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François: le pape et les faux-prophètes

publié le 28/04/2025 par Jean-Paul Mari

A l’heure où des dirigeants revendiqués chrétiens ont abdiqué toute éthique et piétinent toutes les règles universelles, le pape François incarnait une morale des hommes. Qui d’autre après lui ?

L’aphorisme est célèbre : « la foi appartient à ceux qui cherchent Dieu ; la religion appartient à ceux qui croient l’avoir trouvé. »
À l’heure des funérailles du pape François, la foule immense des fidèles, tristes et sincères, est venue sur la place Saint-Pierre pour le pleurer. Et des dirigeants, catholiques ou pas, qui revendiquent leur attachement à la religion, voire leur piété. Et parmi eux, de drôles de chrétiens…

D’abord Donald Trump. Depuis l’attentat manqué contre sa personne, il croit être l’« Élu », « le protecteur », investi d’une mission divine pour sauver l’Amérique : « Je suis là. J’ai survécu. C’est grâce à Dieu. Quelqu’un veillait sur moi. »
Une vision peu compatible avec son obsession de la chasse aux migrants, les plus pauvres, et que le pape François avait condamnée : « une personne qui veut construire des murs et non des ponts n’est pas chrétienne. »
Trump avait vivement réagi : des propos « disgraceful » (honteux – indigne – scandaleux), avant de présenter le pape comme une personne naïve et manipulable.
Le pape est mort, vive Donald Trump, venu au Vatican pour une cérémonie sur cette place Saint-Pierre que certains fidèles – moins naïfs qu’annoncé – ont choisi de quitter en signe de protestation.

Et J.D. Vance, son vice-président. Le dernier à avoir vu le pape que Dieu a voulu éprouver jusqu’au bout. Un catholique, un vrai, un dur, évangélique protestant converti, la religion au poing, tradition chrétienne et valeurs familiales, nationaliste conservateur. Une sorte de Cardinal Tedesco du film Conclave. La religion comme une guerre de civilisation.

Et Javier Milei, l’Argentin, l’homme partisan du massacre à la tronçonneuse.
L’ultralibéral libertarien ne supporte pas la doctrine sociale de l’Église qui tenait au cœur de François. Un pape que Milei a qualifié de « jésuite qui promeut  le communisme », de « représentant du mal sur terre » et plus simplement, façon Milei, d’«imbécile».
Ce qui ne l’empêche d’être à Rome, parmi les grands, et d’avoir décrété… un deuil national de sept jours.

Parmi les absents remarquables : Vladimir Poutine, qui a préféré éviter les complications d’un mandat d’arrêt international de la Cour pénale internationale (CPI) en mars 2023, en raison de son implication présumée dans la déportation d’enfants ukrainiens vers la Russie.
La religion, pour le maître du Kremlin, est capitale. Il a créé une alliance étroite avec le patriarcat de Moscou qui légitime son autorité, conforte l’image messianique de la Russie.
Sa guerre en Ukraine, bénie par les cercles religieux russes, n’est qu’une défense spirituelle contre les « valeurs occidentales corrompues ». Une « guerre sainte ».

Et Benjamin Netanyahou. Lui n’est pas chrétien, mais un juif laïque qui utilise la religion quand cela est nécessaire. Il appréciait peu les appels de François à un cessez-le-feu à Gaza, ne dédaigne pas faire appel au théologique en parlant de « lutte du bien contre le mal » et s’est allié, pour rester au pouvoir, avec les ultra-orthodoxes et les sionistes religieux.
La mort du pape ? Oui, certes, quelle tristesse, sauf qu’il a pris son temps, quatre jours, pour présenter ses condoléances. Tous ces dirigeants, attentifs ou férus de religion, ont un point commun : l’effondrement de la morale universelle. Que reste-t-il à la planète hommes ?

L’ONU ? Elle ne cesse de se déliter et de perdre en crédibilité, notamment à cause d’un Conseil de sécurité dont les membres, Trump et Poutine, bloquent toute action.
Depuis 1970, les États-Unis ont mis leur veto 49 fois pour épargner Israël, dont le dernier en novembre dernier, sur un simple appel au cessez-le-feu à Gaza. Quant à la Russie, elle est tout simplement la cause de l’invasion en Ukraine…

Moralement, les dirigeants politiques ont donc failli.
Et voici qu’apparaît un pape, qui prend le nom de François, prône la piété, la compassion et la charité.
Humble, il refuse de porter la mozette rouge bordée d’hermine, symbole de la papauté triomphante, délaisse le Vatican pour la plus modeste résidence de Sainte-Marthe, visite les prisons, les camps de réfugiés, les sans-abri, qualifie la Méditerranée de « cimetière », embrasse publiquement un homme couvert de tumeurs, puise discrètement dans ses fonds personnels pour financer un dortoir, un asile, des douches, un centre de soins pour sans-abri à Rome ou la reconstruction après un séisme. Et décide de se faire enterrer hors du Vatican, dans la populaire basilique Santa Maria Maggiore.

Au moment même où les dirigeants politiques férus de religion ont tout abandonné des principes, c’est le pape François qui fait revivre sa foi, l’humilité, la compassion, la charité, le respect de l’humain, le message de Jésus et des évangiles, et incarne la morale suprême et universelle.
Comme un dernier bastion de l’Homme.

Le pape est mort. Qui sera son successeur ?
Un conservateur rigide, façon Benoît XVII, un prélat soucieux de la Curie et d’un Vatican très politique, amateur des ors de la pompe pontificale, d’une tradition étriquée, d’un dogme plus fort que la morale ?
Ou un nouveau François II, petit miracle contemporain, qui continuera le chemin de Franciscus, portera haut sa foi, quitte à se mettre à dos les grands de ce monde, ces dirigeants politiques tenants de leur religion, de ceux qui sont sûrs d’avoir trouvé leur propre dieu.


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