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Le Caire: Sus aux journalistes occidentaux!

publié le 09/09/2013 | par Jean-Paul Mari

Daniel Grandclément s’est fait violemment agressé lors d’un reportage dans les rues du Caire. Loin d’être un incident isolé, ce genre d’attaques contre les journalistes se multiplient. Encouragées par des rumeurs de collusion avec les islamistes et de complot occidental et relayées avec insistance par la presse officielle et le pouvoir qui trouve dans cette « main de l’étranger » un exutoire pratique à la colère populaire. Témoignage.


(Photo: un journaliste agressé en Égypte)

«Tout a basculé quand les gens du comité de vigilance du quartier sont arrivés. J’avais une grappe de types qui me matraquaient et ceux que je venais d’appeler au secours, au lieu de me sauver, y allaient aussi à grands coups de poings. Moi, je criais « au secours » et ils répondaient en me matraquant…. ( Lire le récit complet de le l’agression)

Et pourtant c’étaient des habitants du Caire, ceux que je cotoyais à chacun de mes voyages en Egypte. Car depuis quatre ans et surtout depuis la révolution de Janvier 2011 je suis souvent en Egypte.
Désormais, fini les « Welcome !» des débuts. Une partie des foules cairotes regarde les journalistes occidentaux sans bienveillance.
Les télés font des revues de presse pour montrer à quel point nous sommes vendus aux Frères musulmans. Les Coptes enragent que les médias « défendent » aujourd’hui les Frères alors qu’ils n’ont pas dénoncé les exactions dont ils sont eux-mêmes les victimes depuis des décennies.
Le Progrès Egyptien, seul quotidien édité en français et habituellement plutôt francophile précise en page 2 : «La presse occidentale nous dégoûte».
Nous sommes accusés de soutenir les Frères. Et cela pour des raisons alambiquées.
Exemple : En qualifiant la prise de pouvoir de l’armée de coup d’état militaire nous devenons les agents des services israéliens. Nous sommes donc manipulés par les Juifs, l’état Juif. Parce que nous avions, croient-ils, d’obscurs projets avec les Frères, comme celui de céder une partie du Sinaï aux Palestiniens ce qui soulagerait la frontière avec Gaza. La destitution de Mohamed Morsi serait venue contrecarrer ces plans.
Ces complots, les foules du Caire y croient comme à d’autres rumeurs, toutes aussi incohérentes, comme celle qui veut qu’Obama ait fait verser des millions de dollars aux Frères.

Ce soir là, après que j’ai reçu cette sévère dégelée des habitants du quartier englobant la place Ramsès, un militant du comité après avoir fait cesser la bagarre, a joint avec son portable une femme qui parlait français. Et je me suis expliqué. Elle parlait notre langue un peu lentement mais avec suffisamment de vocabulaire pour que je me fasse comprendre. L’échange a été rapide, peut-être une minute ou deux, et j’ai repassé le portable à celui qui semblait être un notable parmi les membres du comité.
Celui-ci, d’une voix forte, a claironné à l’assistance qui j’étais et ce que je faisais. Je pensais que l’affaire allait se terminer là. Mais non. Ma qualité de journaliste français alimentait la rage d’une partie de mes agresseurs.

Le Caire ce soir là, c’était chaud pour les occidentaux, chaud pour les journalistes.
Ce changement d’attitude d’une partie de la population Cairote, on le ressent un peu partout. Dans les taxis, lorsque le conducteur demande benoitement pourquoi nous soutenons les islamistes radicaux. Ou chez certains militants coptes qui, eux aussi, ne sont pas loin de parler de complot occidental contre l’Égypte. Et jusqu’au patron de mon hôtel qui m’accueille le soir de l’agression en me laissant entendre que je n’ai reçu que ce que je méritais. »
Daniel Grandclément.


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