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Léon XIV dans les pas de Léon XIII ?

publié le 08/05/2025 par Pierre Feydel

Le nouveau pape a choisi le nom de celui qui a promu la doctrine sociale de l’Église. Une compréhension des plus démunis digne de François

Un choix de nom lourd de sens

Léon XIV est donc américain. Donald Trump s’est empressé de s’en féliciter, et les commentateurs de tout poil se sont immédiatement interrogés sur les rapports que le nouveau Souverain Pontife pourrait entretenir avec le président des États-Unis, dont l’esprit de charité ne semble pas être la qualité première. Fausse question, dans la mesure où l’on peut penser que le nouveau pape sera d’abord soucieux des catholiques américains, de leurs espoirs et de leurs soucis, plutôt que des obsessions du locataire de la Maison-Blanche.

Quoi qu’il en soit, Robert Francis Prevost, alors cardinal, omniprésent dans la Curie, s’en était déjà pris au vice-président J.D. Vance, catholique proclamé, dénonçant ses dévoiements de la doctrine. Il a aussi, dans sa première prise de parole, insisté sur la nécessité d’établir des ponts — une allusion, peut-être, à la façon dont son prédécesseur avait taclé Trump en expliquant qu’un chrétien ne pouvait pas préférer les murs aux ponts.

Un pontife austère et peu sensible à l’argent

On ne sent pas ce pape très trumpiste. On ne sent pas non plus l’ex-prieur général de l’ordre mendiant de saint Augustin, l’un des plus austères, considérer avec sympathie l’avidité de la « milliardocratie trumpienne ». Et puis, le choix de son nom de règne laisserait supposer que le successeur de François se met dans les pas de Léon XIII, l’un des papes les plus progressistes du XIXᵉ siècle.

Léon XIII, le pape social

Vincenzo Gioacchino Pecci est élu pape à 68 ans. C’est un aristocrate, fils du comte Pecci, ancien colonel de Napoléon Ier. Après une carrière de diplomate, il est nommé cardinal à 43 ans. Sa santé est fragile. Les cardinaux l’auraient choisi car il souhaitait un pape de transition. Erreur ! Son pontificat sera l’un des plus longs de l’histoire : 25 ans. Il mourra en 1903, à 93 ans. C’est sans doute l’encyclique Rerum novarum (« Des choses nouvelles ») qui a le plus marqué son époque. Publiée en 1891, elle manifeste un vrai souci de la condition ouvrière et fonde la doctrine sociale de l’Église catholique.

L’Europe est en pleine industrialisation, avec toutes les tensions sociales qui accompagnent ce bouleversement : les révolutions de 1848, la Commune de Paris en 1871, des manifestations violentes de toutes sortes accompagnées de répression sauvage, telles les émeutes de Chicago en 1886 qui valent à cinq anarchistes la peine de mort. Ces événements ne peuvent pas laisser l’Église indifférente. Le drame de Fourmies, dans le Nord de la France, où la troupe tire sur une manifestation d’ouvriers du textile réclamant la journée de 8 heures — faisant neuf morts et trente-cinq blessés, dont deux enfants — intervient l’année même de la publication de cette encyclique majeure, le 1er mai. Rerum novarum est publiée le 15.

Une encyclique fondatrice

Elle s’inspire du mouvement des chrétiens sociaux, apparu plutôt chez les protestants, mais aussi des travaux de l’Union de Fribourg qui réunit des courants catholiques allemands, autrichiens, français, et cherche à réfléchir de façon critique sur le capitalisme et le libéralisme, tout en traitant de la question syndicale. Des hommes d’Église s’étaient déjà engagés.

L’encyclique condamne : « une situation d’infortune et de misère imméritée des classes inférieures, ainsi que la concentration entre les mains de quelques-uns de l’industrie et du commerce » qui « impose un joug presque servile à l’infinie multitude des prolétaires ». Pour autant, Léon XIII condamne le socialisme qui veut « supprimer la propriété privée », refuse le marxisme et la lutte des classes — une « peste morale » — mais fustige le libéralisme, dont le régime de concurrence effrénée réduit les ouvriers à la misère. L’encyclique, complétée au fil des années par d’autres textes, sera à l’origine du syndicalisme chrétien et de la démocratie chrétienne.

Après Léon XIII, un retour au conservatisme

Léon XIII avait nommé 147 cardinaux. Le conclave qui élit son successeur était constitué de prélats qui lui devaient tous d’arborer la pourpre cardinalice. Pourtant, ils élirent Pie X, l’un des Souverains Pontifes les plus traditionnalistes du XIXᵉ siècle. Il s’oppose de façon radicale à toute forme de modernisme. Léon XIII avait réconcilié l’Église catholique et la République française. Pie X s’oppose radicalement à la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905. Il est canonisé en 1954. Aujourd’hui, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X regroupe des prêtres traditionnalistes, voire intégristes.

Léon XIV : vers une nouvelle encyclique sociale ?

Cette fois, Léon XIV marquera peut-être une continuité des préoccupations et des missions de l’Église catholique. Pourquoi pas une grande encyclique réclamant aide et protection pour les migrants ? J.D. Vance adorerait…


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