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Face à Trump, une Europe fracturée et soumise (2)

publié le 07/04/2025 par Pierre Feydel

Avec l’aide active de son ami Poutine, le président des États-Unis voudrait bien faire exploser l’Union européenne pour mieux la soumettre

L’Union européenne dans le viseur

Depuis que Donald Trump « est passé à l’Est », selon la formule du colonel Michel Goya, consultant en matière de Défense sur la chaîne d’information continue LCI, les Européens ont plutôt resserré leurs liens. Si le président des États-Unis et le maître du Kremlin rêvent de disloquer l’Union européenne, pour le moment, la tendance inverse semble se dessiner. Face à la Russie menaçante et aux États-Unis défaillants, les membres de l’UE, auxquels se sont joints le Royaume-Uni et la Norvège, ont compris qu’ils ne pouvaient plus que compter sur eux-mêmes. L’Amérique, pilier du monde occidental, a donc trahi, et ses valeurs, et ses alliés.

Le locataire de la Maison Blanche rêve d’une grande alliance avec la Russie, débarrassée des sanctions qui minent son économie, profitant d’une aide américaine pour exploiter les richesses de son sous-sol, exporter son gaz et son pétrole. Washington pourrait envisager de passer un accord, voire de signer un traité avec Moscou pour exploiter les terres rares russes, contrôler militairement l’Arctique et faire la nique à la Chine.

Amérique-Russie : je t’aime, moi aussi

Cette nouvelle idylle russo-américaine, où l’on voit un Trump énamouré faire l’éloge d’un Poutine devenu un « bon gars », peu soucieux d’agresser l’Europe et impatient de faire la paix avec l’Ukraine, est diversement appréciée en Europe. Mais surtout, c’est sur l’hypothèse d’un retrait américain de l’OTAN que l’attitude des pays diverge. La France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne tentent de réunir autour d’elles les pays prêts à assurer la relève des États-Unis, d’organiser une force de défense capable d’assurer des garanties réelles de paix pour Kiev. D’être en gros les empêcheurs de tourner en rond de l’alliance russo-américaine. D’autres croient encore, plus ou moins, à un engagement américain face aux Russes. L’effort financier pour créer une défense européenne indépendante en refroidit beaucoup.

L’Europe face au mépris américain

Les Américains, à la grande satisfaction des Russes, s’amusent des divisions de ces « petits » pays écartés des négociations de paix et dont ils considèrent qu’ils ne pèsent rien militairement et économiquement. Séparés, ce pourrait être vrai ; unis, c’est faux. Les 27 représentent un marché de 450 millions d’habitants au confortable niveau de vie. Les 32 pays européens de l’OTAN dépensent plus de 460 milliards de dollars pour leurs armées. Et cette manne devait être réorientée vers l’achat d’équipements fabriqués en Europe. Le budget militaire russe n’atteindra que 116 milliards de dollars en 2025. Donald Trump veut disperser l’Europe « façon puzzle ». Chaque entité nationale serait alors bien plus vulnérable, bien plus susceptible de céder à ses exigences en matière de commerce international.

Le cauchemar d’une Europe affaiblie

Affranchi de toute règle de droit international, Trump est sans doute tout prêt à abandonner à son ami Poutine les pays baltes, la Moldavie, la Géorgie et une bonne moitié de l’Ukraine, sinon le pays tout entier. Quant au reste, il compte sur les partis nationaux-populistes pour prendre le pouvoir en France, en Allemagne et ailleurs, afin de réduire à peu de chose le pouvoir de la Commission européenne. Lors des dernières législatives en Allemagne, les interventions d’Elon Musk en faveur du parti d’extrême droite Alternative für Deutschland participent de cette stratégie. Comme d’ailleurs ses excellents rapports avec la très droitière Giorgia Meloni, présidente du Conseil italien.

Poutine, parrain idéologique du RN français

En France, le Rassemblement national, autrefois aidé financièrement par Poutine, prêt à faire des yeux doux à Trump, manifeste aujourd’hui un certain embarras et se refuse à condamner les attaques du président des États-Unis contre l’Europe. Partout, l’extrême droite progresse dans les États européens. Elle est déjà au pouvoir dans de nombreuses coalitions : aux Pays-Bas, en Autriche, en Finlande, etc. Trump, mais aussi Poutine, font figure de parrains idéologiques de ces partis nationaux-populistes.

Une régression civilisationnelle assumée

Tous partagent le même refus d’un déclin civilisationnel, d’une dégénérescence morale des démocraties libérales minées par les vagues d’immigration, la chute des pratiques religieuses, les droits exagérés accordés aux femmes, aux homosexuels, aux minorités en tout genre, l’affaiblissement des valeurs traditionnelles d’autorité, etc. Il est vrai que pour des hommes blancs, suprématistes, virilistes, nationalistes, tout ce qui peut s’apparenter de loin ou de près à une forme quelconque de progressisme doit être combattu. En fait, le vice-président J.D. Vance l’a avoué : pour lui, l’Europe de l’Ouest n’est pas assez d’extrême droite. Les trumpistes rêvent, en Europe, de régimes politiques à l’image de ce qu’ils concoctent pour leur propre pays : des démocraties illibérales. Et hélas, le terreau électoral existe pour cette terrible régression.


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