Jean-Paul Mari présente :
Le site d'un amoureuxdu grand-reportage

Voyage le long du mur de l’Amérique: Boca Chica, kilomètre zéro de la frontière (2)

publié le 08/02/2017 | par Jean-Paul Mari

Carnets du Rio Grande
Un mur de 3300 kms entre les USA et le Mexique.
Les Etats-Unis ont décidé de construire un mur le long de leur frontière de 3300 km avec le Mexique, pour lutter contre l’immigration clandestine venue d’Amérique latine. Projet fou, utopie ou réalité ? Jean-Paul Mari et Yann Le Bechec font le voyage du Golfe du Mexique aux côtes de la Californie. Ils racontent le parcours tragique de millions de migrants mais aussi les narcotrafiquants, la Border Patrol et les rêves et les espoirs du peuple de la frontière.

medium_Dessin_Bench_sand_pic.5.jpg

Tout commence ici, au bord de cette plage que les vagues attaquent en rangs serrés, blanches d’écume sous le vent du nord-est. On cherche le « Mur » que le gouvernement américain veut construire pour séparer les États-Unis du Mexique et empêcher l’immigration clandestine…Rien. Pas de traces de chantier. Même pas de « Border Patrol », la police des frontières, en vue. Seulement des pêcheurs, adossés à leur voiture, une bière à la main, la cagoule relevée contre les embruns, leur canne plantée dans le sable. Il y a le vent, ce soleil d’hiver, la lumière blanche et l’odeur forte de la mer, de grandes dunes, des coquillages séchés, des nuées de mouettes et encore un goût d’Atlantique dans le golfe du Mexique.
Face au Rio Grande. Dimanche tranquille à Boca Chica.

Où est le Mexique ? Là, tout près, de l’autre côté de l’embouchure du Rio Grande.On imagine un fleuve immense, comme les films de notre enfance, il n’est large que d’une centaine de mètres à peine et son flot se fait repousser dans son lit par le courant venu du large. De l’autre côté, à trois cents mètres à peine, un phare, grand, tout blanc…le Mexique. Pour venir de Houston jusqu’ici, il a fallu une journée de route, filer plein sud jusqu’à Brownsville, la ville frontière, son pont international, son centre-ville « historique » minable, patchwork américano-mexicain préservé comme un musée du Nouveau Monde. Des ruelles vides, une ville sans âme qui n’existe que pour être traversée.

thumb_Photo_Une_croix_Brownsville_Boca_chica.jpg

Trois générations d’immigrants.L’Amérique est censée finir ici. En réalité, elle se termine bien avant. Elle est forte encore à Houston, immense capitale du Texas, avec ses freeways, ses quartiers d’affaires, ses centres commerciaux jalonnés d’espaces assez grands pour y planter tout un village de France. Houston, Texas, USA !

Oui mais, qu’ils soient vendeurs de Mc Do, chauffeurs de taxi, femmes de ménage ou cow-boys, la plupart des texans ont le cheveu noir et la peau mate : des Mexicains immigrés, avec ou sans papiers, installés depuis une, deux, trois générations.Et leurs enfants aussi massifs que les jeunes du Texas. Vers le Sud, la route longe l’océan et les noms continuent à s’entrechoquer : « Chapmann Ranch » et « El Campo », « Vanderbauer Loop » et « Presidio road ». Au Texas, l’Amérique du Nord et l’Amérique latine forment déjà un vieux couple, sans effort, sans échappatoire, sans même de racisme.

thumb_Vieux_Brownsville_4_mars_07.2.jpg

Au bout du chemin, à la pointe extrême du continent américain, il n’y a plus que cette plage de Boca Chica où le sable vole dans la lumière du soleil qui s’en va. Quelques dizaines de mètres d’eau douce et salée mélangée qui nous séparent du Mexique. De l’autre côté, il y a les mêmes voitures, les mêmes pêcheurs avec leurs cannes qui occupent le même dimanche. Et vu d’en face, le rêve américain, comme une tentation quotidienne. Une frontière, cette embouchure de « Boca Chica » ? Non. Tout au plus, une « petite bouche » avec deux lèvres qui se referment, se touchent, comme un baiser du fleuve.

medium_carte.3.jpg

ALLER AU PREMIER BLOG DE LA SÉRIE


COPYRIGHT LE NOUVEL OBSERVATEUR - TOUS DROITS RESERVES