« Gender Gap ». Le fossé électoral américain se creuse
Aux Etats-Unis, les hommes votent plutôt Donald Trump, les femmes plutôt Kamala Harris

Si les hommes ne viennent pas de Mars, ni les femmes de Vénus, peut-être qu’ils en prennent chacun le chemin, dans leur propre fusée. Dans les pays développés, les différences idéologiques entre les deux groupes se creusent. Cette segmentation de l’électorat est particulièrement marquée dans la campagne présidentielle américaine actuelle. Si le genre est devenu un facteur significatif dans le vote dès les années 1980 aux États-Unis, cette influence s’est accentuée depuis l’élection de 2008.
Les raisons sont assez évidentes : la mobilisation pour le droit à l’avortement est devenue un marqueur fort pour les démocrates. La fin de la jurisprudence Roe v. Wade en 2022 faisait suite à des années de prises de parole dans le cadre de #MeToo, mouvement amorcé en 2017, où les débats faisaient rage entre respect de la parole des femmes et accusations contre les hommes. Cet écart de points de vue a encore augmenté, à tel point que de plus en plus de jeunes hommes tournent le dos aux démocrates : la différence avec les femmes qui se déclarent « libérales » est aujourd’hui de 15 points de pourcentage, un record. Par ailleurs, 70 % des électeurs républicains pensent que Kamala Harris rendrait la vie des hommes plus difficile.
Au total, Donald Trump obtient un score supérieur de 11 points de pourcentage chez les hommes par rapport à Kamala Harris. Chez les minorités, l’écart est encore plus grand : 68 % des femmes latinas déclarent vouloir voter pour Kamala Harris, tandis que les hommes sont plus partagés (48 % pour le républicain). Les différences culturelles contribuent probablement à cette tendance : les podcasteurs bodybuildés de droite, comme Joe Rogan, rassemblent une audience majoritairement masculine, comptant plusieurs millions d’auditeurs.
Ou alors, comme le dit la politologue américaine Melissa Deckman dans le Guardian : « ils s’en fichent de la politique ». Un écart de 20 points existe entre les femmes et les hommes qui disent s’intéresser à des sujets importants comme l’inflation ou le climat.
Pourquoi ce désintérêt ? Un constat simple s’impose : depuis le début du siècle, les jeunes femmes réussissent mieux que les jeunes hommes à l’école, elles ont plus de chances d’être en couple, elles vont beaucoup moins en prison et se suicident moins que leurs pairs masculins. En réponse, un contrecoup masculiniste, loin d’être cantonné aux forums obscurs de la droite complotiste, s’est développé.
Les États-Unis ne sont pas la seule démocratie touchée par ce fossé qui se creuse : en Corée du Sud, 66 % des hommes refuseraient d’avoir une féministe comme voisine, collègue ou amie. Lors de la dernière élection présidentielle, le candidat qui avait promis de supprimer le ministère de l’Égalité entre les sexes a été élu par 59 % des jeunes hommes, contre seulement 34 % des jeunes femmes.
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