Critique : Regard sur « Les murs du monde »
« Scarifications ou superpositions, mélange de signes, de mots, de formes, sont autant de voix solitaires ou mêlées. Comme ces peintures rupestres sur les murs des premières grottes.
Ces voix populaires, cri individuel ou clameur collective, murmures, cris de rage ou hurlements, dessinés la veille ou posés depuis des années, sont pourtant réalisés avec de pauvres moyens : peintures pour voitures, résidus de bitume ou pigments naturels.
Ils disent le désir et la douleur, les espoirs et les craintes projetés à même la peau des murs, ceux des habitants qui vivent là et s’adressent à leur entourage immédiat, à la rue, au quartier, à leurs semblables. On est à l’opposé du tag, de la dégradation et du mur qui insulte. Très loin aussi de la campagne publicitaire, de l’exhibition massive des panneaux de la machine à vendre. Que sont ces images et ces mots ? Une substitut d’enseigne pour un coiffeur « et ses serviettes sèches », un panneau culturel –« Biblioteca popular de la Boca », un message de prévention sur le sida, une publicité pour le magasin du coin, un graffiti politique « Résistanza ! », une revendication, – « Les femmes veulent être consultées »- , un slogan subversif -« Abaixos os contrarevolutionnarios ! », une prière « Dios es Amor », un appel à la résistance, mais aussi un message pour « Adriana ».
Un cri de désespoir, une plainte ou un soupir d’amour. Et souvent, simplement, une œuvre d’art qui ne prétend pas l’être, mais demeure là, sans que personne ne songe à effacer ce que le temps transforme en un brouillage obscur. Des premières couleurs vives jusqu’au délitement, de la fantaisie au tragique du temps, frottés par le vent, le soleil et la pluie, ces murs finissent par raconter leur propre histoire, parfois fruste, avec peu de mots, sans artifices et sans effets. Nue comme le peuple de la rue. Écoutez là. »