Russes en Ukraine : la torture comme manuel de guerre
Renseignement, répression, pur sadisme… les mauvais traitements des prisonniers et des civils jusqu’à la plus barbare des tortures est devenu la règle

Victoria Rochtchina, journaliste, retrouvée morte après des mois de détention
Le corps d’une journaliste ukrainienne, morte en détention en Russie dans des circonstances troubles, a été rapatrié.
Kiev accuse Moscou d’avoir torturé et tué Victoria Rochtchina, disparue en août 2023 après avoir rejoint les territoires occupés par la Russie dans la région ukrainienne de Zaporijjia pour couvrir la situation locale.
La dépouille de la journaliste ukrainienne a été rapatriée en Ukraine plus de six mois après l’annonce de son décès en détention en Russie. « Son corps a été restitué lors d’un récent rapatriement, fin février. Son identité a été confirmée grâce à des tests ADN », a déclaré jeudi 24 avril un vice-ministre ukrainien de l’Intérieur, Leonid Tymtchenko, cité par le média ukrainien Censor.net.
« Étant donné les tortures et l’état du corps, la famille de Rochtchina a demandé non pas un, mais plusieurs tests ADN, notamment par des laboratoires à l’étranger », a confirmé sur Telegram un député ukrainien, Iaroslav Iourtchyshyne. Kiev accuse Moscou d’avoir torturé et tué la journaliste, disparue en août 2023 après avoir rejoint les territoires occupés dans la région de Zaporijjia (sud) pour couvrir la situation locale.

Conditions de détention inhumaines
Dans une enquête publiée en mars 2025 en coopération avec trois médias ukrainiens, l’ONG Reporters sans frontières (RSF) affirme qu’elle avait été détenue dans des « conditions inhumaines » et privée d’accès à des soins adéquats.
Selon RSF, elle a été arrêtée à Energodar, où se trouve la centrale nucléaire de Zaporijjia, puis détenue à Melitopol avant d’être transférée fin 2023 dans le centre de détention provisoire n°2 à Taganrog, dans le sud-ouest de la Russie, décrit par d’anciens prisonniers comme un « camp de torture ».
D’après des codétenus, son état s’est progressivement dégradé : elle a cessé de s’alimenter, perdu beaucoup de poids, et s’est vu refuser l’accès à des médicaments.
Les Russes torturent « par plaisir sadique », raconte Vladyslav, prisonnier pendant 679 jours
La journaliste Lucie Tollon ( 20 minutes ) a pu recueillir le témoignage précis de Vladyslav Zadorin, un ancien prisonnier de guerre qui a passé 679 jours dans les prisons russes. Le voici :
Torturé, affamé, persécuté… À 26 ans, Vladyslav Zadorin a passé presque deux ans dans des prisons russes. Libéré depuis un an, ce soldat ukrainien témoigne des conditions extrêmes de sa détention.
Ancien prisonnier de guerre, il s’exprime aujourd’hui pour dénoncer les violences subies, physiques et psychologiques, mais aussi la propagande russe destinée à déformer la réalité du conflit. Capturé avec sa garnison, Vladyslav a été détenu 679 jours avant d’être libéré le 3 janvier 2024 dans le cadre d’un échange de prisonniers.
« Nous avons fini par manger des vers de terre, du papier toilette »
Capturé le 24 février 2022 sur l’île des Serpents, Vladyslav a été transféré dans sept prisons russes, de Sébastopol à Koursk. « C’était plus simple pour eux de nous faire bouger pour semer ceux qui nous cherchaient », raconte-t-il.
Il évoque la faim, les coups, la saleté, l’isolement. « Ils nous donnaient du pain mélangé à du sable et du bois. Nous avons fini par manger des vers de terre, des escargots, du papier toilette, du savon. »
Battus à la tête avec des bouteilles, privés d’eau potable, Vladyslav a subi de lourds traumatismes : lésions cérébrales, calculs biliaires, vertèbres brisées, orteils pourris faute de chaussures adaptées.
La torture psychologique au son de l’hymne russe
La souffrance n’était pas seulement physique. « Le plus dur, c’était l’inconnu : survivrai-je ? Reviendrai-je ? » confie-t-il. « La Russie continue à mentir en disant que nous sommes détenus dans des conditions humaines, c’est faux. » L’horreur s’exprime aussi dans les humiliations quotidiennes. « J’ai dû chanter l’hymne russe plus de 250 fois par jour. Aujourd’hui encore, mes parents m’entendent le fredonner malgré moi.»
Libéré lors d’un échange impliquant 230 prisonniers, il ne pesait plus que 60 kg, contre 120 avant sa capture. Un an après, la guérison est encore loin, surtout sur le plan psychologique. Aujourd’hui civil, il poursuit son engagement : « Ce n’est pas qu’une bataille armée, c’est une bataille pour la justice. Il y a des lois internationales. Un grand pays ne peut pas envahir un plus petit. »
Cicatrices, mutilations et croix nazies : les sévices documentés
Le programme Unburned accueille des soldats, anciens prisonniers. Dans Le Monde du 21 mars dernier, Justine Vincent en fait le récit:
La majorité des soldats pris en charge par le programme Unburned sont d’anciens prisonniers torturés. Maksym Turkevych, 21 ans, directeur du programme, affirme : « Le spectre est très large, au-delà de ce que vous pouvez imaginer. » Scarifications au couteau, amputations dues à des électrochocs, tortures sur chaise électrique : les cas documentés dépassent l’entendement. Les forces russes ont instauré un régime de terreur dans les territoires ukrainiens occupés : tortures, détentions arbitraires, disparitions, violences sexuelles. L’ONU, Human Rights Watch, Amnesty International parlent de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité.
Méthodes utilisées : coups, électrocutions, simulacres d’exécution, pendaisons, privations, viols, y compris sur mineurs. Objectif : humilier, briser, terroriser.
La torture sur ordre et l’impunité assurée
À Izioum, Balaklia, Kherson : commissariats, caves, écoles transformés en centres de torture. À Izioum, dix sites ont été identifiés. Des fosses communes ont été découvertes, les corps portant des marques de torture.
Les ONG affirment que ces pratiques relèvent d’une politique délibérée et non de dérives isolées. Des ordres ont été donnés. La Russie continue de nier et empêche toute enquête. Les victimes, elles, peinent à obtenir justice.
Sites de torture


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