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Entre guerre : Yan Morvan au Salon de la photo

Photos publié le 08/11/2019 | par grands-reporters

Depuis 45 ans Yan Morvan photographie les rébellions : la jeunesse, les luttes identitaires, les conflits armés. En plus de la guerre, le photographe montre aussi une vision sociétale de l’humanité à travers les bouleversements qui l’animent.


 

Son solo show à la Galerie Sit Down présente des tirages pour la plupart vintage, de ses séries célèbres :le Bangkok des années 80 faisant écho au livre des éditions NOEVE, les Gangs et les Blousons noirs parisiens des années 1970 et 1980, les Punks anglais et les indépendantistes irlandais des années Thatcher, son travail réalisé à la chambre grand format sur la guerre du Liban réalisé entre 1982 et 1985 et enfin une sélection de cibachromes extraits de sa série « Champs de Bataille » également réalisés à la chambre.

Travail au long cours ou le photographe a parcouru le monde sur les lieux des grands affrontements ou la nature reprend toujours ses droits.

PARIS PHOTO 2019 – du 7 au 11 Novembre
STAND D38
SOLO SHOW YAN MORVAN

« ENTRE GUERRE »

Critique, par Magali Jauffret.

Dès les années 1970, l’engagement total de Yan Morvan dans le témoignage social révèle son exceptionnelle présence au monde. Dans le feu de l’action, il travaille à l’instinct, en prise directe, au flash, sans être sidéré, même s’il reconnaîtra, bien plus tard, que “l’enfer lui est passé dessus“.

Yan Morvan, imprégné des lectures de Shakespeare, Kafka et Hérodote, documente l’âge d’or de la culture pop, mais aussi le phénomène des tribus urbaines, le début du malaise social né du déracinement. “Je sentais, dit-il, qu’il s’agissait là des signes avant-coureurs du chaos urbain et de la désintégration sociale à laquelle nous assistons aujourd’hui “.

Cette façon, si contemporaine, de contextualiser l’action, de documenter le hors champs, passant du noir et blanc à la couleur, intégrant émotion et poésie, est rare. La presse française et internationale ne s’y trompe pas et publie alors les images de ce photographe majeur de la scène française.

Dès ses débuts, il couvre tout le champ de la photographie, des guerres (Irlande du Nord, Iran/Irak, Liban, Rwanda, Kosovo…) au portrait, au paysage, au document. Transcendant les frontières entre genres, dynamitant tabous et interdits, il est à l’aise auprès des gens de conviction, qu’ils se trouvent dans le lumpen, ou chez les riches, qu’ils soient victimes de guerre ou accidentés de la route, punks anglais ou Thatcheristes. Il utilise toutes les techniques à sa disposition, du noir et blanc argentique au splendide cibachrome couleur, du Leica 24 x 36 à la chambre Deardorff.

On le constate dans ses tirages ici présentés, tous vintages, tous exceptionnels, comme celui, grand et magnifique, au platine, sur les obsèques de Bobby Sands. Parfois, ils sont même non reproductibles, le négatif ayant été perdu comme ce cibachrome de 1997, réalisé sur la ligne verte dévastée de Beyrouth. Dès ses débuts, Yan Morvan a le souci du tirage et fait appel aux maîtres de cette discipline. Aujourd’hui, ces raretés, tirées parfois sur des papiers et avec des chimies disparues, sont des trésors patrimoniaux, comme le deviendront ses photos récentes de paysages de champs de bataille de la grande Histoire, retrouvés à travers continents et époques et qui s’adressent à nos consciences.

Magali Jauffret

 

 

Tout savoir dans le détail…

• Série Blousons noirs

Blousons noirs est la première série de Yan Morvan, réalisée il y a quarante ans.
Avec les années cinquante, Paris et sa banlieue voient apparaître les “Blousons noirs“, les mauvais garçons se réunissent en bande au son du Rock’n’roll qui débarque en France avec les 45 tours. Cette jeunesse a les yeux tournés vers les Etats-Unis. Leur devise : “vivre vite, mourir jeune, faire un beau cadavre“, un style rockabilly-bikers qui fera peur aux Français jusque dans les années soixante-dix.

Yan Morvan livre avec ce travail initial une œuvre documentaire, un témoignage dont il est le premier à révéler un aspect de la société française en marge.
Reconnu par le milieu journalistique pour son audace et son indépendance, il a choisi de photographier cette jeunesse au plus près de la réalité, sans prise de position ou de jugement. Une immersion qui se fait au fil des rencontres du photographe qui n’hésite pas non plus à se mettre en danger, captant ainsi les tensions et les rivalités qui s’exercent au sein des bandes. Avec ces documents rares, la série Blousons noirs reste un témoignage sociologique de référence.

 

• Série Anarchie au Royaume-Uni
Les négatifs de cette série viennent d’être redécouverts par le photographe. Ils étaient restés chez lui, enfouis dans une boite nommée “Angleterre“ depuis les années quatre-vingt.

Lorsque Yan Morvan débarque pour la première fois à Londres en novembre 1979, il découvre les bandes de Punks à crêtes, de Skinheads nazifiés, de Rude Boys et de Hooligans sur le pied de guerre, de Mods juchés sur leurs scooters. S’offre au regard du photographe un vaste théâtre à ciel ouvert dont les acteurs paraissent sortir d’Orange Mécanique, le grotesque millénariste d’un Jérôme Bosch en plus. Dans les rues, s’égaillent en ribambelles tapageuses des jeunes improductifs qui entendent répondre au désespoir par la vitalité, pour qui l’ennui semble bien pire que la souffrance…
Ces photo révèlent l’essence d’une Angleterre jalouse de ses traditions, de son savoir vivre qui entend recycler à jamais un passé glorieux et une autre qui dans les convulsions de l’une des pires crises de son histoire cherche une raison d’être.
(d’après un texte de Francis Dordor)

Les tirages cibachromes exposés à Paris Photo sont un témoignage précieux et essentiel d’une époque restée dans la mémoire collective comme l’un des âges d’or de la culture Pop.

 

• Série Bobby Sands

Yan Morvan est à l’époque photographe pigiste à l’agence de presse Sipa, une des trois grandes agences de presse photographique parisienne des années 1980. Il a le profil du jeune reporter déterminé risque-tout qui convient à la situation d’émeutes qui règne en Irlande du Nord. Il est alors tout naturellement envoyé sur les affrontements de Londonderry en avril 1981. Il y restera trois semaines et y retournera plusieurs fois pendant cette même année.

“Ces semaines que j’ai vécues à Derry et Belfast, vivant avec les émeutiers de quartiers catholiques, photographiant la tension, le désespoir, la foi et le courage des Irlandais, utilisant l’appareil photographique comme d’une arme servant leur cause, me persuadèrent à tout jamais du bien-fondé du témoignage photographique comme instrument de mémoire, d’émotion, de réflexion, gages d’un monde libre et démocratique “. Yan Morvan

 

 

• Série La ligne verte

De 1982 à 1985, Yan Morvan raconte la guerre du Liban telle qu’il l’a vécue, sans jamais prendre parti ni privilégier un des acteurs de ce drame.

Il restitue le plus fidèlement possible les épisodes marquants de ce conflit majeur. En parallèle, il livre un reportage saisissant réalisé avec sa chambre photographique grand format sur la “ligne verte“ le no-man’s land qui sépare Beyrouth-Est de Beyrouth-Ouest.

Pendant près de quarante-cinq jours Yan Morvan a parcouru cette ligne de désolation du côté ouest. De la montagne juqu’au port, rue après rue, maison après maison, il a rencontré les acteurs de cette veine sanglante et tiré leur portrait avec une chambre photographique 4×5 inches.

Sur le stand seront présentés des tirages cibachromes grand format des années 1990 dont le tirage unique (le négatif ayant disparu) du portrait d’une grande dignité d’Hayat Khorbotli.

 

 

• Série Champs de batailles ( texte de Yan Morvan)

« En 2004, avec une chambre photographique Deardorff 20 × 25, je commençais une série sur les lieux de batailles. Ces lieux racontaient-ils encore l’Histoire ?
Sans céder à l’émotion brute, je voulais m’adresser à la conscience, montrer par des paysages parfois anodins une “géographie” de la démence humaine.

Je recherchais une autre manière de témoigner d’une réflexion sur l’image et de la réalité de la guerre. J’ai commencé à photographier les champs de bataille de France, les plages du débarquement, puis ceux de l’Europe, notre famille qui s’est si souvent déchirée.
J’ai parcouru les champs de bataille d’Europe et de l’océan Pacifique, d’Afrique, d’Amérique, d’Asie. »

Voir plus sur le travail de Yan Morvan sur « Champs de Batailles »

 

 


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