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Grandes manœuvres en silence

publié le 02/03/2010 par Léonard Vincent

Avec sa promptitude habituelle, le conseil européen a adopté, le 1er mars, une batterie de mesures visant à appliquer – enfin ! – la résolution 1907 du Conseil de sécurité de l’ONU. Trois mois après son adoption, donc, et après avoir laissé amplement le temps aux barons de la dictature érythréenne d’organiser leurs partisans au sein de la diaspora pour les suppléer pendant leur absence… Et de réapprovisionner en argent frais racketté en Europe les caisses d’un régime qui ne tient plus que par la terreur qu’il inspire à tous les Erythréens. Et le chantage à la violence qu’il exerce sur les diplomates occidentaux.

Reclus dans son palais de Massawa, sous la surveillance de deux divisions dont il a pris personnellement le commandement, le président Issaias Afeworki s’enfonce dans sa vision psychédélique du monde. Il a accordé une interview à la chaîne anglophone d’Al-Jazeera la semaine dernière au cours de laquelle, visiblement ivre, il a affirmé n’avoir « que des amis » dans le monde.

Avec son sourire glaçant et enjôleur, il a comme à son habitude, mais avec une morgue supplémentaire, rejeté les questions de la belle journaliste blonde qui l’interrogeait à coups de « ce sont des mensonges » ou de « où sont les preuves ? ». Et confirmant au passage une information intéressante, pour qui s’est déjà confronté à la hauteur de vue des analystes du Quai d’Orsay ou du ministère français de la Défense : la France a demandé l’aide de l’Erythrée pour obtenir la libération de l’agent de la DGSE détenu par les Shabaabs somaliens depuis plusieurs mois.

Mais Issaias n’a pas tort de penser qu’il a quelques solides amis. Début janvier, le guide libyen Mouammar Kadhafi, notamment, a autorisé l’ambassadeur érythréen à Tripoli à faire une tournée des prisons où sont détenus les candidats malheureux à l’exil vers la Sicile ou Malte. Les agents du parti unique érythréen ont ainsi fait, liste noire en mains, une tournée d’inspection dans les centres de détention de Misratah et Shurma, à partir du 2 janvier.

Selon des prisonniers interrogés par les médias érythréens en exil, les détenus qui refusaient de remplir un formulaire d’identification étaient battus. Une fois leur inspection terminée, les agents de l’ambassade ont demandé le placement à l’isolement et la confiscation des maigres biens de soixante-sept fugitifs incarcérés par les Libyens.

Les protestations de quelques ONG et des associations érythréennes en exil ont été vaines. Selon Radio Erena, la station indépendante que mon ami Biniam anime à Paris, douze fugitifs « sensibles », dont deux anciens employés de la Présidence et une poignée d’anciens militaires, ont d’ores et déjà été rapatriés de force en Erythrée, le 2 février.

Ils ont depuis disparu dans le grand camp militaire de Ghedem, près de Massawa, où, dit-on, Issaias a installé son quartier-général et son armée privée, avec son hélicoptère chinois équipé des dernières technologies de navigation.


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