Une planète sans foi ni loi (3)
Le président des États-Unis exècre les organisations internationales, les traités, les accords. Parce qu’il se pense le plus fort, il estime pouvoir s’affranchir de toute règle

Un président contre les règles du jeu mondial
Le président des États-Unis s’applique, jour après jour, à détruire l’ordre mondial qui prévalait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le plus extraordinaire est que cette prééminence du libéralisme politique et économique était, pour une large part, voulue par ces mêmes États-Unis.
C’est Chris Patten, conservateur britannique modéré et ouvert, dernier gouverneur de Hong Kong, ex-président de la BBC et ex-commissaire aux Relations extérieures de l’Union européenne, qui explique peut-être le mieux l’étendue de ce revirement. Dans le New York Times, en février, il lance:
« Trump et sa bande de cireurs de pompes ignares sont en train de vandaliser le réseau d’organisations, d’accords et de valeurs très largement mis en place par l’Amérique. »
L’ordre américain : sabotage ou suicide ?
Lord Patten pense que ce réseau a quand même bien servi la paix et la prospérité du monde. Trump, lui, ne pense qu’aux États-Unis. Le monde, qu’il ne connaît pas, l’indiffère.
Certes, l’ancien système n’était pas parfait – hypocrite, injuste mais il avait l’avantage de réguler les relations internationales. Le locataire de la Maison-Blanche a horreur d’avoir le sentiment que son pays, donc son pouvoir, est lié par de quelconques règles.
Donc, il renie ses alliés, rêve de sortir des alliances qui l’obligent, des accords qui pourraient le contraindre, et bien sûr des organisations internationales qui peuvent exiger un tant soit peu de solidarité.
Organisations internationales : Trump fait table rase
À peine élu, Donald Trump a fait sortir les États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat et de l’Organisation mondiale de la santé. Sa folie des droits de douane dynamite l’Organisation mondiale du commerce. Il rêve de quitter l’OTAN.
Pour lui, tous les alliés ou partenaires des États-Unis n’ont qu’un seul objectif : escroquer son pays, profiter de sa générosité. Il accuse ainsi l’Union européenne d’être née pour « entuber » les États-Unis. Or, la création de la Communauté économique européenne s’est accomplie avec la bénédiction de Washington.
Le démantèlement du soft power américain
La « grandeur » américaine se passera donc désormais de tout messianisme des valeurs de liberté qu’elle prétendait incarner. Il ne restera que des intérêts, le plus souvent strictement économiques, et même pas véritablement géostratégiques.
Le président américain, peu soucieux d’une quelconque influence internationale de son pays-sinon celle que pourrait lui donner la force armée et le chantage économique-a décidé de supprimer tous les outils du soft power américain.
La disparition de l’agence de développement USAID, qui représentait 40 % des aides de ce type dans le monde, va laisser un grand vide dans les pays les plus pauvres de la planète. On peut imaginer que d’autres s’empresseront de combler ce manque-par exemple, la Chine, en mal de considération internationale.
Vous n’écoutez plus « la Voix de l’Amérique »
La mise en congé brutal des personnels de l’US Agency for Global Media et, par conséquent, la suppression des médias audiovisuels publics « La Voix de l’Amérique », « Radio Free Europe/Radio Liberty », privent les États-Unis d’une voix qui s’exprimait dans 48 langues différentes et touchait, chaque semaine, plus de 427 millions de citoyens du monde.
Avec elles disparaissent aussi « Radio Free Asia », les Middle East Broadcasting Networks ou encore la radio anticastriste « Martí ». Tous ces médias s’étaient originellement créés depuis la Seconde Guerre mondiale pour apporter aux populations de l’Est de l’Europe ou d’ailleurs un souffle de liberté contre les dictatures qui les oppressaient.
« La Voix de l’Amérique » a joué un grand rôle dans l’insurrection hongroise de 1956 contre les Soviétiques. Les régimes autoritaires d’aujourd’hui ne s’y sont pas trompés. Russes et Chinois ont applaudi la disparition de ces « usines à mensonges ». Pour Trump, ces médias n’étaient qu’un repaire de journalistes « radicaux », autrement dit gauchistes.
Un monde livré aux rapports de force
Trump se soucie peu de la perte d’influence. Les États-Unis sont respectés pour leur puissance, et uniquement pour elle. L’important, c’est que son pays soit craint, pas aimé.
L’ordre du monde trumpien, sans droit international, sans institutions pour le faire respecter, est donc aux mains des plus forts. Dans cette jungle, les États-Unis, repliés sur eux-mêmes, comme mis à l’écart des tumultes du monde, seraient à l’abri.
Pékin et Moscou applaudissent, l’Europe s’inquiète
Donald Trump se prétend pacifiste… avec les forts-Moscou ou Pékin – ce qui ne l’empêche pas de menacer sérieusement l’Iran. D’ailleurs, il ne suffit pas de ne pas vouloir la guerre pour ne pas y être confronté.
Les Chinois, qui observent avec intérêt les intentions américaines de retrait de l’Europe, qui savent que les alliés des États-Unis-Taïwan, Corée du Sud, Japon, etc.- s’inquiètent, ne peuvent que se sentir, comme les Russes, confortés par Trump dans leurs intentions expansionnistes.
FIN
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