Une Amérique illibérale et dominatrice (1)
Comment Trump voit-il le monde ? Que deviendrait l’Amérique, les pays autour de lui, l’Europe, s’il parvenait à imposer ses vues ? Premier volet de notre enquête dans le futur…

Les États-Unis risquent d’être la première victime des visions trumpiennes. Un pays non pas grandi, mais comme ratatiné sur lui-même.
Pour le moment, il détruit
La révolution Trump est en marche. Pour le moment, elle détruit, par bombardements incessants de décrets et de déclarations, à la fois la démocratie américaine et l’ordre du monde. Certes, la première n’est pas parfaite et le second précaire. Mais pour construire quoi ? D’abord, aux États-Unis, une démocratie illibérale. Car la première victime des obsessions de son 47ᵉ président pourrait bien être son propre pays. L’Amérique selon Trump n’a plus grand-chose à voir avec celle des pères fondateurs de la République américaine, nourris de philosophie des Lumières, soucieux d’un savant équilibre entre les pouvoirs. De ce système de « checks and balances » (freins et contrepoids), le locataire de la Maison-Blanche n’a que faire. Il supprime le ministère de l’Éducation nationale sans l’avis du Congrès. Il passe outre un vote contre ce projet. Quant aux décisions des juges, lorsque la Cour suprême demande de réintégrer des fonctionnaires ou de rembourser des subventions supprimées par Elon Musk, l’administration Trump fait la sourde oreille.
Le « spoil system »
L’hypertrophie du pouvoir de l’exécutif étouffe le judiciaire et le législatif. L’État de droit est donc bafoué. Et la toute-puissance présidentielle s’en prend à son principal outil de gouvernement : l’administration fédérale. Elle est d’abord purgée de tous ceux qui, à tort ou à raison, sont soupçonnés de ne pas adhérer totalement à l’idéologie trumpiste. Les licenciements vont bien au-delà de l’habituel « spoil system », qui veut que chaque administration nouvelle nomme aux postes les plus importants de la fonction publique des sympathisants politiques. Les armées, les services de renseignement, la diplomatie, la justice sont ainsi étêtés. À la place des partants, des fidèles exécutants aveugles de la volonté présidentielle, souvent incompétents. Des services publics entiers sont supprimés, tel le ministère de l’Éducation nationale, les services de recherche et les agences chargées de la lutte contre le réchauffement climatique, des pans entiers des organisations d’aide sociale ou des systèmes de sécurité sociale.
La mainmise sur le canal du Panama, le Canada, le Groenland
Pour Trump, tout ce qui est public est synonyme de gabegie, de fraude, de dilapidation de l’argent des contribuables. Tout ce qui est social permet à des incapables de survivre abusivement. Tout ce qui est réglementation est entrave au profit. Et bien sûr, les fonctionnaires sont des paresseux. Les conséquences de ces décisions seront un accroissement des inégalités, une réduction du niveau de santé, une augmentation forte de la pollution, un affaiblissement de la recherche scientifique. Il crée ainsi une jungle où la loi du plus fort s’impose. Même chose en matière de relations extérieures de son pays. Ses velléités de domination sont sans limite : annexion du Canada, du canal de Panama et du Groenland. Le rêve d’une grande Amérique régnant sur la totalité du nord du continent. Pourquoi ? Par pur intérêt : le Canada possède de considérables ressources en eau dont risquent de manquer les États-Unis. Le Groenland est truffé de terres contenant des métaux indispensables au développement de la high-tech. Le canal de Panama est essentiel au commerce et à la défense des États-Unis.
Le monde au service de l’économie américaine
Une des armes de Donald Trump pour parvenir à ses fins sont les droits de douane. Leur hausse brutale, générale, particulièrement à l’égard des pays jusqu’alors alliés des États-Unis, a jeté le trouble sur la planète entière. Si ces dispositions sont effectives, elles affecteront la croissance mondiale. Mais le président des États-Unis pense surtout que cette politique protectionniste obligera les entreprises étrangères à venir sur le sol américain pour ne pas avoir à les payer. Ce qui peut effectivement être parfois le cas. Mais surtout, cette augmentation des importations sera répercutée sur les prix, relançant l’inflation. La baisse du dollar pourrait favoriser les exportations américaines, mais renchérir les importations. Et puis, les avancées suivies des reculades de Trump en matière de tarifs douaniers ont troublé le monde des affaires. L’imprévisibilité ne favorise pas la mise en œuvre des projets. Wall Street, traditionnellement libéral en matière de commerce international, a marqué son opposition en chutant.
La loi du plus fort de la « milliardocratie »
Que va-t-il rester ? Une « milliardocratie » où la loi du plus fort règnera sans partage. Un pouvoir quasi autocratique soutenu par la propagande et les « fake news » des réseaux sociaux, aux mains d’amis du régime qui, à l’aide des algorithmes, manipulent les citoyens. Une nation où les inégalités ont prodigieusement augmenté. Une société où il vaut mieux croire que savoir. Un totalitarisme sans État.
A suivre…
- Une Europe fracturée et soumise (2)
- Une planète sans foi, ni loi (3)

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