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Edito: « Lettre à un(e) ami(e) » par Jean Paul Mari

publié le 06/05/2016 par Jean-Paul Mari

Je ne sais pas toi mais moi en ce moment j’ai du mal à écouter les informations. Encore un naufrage. Encore un bateau qui coule, un vieux chalutier, une embarcation de caoutchouc. Des dizaines, des centaines de personnes noyées, les survivants dans un état épouvantable, des hommes, des femmes, des enfants, même des bébés…quelle folie !

Ce qui me gêne, vois-tu, c’est pas seulement le drame, c’est la répétition, depuis des mois, des années, chaque printemps, chaque été et même l’hiver maintenant. Quel désespoir il faut pour partir en plein hiver…
Et puis, j’ail lu et écouté les témoignages des rescapés, ce qu’ils racontent est terrible, ce qu’ils ont vécu chez eux, la guerre, la sécheresse, la peur, la maladie, en Asie, au Moyen-Orient ou en Afrique, et dans les pays qu’ils ont traversés. Tu as vu la Libye, un enfer. Je ne savais pas.

Oui, j’ai du mal à supporter tout cela. J’en ai eu assez de répéter « Ah ! C’est terrible…mais que faire ? » D’autant que les réponses et les arguments donnés par l’Europe et nos politiques ne me semblent pas évidents. À la longue, pour tout te dire, je n’en pouvais plus.

Et puis j’ai découvert une association qui a lancé un SOS en Méditerranée qui tient un discours simple. Oui, c’est terrible mais on peut faire quelque chose. Quoi ? Eh bien! Les empêcher de se noyer. Comment ? En mettant un bateau sur l’eau pour le secourir. Un gros bateau, près de cent mètres de long, avec des canots de sauvetage, des gilets de sauvetage, des médecins, une clinique, des marins compétents pour patrouiller face aux côtes africaines. C’est une sorte de SAMU de la mer.

Qui sont ces gens ? Ce ne sont pas des fonctionnaires ou des militaires, pas des aventuriers utopistes. Même pas des membres de grandes ONG. Je me demandais « Alors qui ? ». Et là, j’ai découvert des gens comme toi et moi, des citoyens ordinaires, Français, Allemands, Italiens qui, oui comme moi et toi j’en suis sûr, ne supportent plus de rester là, inertes, impuissants, à jouer les petits comptables de la mort. Alors ils sont réunis, groupés, mobilisés, ont demandé de l’argent aux autres citoyens d’Europe…et ça a marché !

La preuve ? Moi aussi je verse mon obole, quelques dizaines d’euros pour un gilet de sauvetage, une heure de canot, quelques centaines si on en a les moyens pour tout un kit de sauvetage, du fuel pour le bateau, de la nourriture pour les réfugiés. Et cela m’a fait du bien.
Oh ! je sais bien que ce n’est pas la solution-miracle – mais y-en-a-t-il une ? –mais au moins j’agis !

Pourtant, cela ne m’a pas suffi. L’envie m’a pris d’en parler à ceux que j’aime et j’estime. Tous ceux qui pensent comme moi et se taisent. Et qui écoutent, navrés et honteux, les discours hostiles, racistes, in-humains, les laissent envahir notre espace, comme si c’était l’opinion générale. Mais non, non, nous ne sommes pas comme cela, nous les Européens, les Français, toi, moi, n’est-ce pas ?

Alors, voilà, j’ai eu envie de t’écrire, pour te dire qu’on peut parler de tout ça, qu’on peut agir. En un mot, j’aimerais que tu me rejoignes, que tu nous rejoignes, pour qu’on fasse encore une fois un bout de chemin ensemble.

Ça te dit ?

Affectueusement,

JPM


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