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L’Edito: « Le grand Seyoum » d’Erythrée, par Léonard Vincent.

Edito publié le 14/12/2015 | par Léonard Vincent

J’ai pris l’habitude de l’appeler « le grand Seyoum ». Sans doute parce que ses amis, sa femme et ses petites filles m’ont parlé de sa grande taille, de son visage de pirate, de sa manière de taquiner les timides.

Seyoum Tsehaye est un héros. Ecoeuré par les atrocités commises par les Ethiopiens, il monte au maquis à 25 ans, en 1977. Cet ancien élève du lycée français d’Addis-Abéba se bat dans les rangs du Front populaire de libération de l’Erythrée. Quatre ans de front, dans des conditions affreuses. Et puis un jour, puisqu’il rêvait de devenir journaliste, vient l’ordre de se former au maniement de la
caméra et de l’appareil photo, pour documenter la guerre.

Jusqu’à la libération, il capture en images la lutte un peu folle de ses compagnons en sandales. Un paysan assis sur une bombe non explosée. Une femme fuyant le passage d’un Mig, une casserole sur la tête en guise de casque.
Après l’indépendance, il fonde la télévision érythréenne. Mais son ancien camarade Issayas Afeworki, devenu président, s’enfonce dans la paranoïa. Seyoum démissionne. Il rejoint la petite bande de la presse libre et partage leur sort atroce, lors des rafles de septembre 2001 : l’enfermement à l’isolement, quelque part dans les montagnes. On dit qu’il est toujours vivant.

C’est à lui, qui enseignait le français et rêvait de Paris, que je pense lorsque j’apprends que l’Union européenne a débloqué en catimiti, vendredi soir, une aide de 200 millions d’euros pour aider le gouvernement érythréen à maintenir sa main sur la gorge de son peuple.

L.V



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