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Vu de l’hôpital: Bénévole à l’hôpital: « à 60 ans…Fais gaffe quand même! » (19)

publié le 14/04/2020 | par Jean-Paul Mari

Les cloches de Pâques n’ont pas sonné le glas, la deuxième vague redoutée n’a pas eu lieu, l’hôpital souffle. Les soignants les plus éprouvés se sont accordés un ou deux jours de repos. Pas René. Lui ne quitterait son poste pour rien au monde. Il n’est pas médecin, seulement un bénévole, costaud à l’œil bleu, affecté à la logistique. Vingt ans chez les Pompiers de Paris, la vie en alerte rouge et une femme à qui on laisse des petits papiers sur la table du petit déjeuner : « Sapeur-pompier, c’est le plus dur. Mais si on me le proposait, j’y retournerais en courant ».

A 37 ans, le sergent est déclaré trop vieux pour le feu. Se retrouve dehors, endeuillé de sa « famille ». Reprend le métier pour Air France à Paris-Charles de Gaulle. Le DRH s’inquiète : « 24H de garde d’affilée pour 96 h de repos, vous tiendrez ? » Il éclate de rire : « Chez les pompiers, c’est 72h de garde pour 24h de repos. » Au programme : prévention, instruction et secours. Un jour, on l’appelle pour une fuite de kérosène sur un Boeing 777 : « ça coulait comme un torrent ! » Près de 100 tonnes de carburant, 1 cm de hauteur sur 400 m2, de quoi faire sauter tout le hangar. Un tapis de mousse et une nuit de travail, la catastrophe est évitée.

Quand le Covid paralyse les airs, René erre sur une planète inconnue au milieu des avions dans un aéroport désert. Les temps sont tristes. Il perd son père de 91 ans, mort d’Alzeimer, dans un Ephad de Narbonne. Confinement oblige, il n’a pas le droit de revoir son visage. Les larmes lui montent encore aux yeux : « L’infirmière m’a dit : « Oh ! vous me faites trop de peine. Tant pis ! allez l’embrasser » René a une dette envers les blouses blanches. Surtout quand sa deuxième fille de 33 ans, seule avec son bébé, devient fiévreuse et essoufflée. Malade du Covid, mais soignée et sauvée.

René, en bon soldat strictement confiné, installe une salle de musculation dans son pavillon de banlieue. Mais il bouillonne d’inutilité, envoie demande sur demande à l’hôpital et contacte un praticien hospitalier rencontré à Air France. Le voilà -enfin ! – nommé à la logistique du Samu : « un 1er avril, ma fille a cru à une blague. » Beaucoup de manquants malades, une équipe sur les genoux, des tonnes de nourriture, de vêtements et de médicaments…on manque de bras. Dans l’urgence, plus de différence entre les cadres et les autres, tout le monde s’y met, se tutoie, seule compte la « mission », dans le même esprit que les sapeurs-pompiers : « je suis passé du rouge au blanc, mais j’ai retrouvé une deuxième famille. »

L’hôpital est pourtant un bouillon de culture. Ses proches s’inquiètent : « A près de 60 ans…fais gaffe quand même ! » Il passe la main dans ses cheveux blancs: « je sais ». Et confie : « je ne demande qu’une seule faveur, être à mon poste, le 19 avril, jour de mon anniversaire. »

 

 

Noms modifiés