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Le Mur Américain – De l’océan Pacifique au golfe du Mexique…

Photos publié le 22/11/2011 | par Maurice Sherif

Note de l’auteur

 » Cette série de photographies montre le mur frontière traversant le paysage, détruisant des vies. C’est l’histoire du destin américain qui a mal tourné.

Depuis 2007, j’arpente le mur qui doit aller de l’océan Pacifique au golfe du Mexique. Cette barrière s’est cachée à l’ombre de nombreuses tentatives d’intimidations politiques. Ce qui n’apparaît pas au premier regard, c’est le vide, obsédant ; il occupe tout cet espace qui, auparavant, débordait de vie.

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Le mur relève d’un acte politique dont les ramifications globales affectent non seulement les États-Unis mais aussi les états voisins. Le mur est un repoussoir à activités humaines. Le paysage est rendu plus aride encore par la présence du mur et par la diminution significative de la flore et de la faune locales qui participaient jadis de la riche biodiversité de la région. Les photographies nous font prendre conscience de cette nouvelle atmosphère stérile le long de la frontière. Elles sont une trace du visible et de l’invisible. Désormais, le mur se dresse, par segments, seul dans ce paysage.

Le mur n’en reste pas moins bien réel. Au sud de la frontière, les gens continueront de vivre dans un désespoir silencieux ; ou bien ils risqueront la mort dans le désert, dans l’espoir de trouver une nouvelle vie de l’autre côté du mur…

Au nord, certains continueront d’entretenir l’illusion de la sécurité par la séparation d’avec ceux que l’on craint parce qu’ils sont étrangers ou ennemis, les « autres », qui n’ont aucun droit, que l’on a repoussé et à qui on a refusé non seulement l’accès, mais aussi l’humanité.

En 2006, le gouvernement des États-Unis a entrepris la construction d’un mur sur des centaines de kilomètres le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Des postes de contrôle ont toujours existé, et la majeure partie de la frontière États-Unis – Mexique est traditionnellement grande ouverte. La frontière sud des États-Unis est longue de 3 141 kilomètres, et elle traverse des montagnes et des déserts. Mais la dépense que représente la construction d’un mur d’une telle ampleur importe peu désormais dans un pays dont les valeurs se sont délitées.

Le gouvernement des États-Unis a dépensé 2,4 milliards de dollars depuis 2006 pour le projet, encore inachevé, d’ériger 1 000 kilomètres de mur (soit 2,4 millions de dollars le kilomètre). Pour la maintenance du mur, le gouvernement devra dépenser 6,5 milliards de dollars au cours des vingt prochaines années……… Ce qui m’a poussé à photographier ce sujet nu et sans vie, c’est l’envie de découvrir comment les États-Unis – un pays qui se voit comme le champion de la loi, des droits et de la démocratie – en est arrivé à s’engager dans cette inqualifiable violation des droits de l’homme.

Comme les images de ce livre le révèlent, le mur frontière est tout autant un symbole physique que l’illustration légale d’un penchant qu’ont les États-Unis à l’exception et à l’exclusion. Ce penchant a commencé à être officialisé sous l’administration Clinton, en particulier à l’occasion de l’instauration de la législation anti-immigration, et s’est accéléré sous la présidence de George W. Bush après les attaques du 11 septembre 2001.

Les comparaisons avec le mur de Berlin, long de 155 kilomètres, sont inévitables. Il est prévu que le mur américain, encore en construction, atteigne une longueur d’au moins 3 141 kilomètres. La hauteur moyenne du mur de Berlin était de 3,60 mètres ; à comparer avec les 8 mètres en certains points du mur américain aujourd’hui. Les comparaisons politiques sont développées dans les essais qui accompagnent les photographies.

Lire le coup de colère de l’écrivain américain Chuck Bowden.

La planification et la conception du mur américain ont été incapables de prendre en compte les coûts environnementaux, sociaux et économiques à long terme liés à l’altération de la frontière par une barrière physique. Ce mur a aussi échoué dans le rôle qui lui était assigné, celui d’assurer une plus grande sécurité aux personnes et aux lieux qu’il était censé protéger.

Il est de la responsabilité du monde d’interrompre la construction du mur américain. Ce mur va détruire des villages entiers. Le mur porte de graves atteintes à tous les aspects de la vie américaine et mexicaine : déjà, des dizaines de villages ont perdu des terres, de l’eau et des ressources indispensables à leur subsistance ; des villages et des propriétés privées ont été détruits au Texas du Sud ; des villes situées à proximité du mur sont devenues des ghettos isolés.

Avant le mur par exemple, à Naco et à Douglas, en Arizona, ainsi qu’à Yacumba, en Californie, le passage à la frontière était fluide ; depuis la construction du mur, les traversées sont limitées ; les voyages pour le travail, la santé, l’éducation, les visites aux amis, à la famille, ont été interrompus.

La notion de « points d’accès », grâce auxquels le département de la Sécurité intérieure (DHS) va « autoriser » des fermiers à passer pour accéder à leurs terres témoigne de l’institutionnalisation du mur et du manque de planification qui a présidé à sa construction. Cette notion va aussi permettre de renforcer le contrôle absolu exercé sur chacun des aspects de la vie à la frontière en limitant tout mouvement.

En agissant ainsi, le DHS enfreint un grand nombre de lois internationales. L’une de ces infractions majeures en lien avec le mur américain est la démarcation unilatérale d’une nouvelle frontière au Texas du Sud, qui revient à annexer des terres occupées (charte des Nations Unies, art. 2.4).

D’après l’article 1 de la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid (1979), le mur constitue un « crime contre l’humanité ». Il divise des populations sur la base de la race et de l’ethnicité, et applique ce qui est communément appelé « apartheid ».

Quelles intentions réelles se cachent derrière la construction du mur ? Est-il un moyen de sécuriser la frontière de manière pérenne à travers l’annexion illégale de terres américaines ? Ces experts apportent quelques réponses, offrant un point de vue critique unique sur l’impact du mur et sur la manière dont il affecte les projets concernant la frontière et l’avenir de la région.

Les difficultés de la population, des familles et des travailleurs habitant de part et d’autre de la frontière États-Unis – Mexique, ainsi que l’impact environnemental, doivent être discutés et non pas enterrés sous des règles complexes et arbitraires concernant la sécurité et le destin économique et politique – toujours variable – des États-Unis. J’ai l’espoir que quiconque regardera ces photos et lira les essais qui les accompagnent comprendra mieux les implications du mur et se mettra à en parler.

Le mur empêche peut-être les déplacements, emprisonne physiquement les gens et les sépare les uns des autres, mais il ne doit en aucun cas les réduire au silence.

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Lire le coup de colère de l’écrivain américain Chuck Bowden.->http://www.grands-reporters.com/La-toute-nouvelle-statue-de-la.html?var_mode=calcul]


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