États-Unis vs Chine : une trêve en forme de reddition

Après deux journées de négociation à Genève, les États-Unis et la Chine ont convenu d’une trêve dans la mise en place des nouveaux droits de douane de 90 % décidés unilatéralement par Donald Trump. La hausse des droits ne serait que de 10 %, ce que le milliardaire américain n’a pas manqué de saluer comme étant un «accord commercial historique ». Rien moins…

Victoire ou chemin de Canossa déguisé pour la nouvelle administration américaine ? Le monde a plutôt tendance à penser qu’il s’agit d’une reculade pour les Américains, au point que The Guardian titre « Le jour de la capitulation ». Pour Lawrence Summers, ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton, « la Chine n’a fait aucune concession » et sa politique d’élévation au rang de puissance mondiale peut se poursuivre pacifiquement. Ce qui est en passe d’être achevé : Pékin dialogue à présent avec Washington sur un pied d’égalité.

« Le plus grand vol de l’histoire »

Car la Chine de 2025 n’est pas celle de 2017. Xi Jinping a organisé une réorganisation du commerce extérieur chinois afin de maximiser le découplage avec l’économie américaine. Celui-ci était également au centre des promesses électorales de Donald Trump, qui désignait la relation commerciale entre les deux pays comme étant « le plus grand vol de l’histoire ». Cette politique a également été celle de Joe Biden, qui n’a pas marqué de différences notables avec son prédécesseur : la part des importations provenant de Chine dans le total des importations américaines a chuté de 22 % en 2018 à moins de 14 % en 2023.

Les pays d’Asie de l’Est ne font plus confiance aux États-Unis

Revers. D’un côté, Trump opère un total réalignement de ses prises de position, allant jusqu’à souhaiter se rendre en Chine prochainement ; de l’autre, Pékin continue de profiter du manque de crédibilité que les Américains se sont eux-mêmes infligés. Les pays d’Asie de l’Est, particulièrement ceux de l’ASEAN, ne font plus confiance aux États-Unis.
Le candidat à la présidentielle coréenne Lee Jae-myung, favori de l’élection, ne veut pas d’un accord commercial rapide avec Washington. Yoji Muto, ministre du Commerce japonais, estime que la conclusion d’un accord ne pourrait avoir lieu avant le milieu de l’été. Le Vietnam, pour qui les États-Unis représentent un tiers des échanges totaux, dénonce les demandes américaines d’achats massifs de biens comme « irraisonnables ». Et la date fatidique du 9 juillet, marquant la fin du moratoire sur les droits de douane, approche.

Les USA champions du protectionnisme, la Chine héraut du libre-échange…

Pendant que le ballet des délégations continue à Washington pour plier genou à terre, la Chine réorganise son environnement immédiat : les négociations pour un accord de libre-échange de 15 ans avec l’ASEAN sont en passe d’être conclues. En 2024, la Chine et l’ASEAN ont été les principaux partenaires commerciaux l’un de l’autre pour la cinquième année consécutive, avec un commerce bilatéral en hausse de 7,8 % sur un an, pour atteindre 982,3 milliards de dollars américains. Les États-Unis en champions du protectionnisme et le Parti communiste chinois héraut du libre-échange et du « doux commerce » capitaliste : voilà qui ne manque pas de sel.

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