Les ennemis du pape François
Conservateurs, catholiques durs américains, résistants de la Curie, traditionalistes, complotistes, extrême -droite…la liste des détracteurs de François est significative de ses convictions profondes

La disparition de François marque-t-elle la fin d’une tentative de réforme de l’Église catholique ? Sans doute pas. Ce pontificat-là a sérieusement secoué une institution qui a régulièrement besoin de se rappeler l’enseignement des Évangiles. En prenant le nom du « pauvre d’Assise », Jorge Mario Bergoglio, jésuite argentin, se revendiquait de celui qui, au début du XIIIe siècle déjà, voulait revenir au message évangélique, se promettant « d’épouser dame pauvreté » et professant que « la terre prend soin de nous » et que l’homme ne doit pas la dominer. L’ordre qu’il créa, celui des frères mineurs, des Franciscains, entra au cours de l’Histoire à plusieurs reprises en conflit avec la papauté.
Le François du Moyen Âge avait reçu cette injonction de Dieu : « Va et répare ma maison qui, tu le vois, tombe en ruine ». Le François d’aujourd’hui voulait lui aussi remettre debout l’Église catholique. Sa volonté de réforme, ses tentatives de rupture avec nombre d’habitudes, de rites, de procédures ne lui ont pas valu que des admirateurs. La liste, sinon de ses ennemis, du moins de ses opposants et de ses détracteurs, est parfaitement significative de ce à quoi il croyait profondément.
L’hostilité de la Curie romaine
Aujourd’hui, bon nombre des hommages qui lui sont rendus viennent de ce qu’il est convenu d’appeler le Sud global et font allusion à sa compassion pour les déshérités, son souci de la dignité humaine et à son humilité. François était un homme simple, peu soucieux des pompes vaticanes. Il vivait dans un appartement de 70 mètres carrés et avait mis fin à quelques privilèges des hauts dignitaires de l’Église résidant dans de vastes appartements des quartiers les plus huppés de Rome.
Ce style dépouillé, direct, d’un homme par ailleurs autoritaire et déterminé, loin des formes onctueuses des prélats romains, a pu en heurter certains. Le principal foyer d’opposition a sans doute été celui de la Curie romaine, ce gouvernement de l’Église catholique. On y a vu des cardinaux critiquer publiquement l’action du pape.
Les conservateurs contre François
L’Américain Raymond Burke, archevêque de Saint-Louis, partisan du retour à la messe en latin, a condamné la décision de donner accès à la communion aux divorcés remariés. François dut l’évincer. L’Allemand Gerhard Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, président de plusieurs commissions pontificales, dénonce une « confusion croissante dans l’enseignement de la foi », après avoir été démis de ces hautes fonctions par le pape. Carlo Caffarra, archevêque de Bologne, émet lui aussi des doutes sur l’exhortation apostolique Amoris laetitia, où François jette sur la famille et le couple un regard où la miséricorde et le soutien comptent plus que la condamnation de certains comportements. Les conservateurs, partout, critiquent le texte.
La fronde des réactionnaires, anti-LGBT et climato-sceptiques
François n’a cessé d’irriter. Il donne plus de pouvoir aux femmes dans l’Église. Il nomme Raffaella Petrini, sœur franciscaine, à la tête du gouvernement de la Cité du Vatican. Une première. Il apaise l’attitude de l’Église vis-à-vis des communautés LGBTQ+. « L’homosexualité est un péché, dit-il, ce n’est pas un crime. » Il condamne fermement les actes de pédophilie qui ravagent l’Église et sapent son autorité morale. Il convoque les évêques, exige de livrer les prêtres coupables à la justice. Il réfléchit à l’évolution du célibat des prêtres.
François a réussi aussi à agacer les milieux d’affaires les plus conservateurs lors de la publication de l’encyclique Laudato Si’, qui appelle à « protéger toute la création ». Globalement, il lui paraît difficile de conjuguer la protection de la nature avec le profit financier. Il critique la mondialisation dérégulée comme la spéculation financière ou la culture des déchets.
Sur Trump: « qui veut construire des murs et pas des ponts n’est pas chrétien »
Mais surtout, c’est sa dénonciation des populismes d’extrême droite qui marquera. En particulier, dans sa condamnation de l’immigration. Il explique à propos de Trump qu’une personne « qui veut construire des murs et pas des ponts n’est pas chrétienne ». Il ne cesse de fustiger ses positions anti-immigrants. L’action de François contient bien sûr des ambiguïtés ou des insuffisances. Mais on ne réforme pas une institution de deux millénaires en quelques années.
Une leçon de chrétienté à J.D Vance
Deux actes sont sans doute symboliques de l’action de François. Le premier, au début de son pontificat, en 2013, lorsqu’il se rend sur l’île de Lampedusa parmi les immigrants et prononce un vibrant discours contre la « mondialisation de l’indifférence ».
Le second est une lettre envoyée le 11 février aux catholiques américains. Il y rappelle que la fraternité doit être ouverte à tous, sans considération d’identité personnelle, communautaire ou nationale. Une leçon de théologie donnée au très catholique vice-président des États-Unis, qui ranime l’ordo amoris, le vieux concept de saint Augustin selon lequel la charité va d’abord aux proches de soi et non aux étrangers. « Aimer son prochain » a, pour le très catholique vice-président des États-Unis, une acception quasi géographique. François lui avait rappelé qu’il n’avait peut-être pas tout compris.

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