : la lutte contre le séparatisme social, selon les termes d’Emmanuel Macron, qui facilite tant le séparatisme islamiste. Celui-ci provient de l’action patiente et concertée de groupes islamistes, certes. Mais comment ne pas voir que la multiplication des cités-ghettos, la détresse sociale et psychologique de quartiers entiers, la discrimination à l’emploi au logement, leur fournit un argumentaire redoutable, autant qu’un bassin de recrutement tout trouvé ?
Le dédoublement des classes ou bien la création de nouvelles « cités éducatives » vont dans le bon sens. Mais ce sont de maigres remèdes au regard de l’ampleur du mal. Quand on écarte d’un revers de main le « plan Borloo », on alimente les entreprises qu’on est censé combattre. Quand on accepte de factola non mixité à l’école ou qu’on reste inerte face à la non-application de la loi SRU, qui prévoit la construction de logements HLM dans toutes les communes de manière à éviter la concentration des classes pauvres dans les mêmes quartiers, on favorise les causes du phénomène dont on déplore les effets.
Culture de l’excuse ? Fuite dans le social pour éviter une question qui fâche à gauche ? En aucune manière. On le répète : l’offensive islamiste doit être combattue directement, sans faiblesse ni complaisance. Mais on n’arrivera à rien sans une action en profondeur qui s’attaque aux racines des choses. Un séparatisme favorise l’autre. Pour éliminer les symptômes, il faut aussi soigner la maladie.
Le président des très très riches
C’est le boulet du président. Un boulet de plus en plus lourd…. Ôtant du champ de l’impôt sur la fortune les actifs financiers pour se concentrer sur l’immobilier, le gouvernement avait promis de procéder à une évaluation annuelle des effets de la réforme. Chose promise, chose due… et dure.
Publié sous la responsabilité de France Stratégie, aréopage officiel et honnête à la fois, le deuxième rapport d’évaluation montre que les principaux bénéficiaires du nouvel ISF (devenu IFI) et de la « flat tax » instaurée en faveur des revenus du capital, sont les 0,1% des contribuables les plus fortunés. Les dividendes qui leur sont échus ont augmenté de 60% (14,3 milliards en 2017, 23,2 en 2018) et leur revenu global – principalement à cause de la hausse de ces dividendes – progresse beaucoup plus rapidement que celle de tout un chacun.
Dans une formule qui avait fait mouche, un ancien président avait qualifié l’actuel de « président des très riches ». Il se trompait : Emmanuel Macron est le président des très très riches. La chose est d’ailleurs corroborée par une autre étude qui montre que les inégalités de revenu ont crû depuis le début du quinquennat alors qu’elles avaient diminué lors du précédent.
En cause la suppression des aides aux logement et le gel des retraites.Résultat, la pauvreté atteint 14,8 % de la population, son niveau le plus haut depuis 1996, date à laquelle commence la série statistique de l’Insee.Libéralisme, quand tu nous tiens…
Cette fleur offerte aux très très hauts revenus a-t-elle bénéficié à l’économie nationale ? A vrai dire, France Stratégie n’en sait rien, comme le confessent ingénument les auteurs de l’évaluation. Y a-t-il eu « ruissellement », selon les canons de l’économie orthodoxe ?
Il reste en tout cas invisible aux statisticiens et aux économistes, qui ne peuvent pas plus conclure sur les effets (en principe inverses), de l’alourdissement de la fiscalité des plus riches en 2012 et 2013. Autrement dit, c’est affaire de dogme, de foi ou de préjugés.
Ceux du gouvernement ne sont pas douteux. Persistant et signant, pour lutter contre la récession née du confinement sanitaire, il a fortement diminué les « impôts de production » qui touchaient les entreprises.
La taxe d’habitation sera supprimée pour tous, y compris les 20 % les plus riches, qui capteront à eux seuls 44,6 % des 17,6 milliards amputés du budget de l’Etat.Dans le 16e arrondissement de Paris les près de 72 % des foyers qui ne devaient pas bénéficier de la suppression économiseront 77,6 millions d’euros.Il a aussi averti l’opinion qu’il ne toucherait pas à la réforme de l’ISF, au nom de la stabilité fiscale, quoi que puisse en dire France Stratégie. En d’autres termes, on publie une évaluation, ce qui est un bon point, mais on n’en tient aucun compte. Comme ceux des religions révélées, les dogmes ne se discutent pas…
Pourtant, au moment où s’accumulent les dettes colossales qui découlent de la crise du coronavirus, les plus aisés de nos concitoyens auraient-ils vraiment rechigné à apporter leur écot aux sacrifices communs ? La question ne sera pas posée. En même temps (selon la formule consacrée) la grande pauvreté a fortement progressé en France à la suite de la chute de la croissance.
Cette fois le gouvernement n’est pas le principal coupable : le coronavirus en est la première cause. La coïncidence est néanmoins fâcheuse. Les uns pâtissent de la crise, les autres non. Pour résumer le tout, sous Macron, les pauvres s’appauvrissent et les riches s’enrichissent.
En même temps…
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