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Syrie : La chute brutale de la maison Assad

publié le 08/12/2024 par grands-reporters

Damas est tombée, Bachar al-Assad a fui, la féroce dynastie politique n’est plus. Elle laisse un pays ravagé par la guerre

Une répression féroce

La genèse du soulèvement syrien remonte à 2011, lorsque des manifestations pacifiques, inspirées par les révolutions arabes, réclament des réformes politiques et économiques. Le régime répond par une violence aveugle, une stratégie de terreur visant à écraser toute dissidence. Les attaques chimiques sur des civils à Ghouta en 2013, les bombardements aveugles sur Alep en 2016, et les disparitions forcées dans les prisons du régime, comme celle tristement célèbre de Saydnaya, ont marqué le règne d’Assad. Ces actes n’étaient pas de simples excès de guerre, mais le cœur d’une stratégie de survie politique : faire de la terreur un instrument pour étouffer l’opposition. Ces choix ont transformé une contestation populaire en une guerre civile internationale, attisant l’intervention d’acteurs étrangers et la montée en puissance de mouvements extrémistes.

Une opposition rebelle mais fragmentée

Si le régime s’est maintenu pendant plus d’une décennie, c’est en partie grâce à l’éparpillement des forces rebelles. Les premiers espoirs d’unité portés par l’Armée syrienne libre (ASL) se sont rapidement heurtés à l’émergence de factions concurrentes, qu’elles soient islamistes, kurdes ou tribales. Néanmoins, à partir de 2023, un tournant s’opère. La montée en puissance de Hayat Tahrir al-Cham (HTS) et sa capacité à coaliser les groupes armés autour d’un objectif commun – l’effondrement du régime – redéfinissent la dynamique du conflit. La prise d’Alep et de Hama a scellé le sort de Damas. L’armée s’est effondrée face à une insurrection méthodique et soutenue par des ressources stratégiques.

La fuite d’Assad: L’effondrement

Le 8 décembre 2024, Bachar al-Assad a quitté Damas avec son entourage proche. Si sa destination reste incertaine, plusieurs sources évoquent un exil négocié en Iran, signalant l’abandon par Moscou de son protégé de longue date. Ce départ, orchestré dans l’urgence, symbolise la fin d’une époque où le pouvoir syrien, pourtant affaibli, pouvait encore prétendre à une légitimité intérieure et régionale. L’image de Damas, ville désertée par les symboles du pouvoir baassiste, contraste avec les scènes de liesse dans les territoires rebelles. Pourtant, derrière la chute apparente d’un dictateur se cache une réalité plus complexe : l’effondrement d’un système, certes autocratique, mais aussi structurant.

Russie et Iran : des alliés traditionnels mais ambivalents

Si la Russie et l’Iran ont été les deux piliers du régime Assad tout au long du conflit, leur rôle dans les derniers mois de sa présidence révèle les limites de leurs engagements. La Russie, absorbée par le conflit ukrainien et confrontée à une pression économique croissante, a peu à peu réduit son soutien militaire actif en Syrie. Les livraisons d’armes et les frappes aériennes se sont espacées, laissant le régime vulnérable face à une offensive coordonnée des rebelles.

De son côté, l’Iran, confronté à des soulèvements internes et à des sanctions internationales toujours plus lourdes, n’a pas eu les moyens de compenser l’affaiblissement russe. Téhéran, bien que toujours investi dans la région à travers le Hezbollah libanais et d’autres milices chiites, semble avoir préféré préserver ses intérêts régionaux plus larges plutôt que de tout risquer pour Damas. Ce lâchage progressif reflète une réalpolitique froide : le régime Assad était devenu un fardeau plutôt qu’un atout stratégique.

Une guerre sans fin qu’on a ignoré

Pour la Syrie d’abord, où le vide laissé par la chute du régime pourrait ouvrir la voie à une reconfiguration chaotique du pouvoir. Les forces rebelles, bien que victorieuses, devront démontrer une capacité à transcender leurs divisions idéologiques pour instaurer un gouvernement inclusif et restaurer les institutions d’un État en ruines.

Sur le plan régional, l’effondrement du régime Assad marque la fin d’une architecture autoritaire qui, bien qu’oppressive et brutale, offrait une certaine stabilité. La chute de Damas pourrait inspirer d’autres mouvements contestataires . Enfin, pour la communauté internationale, cet événement souligne l’échec des politiques hésitantes menées face au conflit syrien. L’intervention directe des États-Unis, de l’Europe a certes été évité mais l’absence de stratégie cohérente pour résoudre le conflit a prolongé une guerre qui aurait pu être évitée.

Et après?

La Syrie, profondément meurtrie, doit maintenant affronter un autre défi : reconstruire son tissu social, ses infrastructures et sa souveraineté. L’onde de choc de cet effondrement se fera sentir bien au-delà des frontières syriennes. La chute du tyran Bachar al-Assad, fils du tyran Hafez al-Assad, aussi cathartique soit-elle, n’est qu’un prélude aux défis colossaux de la reconstruction nationale et de la réconciliation.

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