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Gaza: l’arme de la faim

publié le 29/04/2025 par Pierre Haski

Depuis 59 jours, Israël empêche l’entrée de toute aide humanitaire dans la bande de Gaza, et l’ONU. Un siège médiéval

La justice internationale est saisie. La Cour de justice internationale de La Haye siège depuis hier sur la question de l’aide, le droit international interdisant l’usage de l’arme de la faim. Cela fait 59 jours que pas un camion d’aide humanitaire n’a pu pénétrer la bande de Gaza où vivent plus de deux millions de Palestiniens. Les cris d’alarme se multiplient sur la situation critique dans un territoire soumis dans le même temps à l’intensification de la guerre redémarrée par Israël.

Le Programme alimentaire mondial, qui distribue des repas à des dizaines de milliers de personnes, a épuisé ses réserves, et prévient que « la population est à bout de force ». Elle est « au bord du gouffre », estiment les Nations Unies. Médecins sans frontières déclare de son côté que la bande de Gaza est devenue « une fosse commune » pour les Palestiniens et ceux qui leur viennent en aide.

On peut rejeter ces avertissements, comme le fait Israël, en les considérant comme de la propagande hostile. Mais ça n’enlève rien à la gravité de ce qui se passe, et surtout totalement contraire au droit international humanitaire. Pour dire le droit, la Cour internationale de Justice, une instance des Nations Unies, se réunit depuis hier à La Haye, à la demande de 40 États et d’organisations internationales, pour donner un avis sur les obligations légales d’Israël vis-à-vis de l’aide humanitaire. C’est la Norvège qui a pris cette initiative.


La mère d’Amjed Al-Qanooa, 3 ans, qui souffre de malnutrition sévère, dans le camp de Jabalia, dans le nord de Gaza, le 9 juin 2024. 
Abood Abusalama/AFP/Middle East Images/Getty Images

Israël acceptera-t-il les décisions de la Cour ? Vraisemblablement pas, car le gouvernement israélien a décidé de ne même pas participer aux audiences de la CIJ à La Haye. Mais il reste important de dire le droit dans une situation où la vie et la mort sont en jeu, même si ça n’a pas d’effet immédiat. D’autant que le gouvernement israélien ne cache pas son utilisation de l’arme de la faim pour faire plier le Hamas qui détient toujours des otages. Le ministre de la Défense Israël Katz l’a dit en autant de mots.

Il y a pourtant toutes les chances qu’Israël se fasse rappeler à l’ordre par la Cour de La Haye, car le droit international est clair, sur le refus du châtiment collectif, et sur l’arme alimentaire. Mais c’est un signe de la régression de notre époque que le gouvernement israélien, soutenu par une bonne partie de sa population, et « couvert » par les États-Unis de Trump, s’affranchisse de ces règles. Ces règles, on peut les trouver sur le site du Comité international de la Croix Rouge, l’organisation gardienne des Conventions de Genève de 1949. On peut y lire noir sur blanc cette phrase : « Il est interdit d’utiliser la famine comme méthode de guerre contre la population civile ». Or c’est exactement ce qui se passe à Gaza.

L’histoire de cette notion, rappelée par le CICR, est éclairante. En 1863, le code Lieber, qui était une première tentative de dire le droit de la guerre, stipulait encore -je-cite- qu’« il est légal d’affamer le belligérant ennemi, armé ou non, afin de parvenir plus rapidement à la soumission de l’ennemi ». Mais après la première guerre mondiale, la doctrine change et la famine n’est plus une arme de guerre acceptable. Son interdiction sera inscrite dans les Conventions de Genève, puis dans les statuts de la Cour pénale international en 2002 : « le fait d’affamer délibérément des civils comme méthode de guerre » constitue dès lors un crime de guerre.

Ce qui se passe à Gaza était acceptable en 1863, pas en 2025. L’arme de la faim est d’un autre temps, indéfendable.

Retrouvez les chroniques de Pierre Haski sur France Inter

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