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Israël: les « valeurs » discutables de la brigade Givati

publié le 12/02/2015 | par René Backmann

Le colonel Ofer Winter, commandant de la brigade Givati, l’une des plus célèbres unités d’infanterie de l’armée israélienne, a été interrogé, mardi dernier pendant plusieurs heures, par la police militaire, à la suite de plusieurs plaintes de militaires de son unité, notamment pour harcèlement sexuel.

L’un de ses subordonnés, le lieutenant-colonel Liran Hijazi, qui commande le bataillon Tzabar est accusé d’avoir tenté d’embrasser sa secrétaire et d’avoir eu avec une autre militaire des relations sexuelles qu’il affirme « consensuelles » – mais qui sont contraires au règlement militaire. Ofer Winter qui déclare avoir pleinement « coopéréé » avec les enquêteurs était aussi entendu pour d’autres faits: disparition de sommes d’argent offertes à l’unité par des donateurs et vols d’armes.

La police militaire, qui s’appuie sur les informations recueillies par une dizaine d’investigateurs infiltrés au sein de l’unité, s’intéressait aussi à deux suicides de soldats, l’un à la suite d’un bizutage, l’autre à la suite d’accusations de vols portées contre un soldat. Les enquêteurs cherchaient aussi à savoir si l’officier a réellement tenté de dissimuler ces problèmes et tenté de dissuader les victimes de saisir la justice militaire, comme plusieurs d’entre elles l’affirment.

C’est à la suite des révélations d’une journaliste de Kol Israël, la radio nationale, Carmela Menashe, que l’interrogatoire du colonel Winter a été rendue publique. L’affaire est d’autant plus bruyante, au sein de l’armée israélienne et dans le public, que le colonel Ofer Winter n’est pas un officier israélien banal.

Comme l’ont appris les lecteurs de Médiapart (lire sur Grands Reporters mon article : »L’armée israélienne est colonisée par les religieux »), cet officier, issu d’une école militaire religieuse et connu pour ses positions nationalistes religieuses radicales, avait fait parler de lui, à la veille de l’opération « Bordure protectrice », contre la bande de Gaza, en adressant à ses soldats un appel dans lequel il affirmait qu’ils avaient été « choisis par l’histoire pour être le fer de lance du combat contre l’ennemi terroriste qui maudit, défie et profère des blasphèmes contre le dieu des armées d’Israël ».

Apparemment les valeurs religieuses que le colonel voulait enseigner à ses troupes, et au nom desquelles il entendait les envoyer au combat n’ont pas mis à l’abri son unité de toutes les turpitudes qui menacent les laïcs.

Ces déclarations et d’autres prises de positions publiques d’Ofer Winter avaient conduit le chef d’état-major de l’armée israélienne, Benny Gantz, à refuser sa promotion au grade supérieur, au terme de l’opération « Bordure protectrice » – tout en louant son action et son audace – et à l’envoyer patienter à l’Institut de sécurité nationale.

Avant de quitter, comme prévu, ses fonctions en février, pour être remplacé par le général Gadi Eisenkot, le général Gantz a décidé que le successeurs du colonel Winter, à la tête de la brigade Givati, ne serait pas issu des rangs de l’unité mais serait un officier de parachutistes, le colonel Yaron Finkelman.

« Parfois, constate Amos Harel, commentateur militaire du quotidien Haaretz, lorsque des perturbations se multiplient dans une unité, et que l’état-major a besoin de rétablir l’ordre, la solution est simple: on appelle un parachutiste ».

Le tout est de savoir si la mission assignée au colonel Finkielman sera simplement de faire respecter aux soldats de la brigade Givati la loi et le règlement militaire ou s’il aura aussi pour tâche de contenir la montée en puissance des religieux.


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