Enquête: la galère des pigistes correspondants à l’étranger.
Ils sont des centaines. La couverture de terrain de l’actualité internationale de nos médias français repose en grande partie sur eux. Mais qui sait que derrière « de notre correspondant.e à » Sao Paulo, Berlin, Moscou ou Kaboul, se trouvent en grande majorité des journalistes français précaires, mal payés, mal protégés, mal considérés par leurs propres rédactions ? Qui sait qu’en quittant le sol français, ils s’exposent à d’immenses difficultés administratives, qu’ils doivent gérer seuls, la plupart du temps ?
Ils nous informent au prix de leurs propres droits
ENQUÊTE CFDT SUR LES JOURNALISTES PIGISTES CORRESPONDANTS À L’ÉTRANGER DE MÉDIAS FRANÇAIS
Les deux tiers gagnent au mieux le Smic, tous revenus confondus.
Seuls 20 % gagnent suffisamment pour s’ouvrir des droits en cas de maladie ou de maternité (il faut minimum 20 000€ brut/an) et même s’ils l’atteignent, ils n’y ont pas légalement droit car ne résident pas en France.
43 % vivent dans un pays en guerre, violent, sans liberté d’expression, ou en proie aux catastrophes naturelles.
44 % ne sont pas prévenus quand un journaliste du siège débarque dans leur pays
Dernièrement, de grands médias ont commencé à faire sortir du salariat leurs pigistes à l’étranger, s’appuyant sur le fait que la loi Cressard – le salariat est le seul mode de rémunération possible pour les journalistes -ne s’appliquerait pas quand le collaborateur n’est pas physiquement présent sur le sol français.
La CFDT-Journalistes estime qu’il est du devoir des institutions et des employeurs français d’offrir des solutions pour qu’il n’y ait pas d’inégalité de traitement entre pigistes en France et à l’étranger, ni entre correspondants mensualisés et correspondants à la pige. Tous doivent bénéficier d’un statut leur permettant d’exercer leurs missions sans la crainte du lendemain.
Faut-il modifier la loi ? Quels leviers les employeurs peuvent-ils utiliser pour mieux prendre en compte leurs besoins ? Un vaste chantier doit s’ouvrir, avec tous les partenaires sociaux, les ministères, les entreprises de presse. Avant de nous engager dans ce travail, nous avons voulu établir un état des lieux.
Du 18 février au 1er avril 2019, nous avons mené une enquête via un formulaire en ligne. 135 répondants, presque tous français, aux trois quarts des femmes, et majoritairement expérimentés, ont répondu, preuve d’un réel besoin de s’exprimer voire d’une véritable colère pour beaucoup. Nous leurs sommes vivement reconnaissants pour leur implication.
La CFDT-Journalistes et son pôle pigistes en ont tiré un rapport de plus de 50 pages, à lire en ligne (avec une synthèse des principaux points en ouverture). Le pôle pigistes de la CFDT-Journalistes est un groupe de journalistes rémunérés à la pige adhérents à la CFDT. Parmi eux, de plus en plus de correspondants à l’étranger. Cette étude a été pensée, rédigée, analysée par eux. Et ils comptent bien s’impliquer activement dans l’élaboration de solutions pour qu’informer ne se fasse plus au prix de leurs propres droits.
TOUS DROITS RESERVES