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Léonard Vincent

Né en 1969 près de Paris dans une famille du show-business, dont il se tient méthodiquement à l’écart. En 1981, sa famille s’installe à Los Angeles. Engagé dans le corps des « Cadets » des US Marines, il découvre la photographie, grâce à un vétéran du Viêt-nam qui enseigne le journalisme dans son lycée. A son retour en France, il étudie la philosophie en Sorbonne, sous l’autorité de Robert Misrahi. Après une dizaine de petits boulots (libraire, manutentionnaire, emballeur, metteur en scène de théâtre), il entre comme « homme à tout faire » à TF1 en 1994. Affamé de « terrain », il prend la direction du bureau Afrique de l’organisation Reporters sans frontières en 2004. Aujourd’hui indépendant, il a écrit un livre sur l’Érythrée.

A lire : « Shiftas ». Un roman en Somalie

par Léonard Vincent
Le terme « schifta » désigne en Érythrée, en Éthiopie, en Somalie et dans d'autres pays d'Afrique un bandit, un hors-la loi. Bruno Commandant, cuistot du pétrolier le Baraka, appartenant au Libéria mais battant pavillon des Bahamas se retrouve coincé au port de Mogadiscio suite à une avarie électrique dont personne ne veut payer la réparation.

L’Edito: « Réarmer l’Erythrée ? » par Léonard Vincent

par Léonard Vincent
On va donc bientôt discuter, au Conseil de sécurité de l'ONU, d'une possible levée des sanctions militaro-financières frappant l'Erythrée. Et cette fois, ça bouge. Les rapports du Groupe de contrôle chargé de surveiller leur application sont de plus en plus hésitants, vu l'immense omerta qui prévaut dans la Corne de l'Afrique. Les diplomaties occidentales, frissonnant de trouille devant tous ces visages noirs qui se massent à ses portes, se montrent soudain ouvertes à un assouplissement de leur comportement envers l'enfer d'où il se sont évadés, notamment Asmara. La dictature elle-même s'est bien organisée, faisant croire qu'elle était un régime comme un autre, criminel peut-être, mais bien en place. Le monde moderne, quoi. Considérant cette comédie, les membres du Conseil de sécurité ont des préoccupations bien éloignées des lamentations des prisonniers érythréens. Mais la France disposant d'un siège permanent et d'un veto, elle pourrait faire entendre une voix raisonnable. Laquelle ? Celle d'un point de vue bien informé. Voici ce qu'il pourrait être : premièrement, que le règlement définitif de la question des territoires occupés par l’Éthiopie doit être un préalable à tout mouvement un peu constructif dans le coin ; puis que l'examen d'une levée des sanctions ne saurait être entamé qu'en contrepartie d'une chose, et d'une chose seulement : que l'armée érythréenne cesse d'être utilisée comme un outil de réduction à l'esclavage de la population et, donc, que tous les enfermés des camps de l'infamie soient rendus à leur famille, soignés et respectés ; que le régime érythréen n'ayant jamais cessé de se comporter comme un voyou dans la région, en fomentant la violence en Éthiopie et à Djibouti, mais aussi en servant de piste d'envol à l'aviation émiratie qui meurtrit le Yémen, le retour du ministère de la Défense érythréen sur la liste des acheteurs de matériel de combat n'est à l'évidence pas une avancée sur la voie de la paix. Or cela voudrait dire que le président Issayas Afeworki et son clan mafieux acceptent de se saborder ? J'affirme que ce cruel dilemme est bon, car cela pourrait être l'occasion, enfin, de leur proposer une sortie à la hauteur de l'épuisement de leur peuple. L.V ... Lire la pétition de a communauté Érythréenne

L’Edito: « Les gifles des boxeurs » par Léonard Vincent

par Léonard Vincent
J'étais en charge d'une rédaction le week-end dernier et une tenaille me serrait la gorge. Je savais que, depuis quelques semaines, des centaines de personnes terrorisées étaient de nouveau entassées, sur les plages de Libye, dans des boudins de plastique. On les poussait à la mer après les avoir brutalisé et fait les poches. Je savais qu'une fois au large, comme chaque année, beaucoup se noyaient, parce que leur matelas pneumatique cédait au poids, à l'usure, aux vagues, à leur rafistolage. De rares navires se portaient au secours des survivants. Quant aux morts, je voyais une fois encore que leurs cadavres gonflés commençaient à s'échouer sur les plages d'Afrique. Et puis un chiffre m'est tombé sous les yeux : plus de mille morts en douze jours. Pour le média pour lequel je travaille, j'avais déjà raconté tout cela. L'évasion hors d’Érythrée, la fuite éperdue vers la paix, les camps de concentration en Égypte et en Libye, les naufrages, les héros, l'Italie, Calais... Mais ces histoires illustrées, clamées, n'ont rien changé. Pire : leur répétition a habitué les consciences et lassé les rédactions. Comme ces gifles stimulantes que se donnent les boxeurs avant le combat. Malgré tout, j'ai demandé aux journalistes de la rédaction dont j'avais la charge, une fois de plus, d'appeler untel, d'écrire ceci ou cela. Je suppose que c'est ainsi qu'on maintient allumée les bougies dans les tempêtes : au cas où. Peut-être un jour aura-t-on besoin du feu. Ou d'allumer un incendie.

L’Edito: « Le grand Seyoum » d’Erythrée, par Léonard Vincent.

par Léonard Vincent
J'ai pris l'habitude de l'appeler « le grand Seyoum ». Sans doute parce que ses amis, sa femme et ses petites filles m'ont parlé de sa grande taille, de son visage de pirate, de sa manière de taquiner les timides. Seyoum Tsehaye est un héros. Ecoeuré par les atrocités commises par les Ethiopiens, il monte au maquis à 25 ans, en 1977. Cet ancien élève du lycée français d'Addis-Abéba se bat dans les rangs du Front populaire de libération de l'Erythrée. Quatre ans de front, dans des conditions affreuses. Et puis un jour, puisqu'il rêvait de devenir journaliste, vient l'ordre de se former au maniement de la caméra et de l'appareil photo, pour documenter la guerre. Jusqu'à la libération, il capture en images la lutte un peu folle de ses compagnons en sandales. Un paysan assis sur une bombe non explosée. Une femme fuyant le passage d'un Mig, une casserole sur la tête en guise de casque. Après l'indépendance, il fonde la télévision érythréenne. Mais son ancien camarade Issayas Afeworki, devenu président, s'enfonce dans la paranoïa. Seyoum démissionne. Il rejoint la petite bande de la presse libre et partage leur sort atroce, lors des rafles de septembre 2001 : l'enfermement à l'isolement, quelque part dans les montagnes. On dit qu'il est toujours vivant. C'est à lui, qui enseignait le français et rêvait de Paris, que je pense lorsque j'apprends que l'Union européenne a débloqué en catimiti, vendredi soir, une aide de 200 millions d'euros pour aider le gouvernement érythréen à maintenir sa main sur la gorge de son peuple. L.V

L’EDITO:  » Habtom et ses bourreaux », par Léonard Vincent.

par Léonard Vincent
Notre époque aime les tueries. Hier, dans la gare routière de Beersheba, dans le sud d'Israël, un jeune homme a d'abord abattu un garçon en uniforme avant de se mettre à tirer au hasard dans la foule. Le tueur a été tué. Onze passants ont été blessés, dont trois très sérieusement. Et un quidam a été lynché. La presse est peu diserte à son sujet. « Un demandeur d'asile érythréen, venu à Beersheba pour chercher un visa (...,) a été abattu par un agent de sécurité qui l'avait pris à tort pour un terroriste », dit laconiquement Haaretz. L’Érythréen fuyait le massacre, il s’est écroulé, transpercé par plusieurs balles. Sur la vidéo d’un téléphone portable, on le voit maintenu au sol par une chaise, puis plusieurs fois frappé à coup de pied à la tête. Un homme projette même la masse d’un banc sur le crâne déjà difforme du jeune Africain. Certains profiteront de cet assassinat pour faire valoir leurs opinions politiques. Je voudrais simplement nous inciter à avoir une pensée pour Habtom Zarhum, car apparemment tel était son nom. Il avait 29 ans et travaillait dans un champ du Néguev. On ignore s'il avait connu les villas de torture dans le Sinaï, de l'autre côté des barbelés israéliens. On ignore aussi quand et comment il avait quitté l'Érythrée. On pourrait aller interroger ses amis, les filles qu'il trouvait jolies, se rendre aux endroits qu’il aimait. On écouterait sa chanson fétiche, on goûterait son sandwich favori. On parlerait de ses espoirs. On pourrait rendre justice à Habtom. Emprisonner ses bourreaux. Mais, surtout, lui redonner son nom. Pour qu'il soit autre chose que ce bout de chair méconnaissable et flouté, allongé dans une flaque de sang, à la merci de ceux qui utilisent sa mort pour gagner leur guerre. L.V

Athénes ne donne rien.

par Léonard Vincent
Nuit et jour, un homme marche dans les rues d’Athènes. Il s’appelle Max, il est français, il est venu ici pour se faire oublier : en Grèce, l’effondrement est déjà une histoire ancienne. Athènes a été sacrifiée, mais sa lumière demeure. Aujourd'hui, les Grecs élisent leurs députés. Dans les rues de Kypselis et du Pirée, Max écoute leurs conversations et les chansons qui font toujours vibrer leur cœur. Il se frotte à leur orgueil, à leurs rêveries, leur peur et leur soif de liberté. Seule la palpitation des choses le guide. Il se lie d’amitié avec l’anarchiste Nikos, qui n’aime pas parler de politique, il apprivoise Antigone, une femme à la bouche de louve, et il tente d'aider Filmon l'Africain, qui a fui l’Erythrée et doit fuir à nouveau. L’errance lui colle à la peau. Mais les dés ne sont pas encore jetés.

Les Erythréens

par Léonard Vincent
Le premier récit sur l’Erythrée, une dictature impénétrable « Amanuel explique qu’on ne choisit pas sa destination. On met de l’argent de côté comme on le peut. Parfois avec l’aide d’un garçon de chambre de Tripoli, d’un éboueur de Belgique, d’un chauffeur de taxi du Maryland – un frère ou un cousin qui est déjà de l’autre côté et qui envoie quelques centaines de dollars. » Certains parviendront à s’évader, d’autres seront tués. Cela se passe en Erythrée, un bras de terre coincé entre le Soudan et l’Ethiopie. Sa capitale : Asmara. Le pays donne sur la Mer rouge. En face, le Yémen et l’Arabie Saoudite. On ne sait rien ou presque de cette dictature, si ce n’est qu’elle est l’une des plus opaques et des plus dures de la planète. Les autorités internationales ne s’y risquent pas. Personne d’ailleurs ne s’y risque. Léonard Vincent est allé à la rencontre de ceux qui en réchappent. En Italie, en Angleterre, en France. Il donne un nom et une existence aux invisibles, à Fana, Biniam, Amanuel, aux autres. Il décrit le pouvoir paranoïaque en place, la guerre pour l’indépendance du pays entre 1961 et 1993, la milice, les rebelles qui tentent parfois un renversement. Un chant d’amour et de révolte écrit avec justesse. Lire le début du livre

Erythrée : Une arrestation peu ordinaire

par Léonard Vincent
Arrestation Le « ministre de la Défense » du mouvement islamiste somalien Hizbul-Islam a été arrêté par les forces de sécurité soudanaises début mars, alors qu'il tentait d'entrer sous un faux nom en Erythrée. Cette information, aussi simple qu'elle paraisse,...

Le secret des Erythréens

par Léonard Vincent
En fréquentant les Erythréens en exil s'approfondit le sens du secret. Ce que mes amis d'Asmara m'avouent, me racontent et me confessent, jamais je ne pourrais le dire publiquement. Un monde s'anime sans que l'on puisse le partager. Une conversation...

Grandes manœuvres en silence

par Léonard Vincent
Avec sa promptitude habituelle, le conseil européen a adopté, le 1er mars, une batterie de mesures visant à appliquer – enfin ! – la résolution 1907 du Conseil de sécurité de l'ONU. Trois mois après son adoption, donc, et après avoir laissé amplement le temps aux barons de la dictature érythréenne d'organiser leurs partisans au sein de la diaspora pour les suppléer pendant leur absence... Et de réapprovisionner en argent frais racketté en Europe les caisses d'un régime qui ne tient plus que par la terreur qu'il inspire à tous les Erythréens. Et le chantage à la violence qu'il exerce sur les diplomates occidentaux.