Un nouveau journal ? Quelle folie ! par Laurent Joffrin

Aventure : dans ce printemps de la discorde et de l’amertume, nous créons un nouveau journal, ouvert, progressiste, polémique, et impertinent.

Idée folle…

Mais comment ne pas constater, comme moi, l’effrayante régression du débat public ? Pour l’avoir commenté de longues années, j’ai peine à me souvenir d’une période aussi confuse, agressive, irrationnelle. Dans l’actuel paysage médiatique, j’entends les idées de droit, de raison et de progrès toujours couvertes par les invectives des extrêmes.

Ces attentats permanents contre la raison, contre l’humanisme, la culture démocratique, serrent le coeur. Consterné, je crains que la flamme des Lumières ne s’éteigne, soufflée par un débat vociférant où se heurtent toutes les intolérances, pour conduire, au bout du chaos, au règne de la main de fer identitaire.

De cette tristesse est née la colère.

A la fin, abandonnerons-nous la place, dans les médias moutonniers, sur les réseaux cacophoniques, aux hurleurs, aux bateleurs, aux aboyeurs ? La droite s’est rendue aux diktats du nationalisme, c’est son affaire. La gauche doit-elle l’imiter en pliant sans cesse devant l’intolérance d’une radicalité furieuse.

Combien de temps supporterons-nous le combat sommaire qui oppose une coalition de centre-droit élitiste, une extrême-droite menaçante et une union de la gauche dominée par le sectarisme de LFI ?

Combien de temps resterons-nous impuissants devant la montée des politiques de l’identité, irrationnelles et communautaires, pris en tenaille entre les incongruités complotistes, les outrances d’un certain militantisme « woke », et les diatribes du nationalisme.

Abandonnerons-nous celles et ceux qui croient à la justice sociale, à l’écologie réaliste, au féminisme universaliste, ceux qui respectent les vérités de la science et aspirent à l’émancipation humaine par le savoir ?

Notre rêve ? Construire un nouvel outil journalistique caustique, véhément si nécessaire, mais aussi capable de manier l’humour et de penser contre lui-même.

Un journal qui s’appuie sur l’héritage des Lumières pour penser les défis de l’avenir

Un journal de combat, fondé sur la rationalité joyeuse et le souci de la justice.

Un journal écologique et social, qui ne soit ni radical, ni décroissant, ni communautariste, ni populiste, ni insoumis.

Un journal voué à la lutte pour la liberté dans le monde et à l’idéal européen

Un journal libre, propriété de ceux qui le font.

Un journal engagé mais indépendant de tout parti politique, réalisé par des journalistes professionnels, dont j’assure l’animation avec mon ami Jean-Paul Mari, longtemps grand reporter au Nouvel Observateur et Prix Albert Londres.

J’entends déjà les blasés, les revenus de tout. Cette philosophie réformiste, cette volonté de construire plus que de détruire, diront-ils, nous mènent tout droit à la modération bonnasse. Ceux qui ânonnent ces clichés ont la mémoire courte. Pensons aux grandes figures de la liberté. Ennuyeux, Voltaire ? Timorée, Olympe de Gouges ? Hésitant, Zola ? Tiède, Jaurès ? Timide, Blum ? Effacée, Beauvoir ? La pensée de midi, claire, lumineuse, celle de Camus, n’a rien d’un lumignon. Elle projette la clarté coupante de la lucidité.

Références désuètes, principes dépassés ? Quelle ignorance ! Les défis de l’avenir sont là, immenses, qui exigent la même intelligence rationnelle, le même réalisme de l’audace, la même foi dans l’humanité, le même amour de la liberté.

Le Journal les affrontera tous, en ouvrant les débats qui fâchent, en lançant les polémiques qui éclairent. La mutation écologique, la lutte pour la justice sociale et la dignité des classes populaires, la réforme démocratique, seront au cœur de la ligne éditoriale ; les questions qui dérangent, à gauche notamment, la sécurité, la crise de la dette, l’immigration, l’identité, la nation, si souvent mises sous le tapis par une gauche trop bien-pensante, seront abordées sans fard. Au bout du compte, face au danger de plus en plus vraisemblable d’une victoire de l’extrême-droite, nous mènerons le combat de la démocratie avec l’arme de la raison et la fièvre de la conviction.

Nous ne sommes pas nombreux, nous ne sommes pas puissants, nous ne sommes pas riches, nous ramons à contre-courant de la déferlante extrémiste, mais je suis sûr de notre idéal. À la fin, grâce à cette France républicaine amoureuse de la liberté, de la raison et du progrès, nous l’emporterons !

Si vous croyez à ces idées, si vous avez foi en l’avenir, aidez-nous !