Haïti: de sueur et d’or
La présence d’or en Haïti est connue depuis toujours, avant même l’arrivée de Christophe Colomb. Là où la République Dominicaine a su exploiter l’énorme filon qui traverse l’île dans sa longueur, les haïtiens eux n’ont jamais pu développer cette potentielle richesse.
Depuis 1972, et la grande campagne d’analyse du sous-sol par le PNUD (Programme de Développement des Nations Unies), certains estiment qu’Haïti regorgerait d’or. Le chiffre de 20 milliards de dollars est même parfois avancé. Une source de revenus pour ce pays souvent considéré comme l’un des plus pauvres et des moins développés du continent américain. A l’époque, des parcelles de terre sont même achetées, dans le nord du pays, par des investisseurs haïtiens, qui les négocient encore aujourd’hui avec les grosses compagnies minières étrangères.
Depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010, Haïti est devenu le centre de l’attention des occidentaux et des bailleurs de fond.
Avec la continuité d’une certaine stabilité politique, la reprise des discussions concernant les ressources aurifères s’accélère. Un moratoire est lancé par le parlement, la Banque Mondiale se chargeant d’aider à la rédaction de la nouvelle loi qui devrait prochainement être adoptée.
Cela lancerait officiellement l’exploitation de l’or du sous-sol haïtien.
Une chance pour un pays en manque de fonds et à la recherche d’investisseurs étrangers, ou un risque de déstabilisation politique et sociale face à cette future manne d’argent, doublé de conséquences sur l’environnement ?
Les exemples de l’exploitation de la Bauxite par une compagnie américaine dès 1944 jusqu’au début des années 80 et du cuivre dès 1955 par les canadiens, ont démontré au final que cela n’aidait pas au développement du pays. Comme le dit le sociologue et historien américain Alex Dupuy, dans une interview datant de février 2012: « Historiquement, les investissements étrangers n’ont eu aucun impact positif sur la population haïtienne en général… D’habitude, quelques membres de l’élite haïtienne en bénéficient, l’Etat prend sa part et tous les profits vont à la compagnie. »
Les villageois de Lakwèv – seul endroit dans le pays où l’orpaillage est toléré – eux, extraient à leur compte péniblement les quelques paillettes perdues dans la glaise. En prenant des risques: en juin dernier, l’effondrement d’une galerie a causé la perte de la jambe d’un homme.
(Reportage réalisé avec Jérôme Huffer, pour Paris Match)
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