Pour Netanyahou, la paix bien plus dure que la guerre
Après la fin des affrontements avec l’Iran, le gain politique escompté par Benjamin Netanyahou n’est pas au rendez-vous

Une victoire politique introuvable
À Gaza, la campagne militaire s’embourbe. Plus de vingt jeunes soldats ont été tués dans des embuscades ces dernières semaines. Les familles de réservistes font part de leur colère et de leur frustration face aux risques pris par leurs enfants pour des objectifs militaires de moins en moins clairs. Les médias israéliens n’ont d’autre choix que de faire état du chaos engendré par la mauvaise organisation de l’aide humanitaire aux populations locales. Les témoignages s’accumulent de soldats écœurés de ce qu’ils voient et de ce qu’on les oblige à faire. Et aucun otage vivant n’a été libéré depuis le 12 février 2024, alors que les familles d’otages n’arrêtent pas de manifester leur douleur.
L’armée met le politique au pied du mur
Face à ces constats, le chef d’état-major Eyal Zamir a décidé de mettre publiquement le gouvernement au pied du mur. En annonçant que Tsahal contrôle 75 % du territoire de la bande de Gaza, Eyal Zamir affirme que l’armée considère avoir atteint les objectifs qui lui avaient été assignés, et que c’est maintenant au gouvernement seul de décider des suites à donner à cette opération.
Tsahal fait comprendre qu’elle n’a ni les moyens ni la volonté de pérenniser une occupation militaire de Gaza, contrairement aux ambitions affichées par l’extrême droite religieuse du gouvernement. La priorité est donc à la libération de tous les otages vivants et morts, ce qui signifie à terme la fin des opérations terrestres et un retrait militaire de Gaza.
Les vociférations des ministres d’extrême-droite
Il y a une semaine à peine, Tsahal était encensée et félicitée par le gouvernement Netanyahou pour ses succès face à l’Iran. Une semaine après, les débats au sein du conseil des ministres sont houleux et le chef d’état-major Eyal Zamir est soumis aux vociférations des ministres Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, qui lui reprochent de ne pas avoir réussi à réduire le Hamas au silence. Dans ce brouhaha gouvernemental, on voit même le secrétaire militaire particulier du Premier ministre contredire le chef d’état-major et oser dire aux familles d’otages que la priorité reste l’anéantissement du Hamas.
Donald Trump s’impatiente
Pour le moment, le gouvernement ne répond pas aux demandes du chef d’état-major. Si Benjamin Netanyahou reste vague dans ses intentions et prudent face à ses alliés d’extrême droite, il sait qu’il ne peut plus repousser éternellement les échéances. Car ce n’est pas seulement la population israélienne, mais aussi son parrain Donald Trump qui s’impatiente, ainsi que certains ministres de son gouvernement qui laissent discrètement fuiter leurs réticences.
Sous la pression conjointe de Trump et des médiateurs du Qatar – principaux interlocuteurs avec la direction politique du Hamas en exil -, Netanyahou laisse entrevoir un assouplissement de sa position sur le rythme de libération des otages et les conditions d’un cessez-le-feu pendant la période intérimaire jusqu’à leur totale libération. Cette évolution attendue côté israélien a des répercussions directes sur les débats internes au sein du Hamas, où la question du maintien ou non de la confrontation armée fait l’objet de vifs désaccords.
Hamas : fractures internes et stratégies opposées
La vraie question est ce qu’il restera du Hamas, de son pouvoir et de son influence à Gaza quand il ne sera plus protégé par la détention d’otages israéliens. Sur ce sujet, les informations remontent sur des divergences profondes au sein du Hamas entre les militaires et les politiques, grâce aux contacts jamais complètement rompus entre les journalistes israéliens qui suivent la scène palestinienne et leurs interlocuteurs de l’Autorité palestinienne, voire du Hamas lui-même.
Que reste-t-il du Hamas ?
Ce qui reste de la direction militaire locale à Gaza s’appuie sur des ressources financières et matérielles encore conséquentes ainsi que sur de nouveaux recrutements. Cela lui permet de rester intransigeante sur le maintien de son contrôle militaire et politique sur Gaza. D’un autre côté, la branche politique à Gaza et au Qatar, avec à sa tête le seul dirigeant historique du Hamas encore vivant, Khaled Mechaal, plaide pour un retrait partiel – politique et militaire – du Hamas. Cette direction politique constate que la société palestinienne de Gaza est au bord de la guerre civile entre les grandes familles bédouines, les diverses mafias locales et les jeunes recrues du Hamas. Elle ne souhaite pas que le Hamas soit jugé responsable de cette dislocation, et prône une reconstruction lente et progressive de son influence, une fois les combats terminés.
Netanyahou : survivre, oui mais comment ?
Pour le moment, aucune information ne filtre sur l’évolution des rapports de force au sein du Hamas, ni sur la possibilité que les garanties que pourraient donner Trump et le Qatar assouplissent la position du mouvement islamiste, obligeant par là même Netanyahou à accepter la fin des combats.
Benjamin Netanyahou est attendu à Washington la semaine prochaine, et il sait qu’un accord de libération des otages imposé par Donald Trump, avec à la clé la fin des hostilités à Gaza, sonnera le glas de sa coalition gouvernementale actuelle. En appelant à la responsabilité nationale, il peut essayer de convaincre une fois de plus l’opposition de centre droit de rentrer dans un gouvernement débarrassé de ses ministres d’extrême droite. Il peut également exploiter la libération des otages pour masquer ses responsabilités dans les massacres du 7 octobre et déclencher des élections anticipées face à une opposition divisée et sans véritable programme de gouvernement.

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