Téhéran de retour sur la scène internationale?
Paradoxe. L’Iran sulfureux ne l’est plus, les autocrates du Golfe jouent les faiseurs de paix en Afrique, sous l’égide de Poutine… Merci Trump !

Depuis quelques mois, c’est dans la péninsule Arabique que se situe l’essentiel des grandes négociations internationales susceptibles d’engager l’avenir de la planète (Qatar, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, sultanat d’Oman), pouvant presque donner le sentiment d’une ONU ne jouant plus son rôle, ayant perdu son sens.
Paradoxe : ces régimes autocratiques au plus haut point, non exempts de tout soutien au terrorisme international, s’érigent en faiseurs de paix ou, du moins, tentent de jouer ce rôle.
Trump dans le Golfe Persique : bonnes affaires mais étrange bilan politique
Le premier voyage officiel de Trump a été consacré à ces pays-là, où le pétrodollar tient lieu de vertu démocratique. Ce ne sont pas seulement les bonnes affaires familiales qui ont attiré le président américain dans ce périple. On pourrait ainsi formuler l’hypothèse qu’il a, de ce fait, reconnu un nouveau point d’équilibre planétaire, celui qui, faisant fi d’un multilatéralisme qu’il abhorre, conclut ou, du moins, initie les « deals » bilatéraux susceptibles de servir au mieux ses intérêts et la « grandeur » de l’Amérique.
Qui, d’ailleurs, aurait pu imaginer que, dans l’euphorie d’un tel déplacement, Trump serait allé serrer chaleureusement la main du nouveau chef de l’État syrien, lui dont la tête était mise à prix aux États-Unis il y a moins d’un an ? Ou encore qu’il se verrait proche de signer un nouvel accord avec l’Iran sur le nucléaire ? Quitte, dans les deux cas, à humilier son allié fidèle, l’Israélien Netanyahou.
En tout cas, en reconnaissant de fait le nouveau régime syrien et en supprimant les sanctions qui lui étaient infligées, Trump semble avoir remis en selle Téhéran.
Quand le Sahel se tourne vers les talibans
C’est dans cette même période qu’au moins deux États du Sahel, le Niger et le Burkina Faso, se sont eux aussi tournés vers Téhéran, avec pour objectif similaire d’y rencontrer les talibans à la tête de l’Afghanistan, pays voisin et surtout politiquement proche, entretenant lui aussi de bonnes relations avec Moscou.
Dès la fin avril 2025, le Niger avait pris les devants en faisant en sorte que son ambassadeur à Téhéran y rencontre officiellement celui de l’Afghanistan. Puis, quelques semaines plus tard, le Burkina lui emboîtait le pas avec le même type de rencontre, également officielle, et toujours à Téhéran…
Le pivot stratégique du Sahel ?
Le Burkina est déjà étranglé par sa dette considérable et par une extension de l’insurrection djihadiste qui grignote sans cesse son territoire. Jeune Afrique rapporte également que, la veille de la rencontre à Téhéran, les djihadistes avaient fait une démonstration de force dans la ville de Dnibo, de près de 300 000 habitants, et les localités avoisinantes, tuant des dizaines de personnes et pillant notamment les arsenaux de la police et de la gendarmerie.
Négocier avec les djihadistes ?
Nul n’ignore que l’Afghanistan sert de refuge et de base arrière à Al-Qaïda. Or, ce sont bien à des bandes affiliées à ce mouvement que les États du Sahel se trouvent confrontés — notamment le JNIM, l’une des plus puissantes. Au Burkina, il semble même que ce soit le groupe armé le plus capable d’infliger des dommages sévères à l’armée, et qu’une partie désormais très significative du pays soit sous son contrôle.
L’Afghanistan pourrait-il être un bon médiateur, avec l’appui de l’Iran ? L’Iran, désormais membre des BRICS, et à qui le soutien de Moscou n’a jamais manqué.
Étrange période donc que ce printemps 2025. On y voit un président américain venir au Moyen-Orient, choyé par les États du Golfe Persique, ignorant volontairement Israël et sa destruction de Gaza, mais redonnant presque le sourire à Téhéran et à son allié potentiel en Syrie. Et d’un autre côté, on peut deviner un président russe capable de contribuer à stabiliser la situation au Sahel.
Au concours du cynisme…
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