RDC : le viol des enfants comme arme de guerre
10 000 cas de viols et violences sexuelles commis en à peine deux mois cette année, dans l’Est du Congo. Près de la moitié des victimes seraient des enfants

Dans l’est de la République démocratique du Congo, les groupes armés utilisent délibérément les violences sexuelles contre les enfants pour semer la terreur et anéantir les communautés
Les violences sexuelles à l’encontre des enfants dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) atteignent un seuil de barbarie qui ne laisse plus de place au doute : elles sont utilisées comme arme de guerre. L’alerte vient de l’UNICEF, qui dénonce une situation d’une gravité extrême dans les provinces du Nord- et du Sud-Kivu, ravagées par l’offensive des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda.
10 000 cas de viols en deux mois
En janvier et février 2025, près de 10.000 cas de viols et violences sexuelles ont été recensés dans le pays, selon l’agence onusienne. Près de la moitié des victimes seraient des enfants. Un constat glaçant, résumé sans détour par James Elder, porte-parole de l’UNICEF, lors d’une conférence de presse tenue vendredi à Genève : en RDC, un enfant est violé toutes les trente minutes.
« Il ne s’agit pas d’incidents isolés, mais d’une crise systémique. Certains survivants sont des enfants en bas âge. C’est une arme de guerre et une tactique délibérée de terreur, qui détruit familles et communautés », a dénoncé Elder, s’exprimant par visioconférence depuis Goma, principale ville du Nord-Kivu désormais sous contrôle du M23.
« Les auteurs doivent être jugés, les survivants soutenus »
Les chiffres officiels, aussi effroyables soient-ils, ne révèlent qu’une partie de la réalité. Selon l’UNICEF, la stigmatisation, la peur et l’insécurité empêchent une grande partie des victimes de signaler les abus. « La crise est probablement pire que ce que nous rapportons », a admis Elder.
Face à cette tragédie, l’UNICEF appelle la communauté internationale à réagir d’urgence. « Nous avons besoin d’efforts massifs de prévention, de services centrés sur les survivants et de moyens sûrs pour permettre aux victimes de signaler les violences sans crainte », a-t-il déclaré. « Les auteurs doivent être traduits en justice. Les survivants doivent savoir que le monde les soutient. »
Des victimes abandonnées sans soins faute de budget
À l’horreur des violences s’ajoute la lente asphyxie des structures d’aide humanitaire. La baisse des financements internationaux a des conséquences dramatiques. Dans certains hôpitaux, les survivants de viol ne reçoivent même plus les soins médicaux de base, comme les kits de prophylaxie post-exposition indispensables pour prévenir le VIH.
« Dans un hôpital que j’ai visité cette semaine, 127 survivants de viol n’ont pas reçu les traitements nécessaires », a témoigné Elder, visiblement ébranlé. Selon l’UNICEF, si le déficit de financement persiste, 250.000 enfants pourraient être privés de services de protection essentiels dans les douze prochaines semaines.
Vers une catastrophe humanitaire majeure
La crise dépasse le cadre immédiat des violences sexuelles. À moyen terme, les projections pour 2026 sont alarmantes : 100.000 enfants risquent de ne pas être vaccinés contre la rougeole, deux millions ne seront pas dépistés pour la malnutrition et 500.000 seront privés d’accès à l’eau potable.« Le coût de l’inaction n’est pas abstrait », a martelé Elder. « Il se mesure en souffrances évitables et en avenirs brisés. »
À l’heure où la RDC frôle une catastrophe humanitaire majeure, l’indifférence de la communauté internationale risque d’ajouter l’abandon à l’horreur.